Depuis 2 ans et demi, l’Egypte vit sans Assemblée de députés, et depuis un an et demi sans Parlement du tout. En juin 2012, la justice avait dissout la Chambre basse puis, en juin 2013, la Haute Cour constitutionnelle avait invalidé la Chambre haute qui avait hérité de l’ensemble des prérogatives législatives. C'était l’époque des Frères musulmans.
La transition, qui s’est prolongée un an après la chute de Morsi, devait s’achever en juillet dernier avec l’élection d’un nouveau Parlement doté d’une seule Chambre, le « Majles Al-Nouwab » (Conseil des députés) selon la nouvelle Constitution adoptée en janvier 2014.
Aujourd’hui, le président de la République est à la tête de l’exécutif et du législatif depuis plus de 6 mois et, selon ses dires, il devrait conserver les manettes pendant 4 mois au moins. « Le président Al-Sissi a déclaré lors d’une réunion avec une délégation d’entreprises américaines, que la troisième et dernière étape (de la feuille de route, ndlr), soit les élections législatives, s’achèvera avant la convocation de la Conférence économique internationale qui se tiendra en Egypte au cours du premier trimestre 2015 », a annoncé la semaine dernière le porte-parole de la présidence, Alaa Youssef. La conférence était prévue initialement en novembre mais a été reportée jusqu’à février, puis jusqu’à fin mars.
Au-delà du calendrier du scrutin qui a souvent été modifié, et faute de loi sur le découpage des circonscriptions, c’est l’ensemble du système électoral qui fait aujourd’hui débat. Le système électoral déterminé d’après une loi promulguée par le président par intérim Adly Mansour, à la fin de son mandat en juin 2014, combine ainsi un scrutin de liste et un scrutin uninominal. Trois quart des 567 députés de l’Assemblée du peuple sont élus à la représentation majoritaire des candidatures individuelles. 27 sont désignés par le président et les 120 sièges restants sont élus en fonction du scrutin de liste majoritaire, et non proportionnelle, comme adoptée lors des dernières législatives.
Contrairement au Parlement sortant, le nouveau système accorde la majorité des sièges au scrutin uninominal, contre un tiers en 2012. Des changements qui ne cessent de relancer les débats au sein des partis politiques voient là un frein à la pluralité politique (lire page 5).
Minimiser l’opposition
Photo: AP
Amr Hachem Rabie, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram et expert en affaires parlementaires, estime que les listes majoritaires sont « une méthode qui a disparu dans le reste du monde ». Pour être élue, la liste doit obtenir plus de 50 % des voix. Le reste des voix obtenues par les
autres listes est considéré comme nul. Selon lui, « ce système ne donnera jour qu’à des majorités absolues ».
Dans un entretien à Al-Ahram publié le 16 novembre, le ministre de la Justice transitoire, Ibrahim Al-Héneidi, a annoncé que la nouvelle loi sur la définition des limites des circonscriptions électorales « sera approuvée le 19 novembre par le Conseil des ministres, avant d’être remis au Conseil de l’Etat ». Al-Héneidi, qui est la tête de la commission chargée de formuler cette loi, a qualifié le texte de « plus transparent et plus précis que le précédent ».
Salah Fawzi, professeur de droit et membre de cette commission gouvernementale, précise de son côté, que « la redistribution (des circonscriptions) n’est pas facile, et nous voulons éviter qu’elle soit jugée anticonstitutionnelle ».
D’après lui, la définition des circonscriptions pour les listes n’est pas compliquée, étant définie dans la loi du Parlement avec 4 circonscriptions pour les 4 listes majoritaires, 2 pour les listes de 45 candidats et 2 pour celles de 15 candidats (voir loi page 5). Ce sont les circonscriptions uninominales qui font défaut. « Il y avait plusieurs propositions: l’une consistait à créer 420 circonscriptions, autant que le nombre de sièges, et chacune pour un seul député. Une autre proposait de créer une seule circonscription nationale, et la troisième, sur laquelle nous nous sommes penchés, est de repartir les circonscriptions en fonction de la démographie des gouvernorats », reprend Fawzi. « La commission fait face à un dilemme, puisque presque 90% du territoire égyptien est inhabité », précise Amr Hachem Rabie.
Fawzi parle pourtant de deux quotients développés par la commission pour faire le calcul. Le premier consiste à rassembler le total de la population et du nombre des électeurs et à le diviser par deux, puis par 420 (le nombre de sièges) pour déterminer la valeur proportionnelle de chaque siège. L’autre quotient additionne le nombre d’habitants par gouvernorats aux nombre d’électeurs dans cette même zone et divise le total par deux pour obtenir le nombre de sièges à attribuer à chaque gouvernorats. « Nous n’avons pas encore décidé lequel adopter », précise Fawzi.
La décision de modifier les limites des circonscriptions électorales ne cesse, en effet, de soulever des questions. « L’exécutif use de son pouvoir pour reconfigurer en sa faveur le paysage électoral », estime Karam Saïd, chercheur au CEPS (lire l’historique des circonscriptions page 4). Saïd avance ainsi l’exemple de 1950, lorsque le nombre de circonscriptions était de 319 pour une population de 19 millions d’habitants, alors qu’en 2010, on comptait seulement 222 circonscriptions pour 85 millions d’habitants.
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