Avec le blocus qu'Israël impose depuis 2007 à la bande de Gaza, seules les compagnies israéliennes profitent de la reconstruction.
(Photo:AP)
Une cinquantaine de pays étaient réunis au Caire ce dimanche 12 octobre, à l’occasion de la conférence des donateurs pour Gaza. Cet événement international d’ampleur avait pour objectif la levée de fonds visant à financer la reconstruction de l’enclave palestinienne. Cette dernière a, en effet, été une nouvelle fois ravagée cet été au terme d’une guerre asymétrique opposant le Hamas à l’armée israélienne. Israël, grand absent de cette conférence, n’avait d’ailleurs pas été convié. «
Nous pensons qu’Israël doit jouer un rôle dans la reconstruction de Gaza », déclarait, pourtant, la porte-parole de la diplomatie américaine, Jennifer Psaki, en amont de cette conférence.
La bande de Gaza était, avant même l’opération « Bordure protectrice », déjà à genoux économiquement. A cela s’est donc ajoutée la destruction massive des milliers de maisons mais aussi d’entreprises et d’écoles, qui a terminé de tracer la perspective d’un avenir peu prospère pour le territoire palestinien.
Tel-Aviv, acteur principal de ce conflit, l’est encore aujourd’hui. Car, outre son rôle dans la destruction de l’enclave palestinienne, Israël compte bien être l’un des architectes principaux de la reconstruction et n’hésite pas, pour cela, à imposer ses règles. « La reconstruction de Gaza ne peut se faire sans le consentement et la participation d’Israël », déclarait Avigdor Lieberman, ministre des Affaires étrangères, lors de la réunion au Caire.
En effet, le blocus qu’il exerce depuis 2007 est une entrave au commerce et à la liberté de mouvement des Gazaouis. Cette politique, interdisant notamment l’entrée de matériaux de construction non israéliens dans la bande de Gaza, fait de Tel-Aviv l’un des gagnants de cette conférence, qu’elle voit donc comme perspective d’un nouveau marché.
En septembre, tout comme à l’occasion des dernières reconstructions, Israël insistait, déjà, pour être le seul fournisseur de matériaux et de machines pour la reconstruction de Gaza, selon un rapport de Global Research nommé « Gaza Reconstruction Aid, Made in Israel ». « Si vous souhaitez faire acheminer des matériaux à Gaza, ils seront presque inévitablement de source israélienne », déclarait entre autres un représentant de l’UE sous couvert d’anonymat. « Au final, cette aide financière bénéficiera directement à Israël », ajoute Maher Al-Tabaa, directeur des relations publiques et des médias de la Chambre de commerce et d’industrie de Gaza, joint par téléphone. Il donne l’exemple d’un seul matériel de construction: le ciment. Même si ce n’est pas écrit en lettre dans l’accord tripartite conclu entre les Nations-Unies, Israël et l’Autorité palestinienne, ce matériel ne peut parvenir que du territoire israélien. « Si Gaza a besoin de quelque 2 millions de tonnes de ciment, compter alors l’argent que les fonds des donateurs verseront dans les caisses des compagnies israéliennes ».
Mais derrière l’enjeu économique de cette reconstruction « made in Israel », qui semble se profiler une nouvelle fois, se cachent d’autres enjeux, éminemment politiques.
Paix impossible sans la levée du blocus
« La conférence des donateurs est surtout une entreprise de relations publiques de la communauté internationale pour montrer qu’elle se mobilise pour Gaza. On sait toutefois très bien que c’est encore trop peu par rapport à ce qui devrait être fait », explique Alain Gresh, du Monde diplomatique, joint par téléphone. « Le fond du problème n’est pas de savoir qui va payer pour la reconstruction, mais surtout pourquoi on ne sanctionne pas Israël pour la destruction » ajoute-t-il.
« Ce qui s’est déroulé à Gaza et ce qui se déroule actuellement en Cisjordanie, […], est un processus destiné à réduire la capacité de production de l’économie palestinienne, ne laissant d’autre choix que d’importer d’Israël », assure Mahmoud Al-Khafif, coordinateur spécial du COGAT (Coordination of Government Activities in the Territories) pour l’assistance aux palestiniens.
Cette situation de monopole forcé va-t-elle profiter à Tel-Aviv, qui bénéficierait donc indirectement de la levée de fonds pour Gaza ? Quoiqu’il advienne, Israël est pris dans un étau. D’un côté, « ne pas laisser reconstruire Gaza reviendrait à laisser se poursuivre la croissance du soutien de masse qu’a reçu le Hamas pendant cette guerre, apparaissant comme seul acteur capable de défendre les habitants de la bande de Gaza ». Mais de l’autre, « lever le blocus c’est reconnaître que le Hamas a gagné », souligne Gresh.
« Il faut parvenir à une solution pour mettre fin à la destruction de Gaza tous les deux ans par Israël », déplore encore Maher Al-Tabaa.
Peu confiant dans l’avenir, Alain Gresh rappelle, comme lors de la dernière situation semblable, ce qui semble maintenant être une prophétie auto-réalisatrice: « Si on laisse les choses telles qu’elles sont, il faut s’attendre à une nouvelle guerre dans deux ou trois ans. Les Palestiniens n’accepteront jamais de vivre occupés » .
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