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A l’Onu, coûte que coûte

Aliaa Al-Korachi , Mardi, 20 novembre 2012

Mahmoud Abbas poursuit ses démarches à l'Onu en vue d'obtenir un statut d'Etat non membre pour la Palestine. Il devra compter sur une majorité à l'Assemblée générale pour contourner le refus américain à cette reconnaissance

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La Palestine a aujourd'hui plus de chance pour devenir un Etat non membre à l'Onu. (Photo: Al-Ahram)

« L’offensive israélienne n’a d’autre but que de torpiller la candidature palestinienne à un statut d’Etat non membre aux Nations-Unies », estime Riyad Mansour, ambassadeur palestinien auprès de l’Onu. Les incidents à Gaza ont, en effet, obligé le président palestinien Mahmoud Abbas à interrompre sa tournée en Europe. Une tournée destinée à chercher des soutiens à sa démarche visant à élever la Palestine au statut d’Etat non membre des Nations-Unies sur la base des frontières établies avant la guerre de 1967.

« Nous allons à l’Onu en novembre 2012, pas en 2013 ni en 2014. Nous ne renoncerons pas », a martelé Abbas, qui estime aussi que l’agression israélienne est liée à ses démarches à l’Onu. A ce jour, l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) possède un simple statut d’entité observatrice aux Nations-Unies.

Le jour J de la demande est fixé pour le 29 novembre. Le choix de cette date n’est pas un hasard, elle marque le 65e anniversaire du vote, par la même organisation, du partage de la Palestine en deux Etats.

Après la reconnaissance de la Palestine à l’Unesco, Abbas souhaite aller plus loin. « Il n’avait d’autre choix que d’aller à l’Onu. C’était ça ou déclencher une nouvelle Intifada. Il a choisi la voie diplomatique, celle de la paix », justifie Ziad Abou-Zein, membre du Fatah, le mouvement du président.

Plan B

Se présenter aujourd’hui comme un « Etat non membre à l’Onu » n’est que le plan B de M. Abbas, en recherche d’une reconnaissance inter­nationale. Le 23 septembre 2011, une demande d’adhésion pleine et entière d’un Etat palesti­nien pour devenir le 194e des Nations-Unies n’avait pas abouti. Le comité des admissions des Nations-Unies n’était pas parvenu a entéri­ner la demande puisque l’admission nécessite l’aval de neuf des quinze membres du Conseil de sécurité et aucun membre permanent ne doit opposer son veto. Cinq pays seulement avaient affiché leur soutien pour l’Etat palestinien. Mais de toute façon, la Palestine se serait heurtée au veto américain.

Un an après, Abbas dépose une autre demande, cette fois-ci, directement à l’Assemblée géné­rale. D’un statut moindre, cette démarche offre l’avantage de ne pas passer par le Conseil de sécurité. Le Vatican est actuellement le seul Etat qui dispose de ce statut ambigu.

Pour acquérir ce statut, un vote à la majorité simple de l’Assemblée générale suffirait, ce qui reste largement envisageable, puisque la Palestine, depuis sa déclaration d’indépendance en 1988, a été reconnue par près de 127 Etats des 193 pays membres de l’Onu. L’OLP est déjà reconnue depuis 1974. Son statut « d’entité » lui permet de participer aux travaux de l’Assem­blée en qualité d’observateur et présenter des motions sur les questions relatives à la Palestine et au Proche-Orient. Mais elle n’a pas le droit de vote et n’a pas le droit de saisir des instances judiciaires internationales comme la Cour Pénale Internationale (CPI).

Si cette fois-ci la démarche aboutit, la Palestine pourra saisir la CPI, notamment contre Israël pour crimes contre l’humanité, par exemple dans le cadre de l’opération Plomb durci, où des centaines de femmes et d’enfants avaient péri sous les bombes de l’armée sio­niste. Selon Saïd Okacha, politologue, cette demande, une fois admise, « serait une victoire face à Israël et le conflit israélo-palestinien sera en quelque sorte rééquilibré, puisqu’il se trans­formerait en conflit entre deux Etats ». Mais le plus important, selon lui, serait « l’internationa­lisation du conflit sur le plan juridique ».

Menaces israéliennes

Un cauchemar pour Israël qui ne ménage pas les menaces : « Ne plus reverser les droits de douanes à l’Autorité palestinienne », ou encore « annuler tous ou une partie des accords de paix d’Oslo ». Israël va encore plus loin en menaçant de « renverser le président palestinien Mahmoud Abbass ». Avigdor Lieberman, chef de la diplo­matie israélienne, déclare ainsi que « si les Palestiniens persistaient dans ce projet, il ferait en sorte que l’Autorité palestinienne s’ef­fondre » et la presse israélienne fait état d’un plan de « neutralisation » de Abbas.

Déjà, l’adhésion de la Palestine à l’Unesco en octobre 2011, par 107 voix pour 52 absten­tions et 14 voix contre, avait été une impor­tante déconvenue pour Israël. Sa réplique avait été l’accélération de la colonisation à Jérusalem-Est et en Cisjordanie occupée et le gel du transfert de fonds dus à l’Autorité pales­tinienne. Tel-Aviv peut compter sur le soutien indéfectible des Etats-Unis. Le Congrès améri­cain a ainsi menacé de rompre les aides écono­miques à l’OLP. Et dans les coulisses, Washington ne cesse d’exercer des pressions sur Mahmoud Abbas pour le pousser à renon­cer à sa démarche.

Abbas rassure Israël

Pour rassurer ses partenaires, M. Abbas ne cesse de répéter que cette demande n’est pas un substitut aux négociations. « La première, la deuxième et la troisième options sont de négo­cier », assure-t-il, en riposte aux accusations formulées par Tel-Aviv et Washington parlant d’une démarche qui « ne fait que perturber le conflit ».

Mais le conflit n’est-il déjà à l’apogée de « ces perturbations » ? Le Conseil de sécurité, réuni en urgence le 14 novembre après l’at­taque contre Gaza, faute de consensus, n’a pas été en mesure d’adopter la moindre déclara­tion. Pour Okacha, Israël, en menant cette attaque, entend, entre autres, faire une mau­vaise propagande sur la candidature de la Palestine et influencer certaines voix, notam­ment européennes, à l’Onu. Le message israé­lien est le suivant : la Palestine, une fois recon­nue, ne sera pas en mesure de contrôler Gaza.

Toutefois, les chances de la Palestine restent importantes, même sans les voix de l’Europe, et notamment celle de la France. Bien qu’elle ait voté pour l’adhésion de la Palestine à l’Unesco, la France reste favorable à Israël. Mais les blocs africain, asiatique et une partie de l’Amérique du Sud, sensibles au sujet de la colonisation et de l’oppression des peuples, restent de bons alliés à l’Onu pour la Palestine .

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