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Mahmoud Abbas: « Israël prend pour prétexte la division pour refuser d’avancer sur la voie des négociations »

Propos recueillis par Osman Fekri, Lundi, 12 novembre 2012

Le président Mahmoud Abbas s’exprime sur la démarche palestinienne auprès de l’Onu, le processus de paix et la réconciliation interpalestinienne.

Abbas
AL-AHRAM HEBDO : M. le président, vous venez de confirmer que la demande d’élévation de la Palestine au statut d’Etat non membre de l’Onu sera déposée en novembre. N’y a-t-il pas de contradiction entre cette démarche et le processus de paix ?
Mahmoud Abbas : Il n’y a aucune contradiction entre la réclamation auprès de l’Onu et des négociations basées sur une référence claire et convenue, en particulier l’engagement à mettre un terme à la colonisation et à respecter les frontières de 1967 avec des modifications minimes et convenues. La majorité des pays du monde nous soutiennent sur cette voie et dans notre droit légitime d’instaurer l’Etat palestinien. Cela favorise la paix et la stabilité dans la région. Jusqu’à maintenant, 122 Etats reconnaissent l’Etat palestinien, et ce nombre s’élèvera bientôt à 128 du total de 192.
— Mais les Etats-Unis s’y opposent et estiment que seules les négociations mèneront à l’instauration de l’Etat palestinien et que toute autre démarche complique davantage la situation et empêche de parvenir à une solution ...
— Il est vrai que la voie des négociations est la bonne voie, mais où sont les négociations ? Nous et les Américains, en plus de l’Egypte et de la Jordanie, avons échoué à convaincre Netanyahu de revenir à la table des négociations. Et le Quartette a déployé d’énormes efforts à plusieurs reprises, mais en vain.
— Avez-vous subi des pressions américaines pour renoncer à cette démarche ?
— Bien sûr, des pressions sont exercées sur nous et sur d’autres pays aussi. Mais il s’agit de réaliser un intérêt palestinien suprême et il n’est pas question d’y renoncer. On nous a même dit
que le Congrès américain allait suspendre les dons versés à l’Autorité palestinienne et estimés à 500 millions de dollars par an, et ce, à un moment où nous manquons cruellement d’argent.
— La réélection d’Obama aura-t-elle un impact sur le processus de paix ?
— Je ne pense pas. D’ailleurs, la politique de l’administration américaine ne change pas avec le changement de la personne du président.
— Certains pensent que l’unification doit précéder la déclaration de l’Etat. Pensez-vous que l’Etat prévu ait deux têtes, l’une à Gaza et l’autre en Cisjordanie comme c’est le cas actuellement ? Le secteur soumis à l’embargo demeurera-t-il sous l’emprise du Hamas si vous obtenez le statut d’Etat non membre ?
— Premièrement, nous combattons l’embargo imposé à Gaza. Deuxièmement, nous n’avons qu’une seule autorité. Cependant, nous sommes pour la réconciliation interpalestinienne car Israël
prend pour prétexte la division pour refuser d’avancer sur la voie des négociations et du processus de paix. Mais lorsque le processus de réconciliation a commencé, le gouvernement
israélien a déclaré qu’Abou-Mazen devait choisir entre le Hamas et Israël. Nous avons répondu qu’on choisissait le Hamas en sa qualité de composante fondamentale du tissu national palestinien
et Israël en tant que partenaire dans le processus de paix. C’est à Israël de choisir entre la paix et la colonisation, entre la paix et la coalition gouvernementale extrémiste. De plus, le Hamas a
accepté l’accalmie totale, la résistance populaire pacifique, l’Etat palestinien aux frontières de 1967 et la tenue des élections. Nous avons dit plus d’une fois que nous sommes avec la réconciliation
car elle va dans le sens de l’intérêt du peuple palestinien et de la cause palestinienne. Mais c’est le Hamas qui ne veut pas la réconciliation, bien que nous sachions que certaines de ses directions négocient avec Israël sur des solutions moins satisfaisantes que celle des deux Etats. J’aimerais aussi ajouter que le Hamas ne s’oppose nullement à nos tentatives auprès de l’Onu.
— Quelle est votre position vis-à-vis de la résistance palestinienne, surtout que vous avez déclaré à la télévision israélienne qu’il n’y aurait pas de troisième intifada tant que vous serez à la tête de l’Autorité palestinienne ?
— Nous avons le droit de dire non à l’occupation. Le peuple a le droit d’exercer son droit légitime de résistance contre l’occupation. Cependant, nous refusons la violence. C’est pourquoi
nous appelons à la résistance populaire pacifique. Il existe une unanimité palestinienne autour de ce choix. Le peuple palestinien applique maintenant ce choix avec les capacités disponibles,
soutenu par les solidaires étrangers et israéliens. Ce choix pourra s’élargir à l’avenir. Je tiens à confirmer que nous sommes avec la résistance pacifique et que nous sommes contre l’usage des armes. Cependant, Netanyahu m’accuse de lancer une campagne terroriste diplomatique contre Israël dans une tentative d’orienter l’opinion publique israélienne pour entraver les négociations palestino-israéliennes.
— Que dites-vous des critiques adressées par le Hamas autour de vos déclarations en ce qui concerne le droit au retour et l’acceptation d’un Etat aux frontières provisoires ?
— Nous n’accepterons jamais un Etat aux frontières provisoires, car cela signifie renoncer au droit du retour. Ce dossier ainsi que celui des réfugiés sont des dossiers finaux suspendus dans
les négociations avec les Israéliens comme les questions des frontières et de l’eau.
— Quelle est l’influence du Printemps arabe sur la question palestinienne et comment évaluez- vous vos relations avec le président égyptien Mohamad Morsi ?
— Nous respectons parfaitement la volonté des peuples arabes et leurs droits au changement. Ce qui se passe dans les pays du Printemps arabe est une chose interne dans laquelle nous ne pouvons pas nous ingérer. Quant à nos relations avec le président Morsi, elles sont excellentes. Nous avons eu de nombreuses rencontres avec lui avant même qu’il ne devienne président. La position de l’Egypte envers la cause palestinienne n’a pas changé depuis des décennies, depuis que le peuple palestinien a exprimé sa volonté de récupérer ses droits et d’instaurer un Etat indépendant sur les territoires occupés par Israël en 1967 avec Jérusalem- Est comme capitale. L’Egypte continue à présenter tout son soutien aux tentatives palestiniennes d’obtenir un membership partiel à l’Onu.
— Mais les liens entre les Frères musulmans et les directions du Hamas ne vous inquiètent-ils pas ? Et qu’en est il de la visite de l’émir du Qatar à Gaza ?
— Bien sûr qu’il y a des liens étroits entre les deux branches de la confrérie en Egypte et à Gaza. Le dialogue entre elles est donc tout à fait naturel. Or, il est inacceptable que le Hamas, ou Gaza, soit traité comme une entité indépendante. Le Hamas ne représente pas le peuple palestinien et Ismaïl Haniyeh n’a aucun statut politique officiel. Il ne doit ni être reçu de façon officielle, ni rencontrer le premier ministre égyptien. Haniyeh a le droit de visiter l’Egypte comme il veut, il peut rencontrer le président du Parti Liberté et justice ou n’importe quel représentant des Frères musulmans, mais pas au niveau officiel. Pour ce qui est de la visite de l’émir du Qatar, je voudrais lui dire : « J’espère que votre visite ne sera pas mal comprise ». Cependant, nous refusons les festivités qui ont accompagné son accueil parce qu’elles confirment la division qui n’est pas dans l’intérêt du peuple palestinien.
— La situation aux frontières entre l’Egypte et Gaza est tendue, qu’en pensez-vous ?
— En ce qui concerne les frontières, j’assure qu’ « il faut parler de Gaza avec nous ». Je suis pour l’ouverture des frontières pour le passage des produits de base et je remercie le président
Morsi et l’Etat égyptien pour avoir ouvert le passage face aux voyageurs. Cependant, il faut fermer les tunnels clandestins, et les marchandises qui passent à travers les tunnels sont dans la plupart des produits de luxe et non pas de première nécessité. Le volume du commerce illégal effectué à travers les tunnels est évalué à des millions de dollars, ce qui a favorisé l’apparition d’une couche de nouveaux millionnaires parmi les membres du Hamas. Ceux-ci ne veulent pas que la situation change et ne veulent pas que l’embargo imposé sur Gaza soit levé.
— Le paysage politique palestinien est aussi tendu et certains parlent déjà de printemps palestinien d’autant plus que le doute plane sur la tenue des présidentielles ...
— La rue palestinienne a essentiellement deux réclamations : mettre fin à la division palestinienne et mettre fin à l’occupation. Quant aux questions qui ont fait bouger la rue dans les Etats
du Printemps arabe, c’est-à-dire la liberté, la réforme, les élections, la transparence, le respect de la loi et la liberté de pensée et d’expression, nous les avons garanties à notre peuple depuis
1996. Nous n’épargnons aucun effort pour mettre fin à l’occupation et pour la déclaration de l’Etat palestinien indépendant. Quant aux élections palestiniennes, les confrères ne veulent pas que
les élections soient tenues. De mon côté, j’ai déjà annoncé que je n’y participerais pas, et quand elles auront lieu je rentrerais à la maison.

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