De notre envoyée spéciale
Les clients, surtout russes, faisaient la queue devant le pavillon égyptien, étalé sur environ 200m2, à l’exposition internationale annuelle des produits alimentaires, pour conclure leurs contrats. Les produits alimentaires égyptiens leur auraient donné l’appétit. Face à une concurrence non négligeable, les Egyptiens bénéficiaient d’un traitement préférentiel en vertu d’un rapprochement politique avec le pays hôte.
C’est ainsi que les quelque 64 producteurs égyptiens ont réussi à décrocher des contrats d’exportation à hauteur d’un milliard de dollars, selon Ahmad Al-Wakil, président de l’Union des chambres de commerce, soit environ 3 fois le total des exportations égyptiennes vers la Russie en 2013.
La balance commerciale entre l’Egypte et la Russie a atteint 2,9 milliards de dollars fin 2013, avec 441 millions de dollars d’exportations égyptiennes.
« L’absence des Européens nous a offert une bonne part des transactions », dit Al-Wakil. Mais d’autres facteurs ont aussi joué en faveur des Egyptiens, notamment la réussite d’une récente visite en Russie.
La semaine dernière, une délégation regroupant une soixantaine d’hommes d’affaires, et présidée par le ministre de l’Industrie, du Commerce et des Petites et moyennes entreprises, Mounir Fakhri Abdel-Nour, s’est rendue en Russie et en Biélorussie pour une visite de 10 jours. L’objectif de la visite achevée samedi étant de booster le commerce bilatéral et d’attirer les investissements russes en quête de partenaires.
Plusieurs investisseurs égyptiens se félicitent de la réussite de cette visite. « Le temps est propice pour relancer une coopération bilatérale. L’Egypte, en tant que pays riche en produits agricoles, doit s’approprier une bonne part du marché russe », souhaite Mohamad Daoud, président du bureau de la représentation commerciale dépendant du ministère égyptien du Commerce, et membre de la délégation.
Ainsi, le ministre Abdel-Nour a signé avec son homologue russe, Denis Manturov, un accord facilitant l’accès des produits égyptiens, surtout les produits laitiers et la viande, au marché russe. « Nous saluons notre coopération et nous cherchons à satisfaire nos besoins alimentaires grâce à l’Egypte », affirme, de son côté, Denis Manturov.
Mais la tâche est loin d’être facile. « Les produits égyptiens doivent être à la hauteur de la concurrence internationale pour pouvoir accéder au marché russe. Une bonne qualité et un prix compétitif sont une exigence », dit le ministre égyptien.
« Les Russes font actuellement montre d’une certaine flexibilité vis-à-vis de l’Egypte. Et comme il est clair, ils pourraient présenter quelques concessions pour gagner l’Egypte en tant que partenaire important », explique une source égyptienne du ministère proche des négociations.
De son côté, la Russie vise à ressaisir sa place en tant que principal exportateur de blé vers l’Egypte, qui en est le plus grand importateur mondial. Ainsi, la Russie a promis d’assurer au marché égyptien « tous ses besoins en céréales, surtout le blé », assure le vice-président de la Chambre de commerce russe, Georgi Petrov. « Notre production annuelle en céréales a enregistré un record de 30 millions de tonnes », dit-il.
Toujours au niveau du commerce bilatéral, l’Egypte a entamé des négociations préliminaires sur un accord de libre-échange, qui débuteront officiellement fin octobre prochain et sont supposées se concrétiser en accord dans un délai d’un an, d’après le ministre égyptien.
Obstacle au commerce bilatéral
Le pavillon européen à l'exposition.
(Photos : Névine Kamel)
Or, les perspectives du commerce bilatéral sont restreintes pour des raisons liées au transport. « Les moyens de transport disponibles ne permettent pas un bon afflux des produits égyptiens. Peu de produits sont insensibles à ce facteur-clé, ce qui peut donner la priorité à d’autres marchés », explique Ali Issa, président du conseil d’exportation des produits alimentaires.
Mounir Abdel-Nour, au cours de sa visite, a traité ce point. Il a proposé la création en Russie de centres de stockage des produits égyptiens et a confié à notre bureau commercial à Moscou d’étudier sa proposition. Le ministre égyptien discute également avec la compagnie d’aviation nationale EgyptAir la possibilité d’augmenter les avions cargo à destination de la Russie. « La balle maintenant est dans notre terrain. La Russie éprouve une volonté de coopération, mais c’est à nous de saisir l’opportunité », poursuit Abdel-Nour.
Sur le volet des investissements, le ministre du Commerce a pu conclure quelques accords importants. Notamment pour la rénovation de plusieurs usines publiques, comme l’Entreprise égyptienne du fer et d’acier, l’entreprise Al-Nasr pour la fabrication des voitures (dont la production est quasiment en halte), ainsi que la maintenance des centrales électriques du Haut-Barrage. « Ce sont les Russes qui ont contribué à la création de ces entreprises, et cela facilitera la mission », explique le ministre égyptien.
Les Russes, pour leur part, ont éprouvé un grand intérêt au projet annoncé du développement de la zone du Canal de Suez. Une délégation d’entreprises russes est attendue en Egypte le mois prochain, pour évaluer les opportunités d’investissement. « Les Russes s’intéressent le plus aux secteurs de l’énergie, des électroménagers et des produits métallurgiques, et l’Egypte offre des opportunités multiples dans ces domaines », assure Manturov.
Un contexte politique « rassembleur »
La visite du ministre Mounir Abdel-Nour à la tête de la délégation économique n’est pas son premier déplacement en Russie. Il s’y est déjà rendu au mois d’août accompagnant le président de la République, Abdel-Fattah Al-Sissi, une visite destinée à marquer un nouveau début dans les relations égypto-russes.
Les évolutions politiques internationales poussent les deux pays à coopérer. Pour sa part, la Russie est sous l’emprise de sanctions économiques que lui ont imposées l’Union européenne et les Etats-Unis, suite à son intervention en Ukraine. En représailles, la Russie a imposé un embargo sur les importations alimentaires provenant de l’Europe et des Etats-Unis.
Pour sa part, l’Egypte se trouve en froid avec les Etats-Unis et l’Europe depuis la destitution, le 30 juin 2013, du président islamiste élu Mohamad Morsi, et la répression de ses partisans qui s’en est suivie. « La convergence économique et commerciale entre l’Egypte et la Russie est bien le résultat d’une convergence politique », souligne le ministre Abdel-Nour.
Le fossé s’accroît
Les exportations égyptiennes vers la Russie ont augmenté de 30 % au cours du premier semestre de 2014, par rapport à la même période de l’année précédente. Et ce, grâce aux exportations de fruits et légumes. Cependant, la balance commerciale penche lourdement en faveur de la Russie. Cette dernière vend à l’Egypte notamment des produits pétroliers et du blé.
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