Moustapha Alouch
(Photo : AP)
Al-Ahram Hebdo : La prolongation du mandat du Parlement jusqu’en 2017 risque-t-elle d’exacerber les tensions politiques déjà fortes au Liban ?
Moustapha Alouch: La prolongation du mandat du Parlement n’est pas à l’origine de la tension politique, elle en est plutôt la conséquence. En l’absence d’un président de la République, la prolongation s’inscrit non dans l’intérêt d’une partie ou d’une autre, mais dans l’intérêt du Liban. Face à la difficulté d’organiser l’élection présidentielle, 95 députés se sont réunis et se sont mis d’accord sur la prorogation de la Chambre.
Cette séance a été boycottée par les députés du courant Patriotique libre et ceux de Kataëb. Parmi ceux qui y ont participé, les Tachnag ont voté contre, alors que les députés du Futur, du Hezbollah, du mouvement Amal, du courant Marada, des Forces libanaises et du parti socialiste se sont prononcés pour le prolongement.
— Quelles sont les raisons qui ont poussé le courant du Futur à voter en faveur de cette décision ?
— Le courant du Futur était initialement contre l’idée, mais ce choix est maintenant inéluctable à cause du vide présidentiel et de la conjoncture régionale. Le Hezbollah assume la responsabilité de cette situation à cause de son boycott systématique des séances consacrées au choix d’un président, mais aussi à cause de son implication dans la guerre en Syrie et de son insistance à relier le Liban aux choix régionaux et internationaux. Le Hezbollah a permis à l’Iran d’utiliser le Liban comme carte dans ses négociations avec la communauté internationale.
Nous avons accepté ce choix à cause de l’échec des forces politiques de mettre fin à ce vide présidentiel qui sévit depuis le 25 mai dernier. Le leader du courant du Futur, Saad Al-Hariri, s’est dit en faveur de la prolongation si l’on n’arrive pas à élire un président. Cette position a coïncidé avec la proposition avancée par le député Nicolas Fattouch de promulguer une loi pour la prolongation du mandat du Parlement pour 2 ans et 7 mois.
Hariri a déclaré avoir discuté du sujet avec le président du Parlement Nabih Berry. La prolongation l’a emporté sur la tenue d’élections législatives, vu la situation sécuritaire difficile. Nous craignons également que la tenue des élections avec le vide présidentiel ne mènent à un vide gouvernemental, car la Constitution stipule la démission du gouvernement en cas d’élections législatives.
— Est-ce que cette nouvelle situation peut influencer le choix du président de la République dans l’avenir ?
— Aujourd’hui, les circonstances ne sont pas favorables à la tenue d’élections présidentielles. Il est tout de même important d’assurer que notre candidat est Samir Geagea, mais que nous accepterions un président de consensus. Le problème est chez le Hezbollah qui insiste sur Michel Aoun.
— Le courant du Futur va-t-il appeler à une reprise du dialogue avec le Hezbollah pour parvenir à une solution à cette crise ?
— Le contact se limite actuellement à des déclarations de bonnes intentions sans démarches concrètes. L’expérience du dialogue avec le Hezbollah n’a pas été positive. Le courant du Futur a l’intention de saisir toute occasion susceptible de ramener la stabilité au pays. Mais en même temps, le Futur refuse de se laisser entraîner par des illusions : un dialogue suppose la capacité de parvenir à des compromis ... Cela ne semble pas être le cas actuellement.
— Estimez-vous qu’il est temps d’ôter les armes à la « Résistance », plus précisément au Hezbollah ?
— La présence de groupes armés risque de mener à la destruction de la patrie. Les enlèvements de militaires et les attaques faisant des dizaines de morts dans les rangs de l’armée sont perpétrés par des extrémistes de tous bords, que ce soit Daech, le Front d’Al-Nosra ou les appareils syriens de renseignements ou d’autres groupes qui cherchent à enliser le Liban dans le chaos. Les cas de défection et de désertement dans les rangs des militaires s’expliquent par la peur. Ce qui revient à dire que la présence de factions armées fragilise l’armée. Cette situation ne risque pas de changer avant le désarmement des milices.
— Comment estimez-vous la situation à Ersal et à Tripoli ?
— Nous refusons l’attaque qui a visé Ersal et nous souhaitons sa libération des mains des agresseurs. Il est évident que le Hezbollah est impliqué dans ce combat qui se déroule en Syrie et par conséquent, tout le Liban y est impliqué. Cette implication du Hezbollah en Syrie a engendré des catastrophes au Liban. Le retour des militaires détenus par des Syriens armés qui ont envahi Ersal est l’une de nos plus importantes priorités. Je voudrais enfin assurer que nous sommes depuis longtemps engagés dans un combat contre le terrorisme sous toutes ses formes, qu’il prenne la forme du Hezbollah ou de Daech, et que cette position du courant du Futur ne risque pas de changer.
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