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La grogne des étudiants

Samar Zaree, Lundi, 22 septembre 2014

La colère est montée d'un cran au sein des unions estudiantines à la suite de ce que les étudiants qualifient de tentative du gouvernement de faire passer une nouvelle charte jugée liberticide.

La grogne des étudiants
(Photo : Samar Zaree)

Alexandrie,
De notre correspondante —

A l’invitation du ministère de l’Enseignement supérieur, les unions estudiantines s’étaient réunies fin août avec le Conseil suprême des universités et des responsables universitaires, pour discuter d’une nouvelle charte qui régit la relation entre les étudiants, leurs unions et les universités. Quatre représentants de chaque université, deux représentants des unions et deux autres nommés par les doyens des universités, mais dont les critères de choix n’ont pas été définis, se sont retrouvés dans le camp de jeunesse d’Abou-Qir à Alexandrie.

Mais des universités, comme celle de Mansoura, n’ont pas été représentées. Avant la fin du camp, plus de 90% des participants s’étaient retirés, notamment les chefs des unions des universités d’Alexandrie, du Caire, de Tanta et de Hélouan. Ils protestaient contre le nouveau texte qui devrait entrer en vigueur lors de la rentrée universitaire début octobre. « Cette nouvelle charte, avec ses 59 articles, est pire que celles qui existaient avant la révolution de janvier », explique Mahmoud Radwan, chef de l’union des étudiants. Selon lui, le texte tel que proposé par le gouvernement « limite les libertés des étudiants et ne satisfait pas le minimum exigé par les étudiants après trois ans sans charte ». En effet, depuis la révolution de janvier 2011, la charte qui régissait le statut des unions des étudiants, celle de 2005, est suspendue, et une autre charte, provisoire, préparée en 2012 sous le régime des Frères, était en discussion.

« Le texte du gouvernement limite les pouvoirs administratifs et financiers des chefs des unions pour les accorder aux vice-présidents des universités pour l’éducation et les affaires estudiantines », ajoute Radwan.

Les articles de ce nouveau règlement privent le chef de l’union de s’occuper des finances. Il n’est pas permis à l’union d’intervenir pour défendre les droits des étudiants, ce qui l’empêche de résoudre le moindre problème étudiant, comme celui des cités universitaires. La charte rend encore non obligatoire la participation des chefs des unions aux réunions du conseil universitaire. « Bref, nous sommes maintenant devant un règlement qui nous renvoie dix pas en arrière », estime Radwan.

Achraf Haggag, responsable des activités à l’union des étudiants d’Alexandrie, et qui s’est retiré du camp d’Abou-Qir, explique : « Nous avons découvert l’existence d’un règlement préparé à l’avance par le Conseil suprême des universités alors que l’objectif de la rencontre était d’élaborer notre vision pour l’inclure dans le texte ». « Ils ont rejeté toutes les propositions des étudiants », ajoute-t-il. Mais d’après Haggag, les unions ont préparé une autre charte qu’ils ont soumise au ministère de l’Enseignement supérieur. Celle-ci, composée d’une centaine de pages, accorde plus de droits aux étudiants et donne plus de pouvoirs aux unions pour participer aux conseils d’administration des universités et aux conseils de discipline. « Nous n’allons pas laisser passer le texte du gouvernement alors que seule l’union des étudiants, en tant qu’instance élue par les étudiants, a le droit d’élaborer ce règlement et non pas le Conseil des universités, car dans ce cas, il deviendra juge et partie en même temps », déclare-t-il.

Menaces de manifestations

Les chefs des unions des diverses universités, qui ont lancé un hashtag sur Twitter intitulé Tabkh ellayha (bacler la charte), ont encore menacé de manifester au début de la prochaine année universitaire si le règlement proposé n’est pas annulé. « On va inviter les étudiants à boycotter les prochaines élections de l’union des étudiants dans toutes les universités, si on ne prend pas en considération notre proposition. Nous allons élire des unions parallèles avec de larges campagnes de sensibilisation », assure Haggag.

« Les étudiants exigent la modification de la loi des universités en l’absence du Parlement », assure Mohamad Al-Gouidi, membre de l’union des étudiants de l’Université d’Alexandrie qui défend la charte du gouvernement. « La nouvelle charte ne restreint pas les prérogatives des chefs des unions, mais elle organise la relation entre eux et les responsables de l’université », précise-t-il. D’après lui, les employés vont superviser simplement les activités de l’union, mais n’auront pas le droit de les annuler. Le rôle du vice-président de l’université consistera à évaluer les rapports présentés par l’union.

Les responsables de l’Université d’Alexandrie, contactés par l’Hebdo, ont essayé de prendre leur distance vis-à-vis de ce conflit qui risque de prendre de l’ampleur. Ils assurent qu’ils n’ont reçu aucune copie de ce règlement.

Mahmoud Al-Halawani, professeur à l’Université d’Alexandrie, prend d’ailleurs la défense du président de l’université, Ossama Ibrahim, selon qui « l’université ne sera pas une arène pour les conflits politiques ». « Il n’est pas permis de faire de la politique au sein de l’université. La violence sera réprimée. L’université va prendre toutes les mesures légales pour punir toute transgression de la loi. Les manifestants seront présentés devant un conseil de discipline », dit-il.

Une position raisonnable selon Ahmad Saleh, étudiant à la faculté de commerce, qui fait référence aux accrochages de l’année dernière, mais Soha Saïd, sa collègue, pense que cette déclaration est « un retour à l’ancien régime et à la répression contre lesquels la révolution de janvier a été déclenchée ».

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