« L’offensive israélienne n’a d’autre but que de torpiller la candidature palestinienne à un statut d’Etat non membre aux Nations-Unies », estime Riyad Mansour, ambassadeur palestinien auprès de l’Onu. Les incidents à Gaza ont, en effet, obligé le président palestinien Mahmoud Abbas à interrompre sa tournée en Europe. Une tournée destinée à chercher des soutiens à sa démarche visant à élever la Palestine au statut d’Etat non membre des Nations-Unies sur la base des frontières établies avant la guerre de 1967.
« Nous allons à l’Onu en novembre 2012, pas en 2013 ni en 2014. Nous ne renoncerons pas », a martelé Abbas, qui estime aussi que l’agression israélienne est liée à ses démarches à l’Onu. A ce jour, l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) possède un simple statut d’entité observatrice aux Nations-Unies.
Le jour J de la demande est fixé pour le 29 novembre. Le choix de cette date n’est pas un hasard, elle marque le 65e anniversaire du vote, par la même organisation, du partage de la Palestine en deux Etats.
Après la reconnaissance de la Palestine à l’Unesco, Abbas souhaite aller plus loin. « Il n’avait d’autre choix que d’aller à l’Onu. C’était ça ou déclencher une nouvelle Intifada. Il a choisi la voie diplomatique, celle de la paix », justifie Ziad Abou-Zein, membre du Fatah, le mouvement du président.
Plan B
Se présenter aujourd’hui comme un « Etat non membre à l’Onu » n’est que le plan B de M. Abbas, en recherche d’une reconnaissance internationale. Le 23 septembre 2011, une demande d’adhésion pleine et entière d’un Etat palestinien pour devenir le 194e des Nations-Unies n’avait pas abouti. Le comité des admissions des Nations-Unies n’était pas parvenu a entériner la demande puisque l’admission nécessite l’aval de neuf des quinze membres du Conseil de sécurité et aucun membre permanent ne doit opposer son veto. Cinq pays seulement avaient affiché leur soutien pour l’Etat palestinien. Mais de toute façon, la Palestine se serait heurtée au veto américain.
Un an après, Abbas dépose une autre demande, cette fois-ci, directement à l’Assemblée générale. D’un statut moindre, cette démarche offre l’avantage de ne pas passer par le Conseil de sécurité. Le Vatican est actuellement le seul Etat qui dispose de ce statut ambigu.
Pour acquérir ce statut, un vote à la majorité simple de l’Assemblée générale suffirait, ce qui reste largement envisageable, puisque la Palestine, depuis sa déclaration d’indépendance en 1988, a été reconnue par près de 127 Etats des 193 pays membres de l’Onu. L’OLP est déjà reconnue depuis 1974. Son statut « d’entité » lui permet de participer aux travaux de l’Assemblée en qualité d’observateur et présenter des motions sur les questions relatives à la Palestine et au Proche-Orient. Mais elle n’a pas le droit de vote et n’a pas le droit de saisir des instances judiciaires internationales comme la Cour Pénale Internationale (CPI).
Si cette fois-ci la démarche aboutit, la Palestine pourra saisir la CPI, notamment contre Israël pour crimes contre l’humanité, par exemple dans le cadre de l’opération Plomb durci, où des centaines de femmes et d’enfants avaient péri sous les bombes de l’armée sioniste. Selon Saïd Okacha, politologue, cette demande, une fois admise, « serait une victoire face à Israël et le conflit israélo-palestinien sera en quelque sorte rééquilibré, puisqu’il se transformerait en conflit entre deux Etats ». Mais le plus important, selon lui, serait « l’internationalisation du conflit sur le plan juridique ».
Menaces israéliennes
Un cauchemar pour Israël qui ne ménage pas les menaces : « Ne plus reverser les droits de douanes à l’Autorité palestinienne », ou encore « annuler tous ou une partie des accords de paix d’Oslo ». Israël va encore plus loin en menaçant de « renverser le président palestinien Mahmoud Abbass ». Avigdor Lieberman, chef de la diplomatie israélienne, déclare ainsi que « si les Palestiniens persistaient dans ce projet, il ferait en sorte que l’Autorité palestinienne s’effondre » et la presse israélienne fait état d’un plan de « neutralisation » de Abbas.
Déjà, l’adhésion de la Palestine à l’Unesco en octobre 2011, par 107 voix pour 52 abstentions et 14 voix contre, avait été une importante déconvenue pour Israël. Sa réplique avait été l’accélération de la colonisation à Jérusalem-Est et en Cisjordanie occupée et le gel du transfert de fonds dus à l’Autorité palestinienne. Tel-Aviv peut compter sur le soutien indéfectible des Etats-Unis. Le Congrès américain a ainsi menacé de rompre les aides économiques à l’OLP. Et dans les coulisses, Washington ne cesse d’exercer des pressions sur Mahmoud Abbas pour le pousser à renoncer à sa démarche.
Abbas rassure Israël
Pour rassurer ses partenaires, M. Abbas ne cesse de répéter que cette demande n’est pas un substitut aux négociations. « La première, la deuxième et la troisième options sont de négocier », assure-t-il, en riposte aux accusations formulées par Tel-Aviv et Washington parlant d’une démarche qui « ne fait que perturber le conflit ».
Mais le conflit n’est-il déjà à l’apogée de « ces perturbations » ? Le Conseil de sécurité, réuni en urgence le 14 novembre après l’attaque contre Gaza, faute de consensus, n’a pas été en mesure d’adopter la moindre déclaration. Pour Okacha, Israël, en menant cette attaque, entend, entre autres, faire une mauvaise propagande sur la candidature de la Palestine et influencer certaines voix, notamment européennes, à l’Onu. Le message israélien est le suivant : la Palestine, une fois reconnue, ne sera pas en mesure de contrôler Gaza.
Toutefois, les chances de la Palestine restent importantes, même sans les voix de l’Europe, et notamment celle de la France. Bien qu’elle ait voté pour l’adhésion de la Palestine à l’Unesco, la France reste favorable à Israël. Mais les blocs africain, asiatique et une partie de l’Amérique du Sud, sensibles au sujet de la colonisation et de l’oppression des peuples, restent de bons alliés à l’Onu pour la Palestine .
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