Al-Ahram Hebdo : Que pensez-vous des déclarations du président égyptien sur la situation en Libye ?
Fayez Jébril : J’ai suivi avec un grand intérêt ses déclarations à la presse saoudienne lorsqu’il a affirmé que l’Egypte est toujours au côté de la volonté du peuple libyen et qu’elle n’hésiterait pas à le soutenir s’il lui demande d’intervenir pour sa stabilité. En Libye, nous sommes confiants en sa bonne foi. Nous saluons la position du président Al-Sissi et son soutien au gouvernement légitime et au Parlement récemment élu. Le Caire tente de réinstaurer la stabilité en Libye, de préserver l’unité et l’intégrité des territoires, de reconstruire les institutions de l’Etat légitime et d’encourager les forces politiques à renoncer à la violence et à s’intégrer dans l’action politique.
— Quelles sont les forces régionales et internationales actuellement en conflit en Libye ?
— La résolution du Conseil de sécurité autour de la Libye a mis en garde contre le soutien armé des milices libyennes ou le soutien d’une partie contre une autre de la part de tout pays étranger. J’invite tous les pays voisins à suivre l’exemple de l’Egypte.
— On a entendu dire que des avions qatari avaient atterri dans un aéroport libyen et avaient vidé des cargaisons de différentes armes. Est-ce vrai ?
— Ces informations sont rapportées par l’armée nationale libyenne. Nous sommes vraiment peinés qu’un pays procure des armes à une partie libyenne contre une autre. Cela aggrave et prolonge les conflits armés. Nous sommes catégoriquement contre cela, car c’est une violation des résolutions du Conseil de sécurité, qui ont demandé le soutien du gouvernement légitime libyen. Qu’un pays membre de l’Onu accomplisse un tel acte est un crime contre le peuple libyen, car la Libye est soumise au chapitre 7 de l’Onu. Par conséquent, toute intervention étrangère doit être effectuée sous le couvert de l’Onu.
— Une délégation des tribus libyennes a dernièrement effectué une visite au Caire durant laquelle elle a rencontré des responsables égyptiens. Qu’en dites-vous ?
— Inviter les hommes des tribus libyennes en Egypte ressuscite les traditions et les coutumes sociales disparues depuis 40 ans à cause du régime Kadhafi qui a marginalisé le rôle des tribus. De nombreux Libyens ont été privés d’entrer dans la vie politique pendant de longues années à cause de la répression du régime. Cette réunion regroupera toutes les forces de la société, afin de mobiliser un large front populaire soutenant l’Etat et ses institutions, comme l’armée et la police. Les hommes des tribus ont trouvé en Egypte un refuge. Les actes commis par les groupuscules terroristes sont un crime contre les valeurs et les traditions qui vise directement les symboles de l’Etat libyen.
— Quel est le nombre des miliciens se trouvant actuellement en Libye ?
— A la suite de la révolution libyenne, il y avait 25000 combattants dans les bataillons. Aujourd’hui, on peut compter 150000 combattants dans des groupuscules armés de tendances diverses. Ils attirent des jeunes à cause du chômage.
— Comment se présente la scène politique actuelle en Libye ?
— La situation politique est difficile, mais on s’y attendait, car les révolutionnaires se sont entretués après. De plus, des pays étrangers ont soutenu financièrement et en armes les courants extrémistes. Le problème est que le terrorisme menace désormais la Libye et ses voisins, avec en tête l’Egypte. L’inexistence de forces politiques nationales au sens propre du terme à cause de 40 ans de dictature est à l’origine de la détérioration de la situation en Libye. Par conséquent, le processus politique démarre dans une situation nouvelle, sans origines nationales qui s’écartent des considérations tribales, ethniques et confessionnelles. Ces forces politiques sont en train de se former, mais il y a certainement un prix à payer. La Libye, en tant qu’Etat national uni, est le principal défi des Libyens actuellement. Ils sont capables de sortir vainqueurs de ce défi malgré les crises actuelles. Affronter le terrorisme n’est pas la responsabilité de la Libye seulement, c’est la responsabilité de toute la communauté internationale.
— Que doivent faire les pays voisins et la communauté internationale pour réinstaurer la stabilité en Libye ?
— Je demande aux pays voisins et à la communauté internationale de soutenir le peuple libyen et son gouvernement légitime pour faire face aux plans qui visent à transformer la Libye en un pays terroriste. De nombreux pays comme l’Egypte, les Emirats et l’Algérie ont exprimé leur volonté pour coopérer, afin de lutter contre le terrorisme. De plus, le monde entier refuse que la Libye, vu sa position géographique et ses richesses, soit entre les griffes des terroristes. Le gouvernement libyen compte beaucoup sur le sentiment patriotique des Libyens face au terrorisme. A cet effet, j’appelle le peuple libyen à s’unir pour protéger le pays contre les milices armées et l’extrémisme qui menacent sa sécurité et sa stabilité. Je mets en garde les pays qui profitent de la situation sécuritaire et qui soutiennent les parties protagonistes. Lors de leur dernière réunion, tous les pays voisins ont adopté l’initiative égyptienne, dans l’objectif de pousser en avant le processus politique, car cette initiative se base essentiellement sur l’intégrité des territoires, la non-ingérence dans les affaires internes du pays et le refus de la violence dans l’action politique.
— Que pensez-vous des opérations militaires effectuées par l’armée nationale libyenne contre les milices armées à Benghazi ?
— Nous poursuivons actuellement un processus politique. Nous avons un gouvernement, un Parlement et une armée nationale qui avance sur le terrain soutenue par les citoyens à Benghazi. Le problème se trouve dans la région de Darna, dominée par les extrémistes, les milices et Al-Qaëda. Pire encore, ces derniers ont annoncé il y a quelques jours leur fidélité à Daech. Ce qui représente un énorme danger.
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