Il est 8h à l’Université de Hélouan. C’est le jour de la rentrée et les étudiants se dirigent vers le portail d’entrée de l’université, contrôlé par les agents de la société de sécurité Falcon. Le contrôle de sécurité est très stricte. Celui-ci se déroule en deux étapes : le passage dans les détecteurs de métaux et la fouille des étudiants. Ces deux étapes prennent beaucoup de temps. Et l’on se bouscule à l’entrée. « J’attends depuis plus d’une heure et demie pour pouvoir entrer. C’est à croire que je passe les frontières. Je suis contre la violence mais aussi contre la bêtise », explique Ahmad, étudiant à la faculté de droit. De temps en temps, on entend les cris d’un étudiant qui tombe à cause de la foule. Certains étudiants préfèrent s’asseoir le long des murs de l’université, en attendant que la foule diminue. « Pourquoi ce terrorisme ? Nous venons pour apprendre et non pas pour nous faire torturer », lâche Sara, étudiante à la faculté de sciences informatiques. Les plus chanceux qui réussissent à entrer appellent leurs collègues qui font encore la queue devant le portail par les téléphones portables pour avoir de leurs nouvelles, surtout que certains d’entre eux avaient apporté des gâteaux pour célébrer la nouvelle année universitaire.
Au milieu de cette scène, Fatma, étudiante à la faculté des lettres, garde son calme. Elle porte une broche sur laquelle on peut lire : « Je suis optimiste ». « Oui, je suis optimiste, et l’espoir existe encore malgré toutes les difficultés et tous les obstacles. On ne doit pas désespérer », affirme Fatma, le sourire aux lèvres.
Il est 10h, la confusion est encore maître de la situation, même si la foule a commencé à diminuer. A l’intérieur de l’université, la vie reprend son cours. Un haut-parleur diffuse un message de bienvenue aux étudiants. Il leur rappelle la mission de l’université, ses objectifs, et ses activités. Une sorte de communiqué officiel de la direction de l’université. Il s’en suit des chants patriotiques ! A l’entrée de l’université, une grande pancarte signée par le président de l’université Yasser Saqr, annonce une exposition de vêtements à bas prix ! A l’extérieur, et malgré les mesures de sécurité, un groupe de jeunes filles de la confrérie des Frères musulmans s’est rassemblé et a brandi le signe de Rabea. Bravant la sécurité, ces jeunes filles portent des banderoles sur lesquelles on peut lire : « Ô Samir dit au geôlier que la révolution est toujours sur la place ! ». D’autres pancartes exigent la liberté pour les étudiants qui sont toujours prisonniers. La présence de ces pancartes apparaît comme un vrai défi aux autorités qui ont interdit la politique au sein du campus.
A l’instar d’autres universités d’Egypte comme les universités du Caire et d’Al-Azhar, l’Université de Hélouan a été le théâtre d’accrochages l’année dernière entre les forces de l’ordre et les étudiants islamistes. Craignant une répétition du scénario de l’année dernière, la direction de l’université a pris des mesures fermes. Yasser Saqr, président de l’université a ainsi décidé, un jour avant la rentrée, de convoquer les parents des étudiants impliqués dans les émeutes de l’année dernière pour les avertir que leurs enfants seraient « renvoyés de l’université s’ils recommençaient ». Tandis que les étudiants faisaient la queue devant le portail principal, l'une des étudiantes a surgi avec un téléphone portable et un carnet, et les a donnés au chef de la sécurité. Ils appartiennent à un étudiant qui a filmé la bousculade à l’entrée de l’université. En réalité, cette fille était embrigadée par la sécurité pour surveiller les étudiants !
En plus, beaucoup d’informateurs se glissent en silence dans les rangs des étudiants. « La société privée de sécurité a totalement échoué à gérer la situation. Le nombre d’étudiants ne cesse de se multiplier devant la porte ! Ils n’ont pas l’expérience nécessaire », affirme un membre du personnel de sécurité de l’université qui souhaite garder l’anonymat. Il ne trouve aucune raison qui justifie l’attribution de la sécurité à une société privée ce qui implique de dépenser beaucoup d’argent.
Il est 13h. Les étudiants islamistes organisent une manifestation devant la faculté des sciences informatiques, pour exiger la libération de leurs collègues détenus, et le retour des étudiants envoyés. La sécurité ferme la faculté. Les journalistes présents sur les lieux sont eux-aussi priés de quitter les lieux.
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