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Daech en Egypte  ?

Lundi, 08 septembre 2014

L’etat islamique en Iraq et au Levant, récemment rebaptisé « Etat Islamique » (EI), serait-il infiltré en Egypte? Certaines informations le montrent. A com­mencer par l’arrestation, fin juin, de 15 terroristes appartenant à ce groupe djihadiste, qui tentaient de traverser la frontière égyptienne au Sinaï, en provenance de la bande de Gaza. Leur objectif était, selon des sources de sécurité, de créer une branche égyptienne de l’EI, formée de militants apparte­nant aux groupes terroristes au Sinaï. D’autres informations font état d’une opération militaire en cours contre des supposées cel­lules de l’EI dans la région escar­pée du Djebel Al-Halal, au nord de la péninsule de Sinaï, non loin de la frontière avec Gaza. Un com­mandant du groupe terroriste égyptien le plus dangereux, Ansar Beit Al-Maqdes, a récemment révélé que l’EI transmet son savoir-faire dans la création de cellules secrètes, la préparation d’attentats et d’attaques contre les forces de l’armée et de la police aux militants de son organisation, basée au Sinaï, à travers Internet. Il a toutefois nié que l’EI (Daech, selon son acronyme arabe) leur envoie des armes ou des militants.

A l’instar de l’organisation ter­roriste d’Al-Qaëda, l’EI inspire, sur les plans idéologique et opéra­tionnel, des militants islamistes dans divers pays de la région, sans avoir toutefois une emprise directe sur leurs actions militantes. Ses récents succès militaires en Syrie et en Iraq lui créent des adeptes et des émules. L’EI est, en effet, le premier groupe islamiste radical à avoir conquis et occupé de larges pans de territoires dans deux pays arabes. Son avancée la plus spec­taculaire s’est faite aux dépens de l’armée iraqienne, dans le nord du pays, où il a notamment réussi à occuper la ville pétrolière impor­tante de Mossoul. Il dispose ainsi de 7 champs pétroliers et de deux petites raffineries, ce qui lui assure des ressources financières consi­dérables. Son occupation d’une partie du territoire syrien, au nord-est, qu’il gère comme un Etat, lui apporte des ressources supplé­mentaires et lui assure une conti­nuité territoriale avec le nord de l’Iraq.

Certes, les conditions dans ces deux pays sont radicalement dif­férentes de celles existant en Egypte. La Syrie est en proie à une guerre civile qui dure depuis presque trois ans et demi, alors que l’Iraq souffre depuis l’occu­pation militaire américaine en 2003 d’une instabilité politique et sécuritaire chronique, aggravée par la politique sectaire anti-sun­nites suivie par l’ancien premier ministre Nouri Al-Maliki, qui a payé par sa démission, le 14 août, le prix de sa débâcle face aux combattants de Daech. Mais que des terroristes égyptiens devien­nent des adeptes de l’EI est une source d’inquiétude pour les autorités égyptiennes, d’autant plus que des informations récentes prouvent l’extension de l’influence de Daech dans la bande de Gaza voisine. L’Autorité palestinienne et le gouvernement israélien sont convaincus que cer­taines attaques aux roquettes contre Israël étaient l’oeuvre des adeptes de Daech à Gaza. Les mêmes appréhensions existent pour la Libye voisine, qui glisse dangereusement vers la guerre civile. La récente attaque terro­riste qui s’est soldée, le 19 juillet, par la mort de 22 gardes-fron­tières égyptiens dans la région de l’oasis de Farafra, proche de la frontière avec la Libye, a mis en lumière le danger d’opérations terroristes transfrontalières, menées par des islamistes extré­mistes, qui profitent du chaos sécuritaire en Libye pour déstabi­liser le régime en Egypte.

Plusieurs islamistes égyptiens, que des sources de sécurité chif­frent par milliers, ont rejoint les rangs de Daech en Syrie et en Iraq, notamment à l’époque où les Frères musulmans, alors au pou­voir en Egypte, encourageaient les jeunes à partir combattre le régime de Bachar Al-Assad. Ces militants aguerris, dont certains sont rentrés au pays, alimentent les groupes djihadistes au Sinaï et ailleurs. La poursuite de leur retour pourrait poser un sérieux problème de sécurité.

Pour y faire face, des plans et des efforts conjoints de la police et de l’armée sont sans doute néces­saires. Mais ils ne seront pas suffi­sants pour éradiquer un mal qui trouve ses racines dans un terreau éducatif, culturel, politique, éco­nomique et social qui alimente le fanatisme religieux. Des actions à long terme sur ces plans, mais pas exclusivement au Sinaï, sont nécessaires pour assécher les sources du terrorisme.

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