L’etat islamique en Iraq et au Levant, récemment rebaptisé «
Etat Islamique » (EI), serait-il infiltré en Egypte? Certaines informations le montrent. A commencer par l’arrestation, fin juin, de 15 terroristes appartenant à ce groupe djihadiste, qui tentaient de traverser la frontière égyptienne au Sinaï, en provenance de la bande de Gaza. Leur objectif était, selon des sources de sécurité, de créer une branche égyptienne de l’EI, formée de militants appartenant aux groupes terroristes au Sinaï. D’autres informations font état d’une opération militaire en cours contre des supposées cellules de l’EI dans la région escarpée du Djebel Al-Halal, au nord de la péninsule de Sinaï, non loin de la frontière avec Gaza. Un commandant du groupe terroriste égyptien le plus dangereux,
Ansar Beit Al-Maqdes, a récemment révélé que l’EI transmet son savoir-faire dans la création de cellules secrètes, la préparation d’attentats et d’attaques contre les forces de l’armée et de la police aux militants de son organisation, basée au Sinaï, à travers Internet. Il a toutefois nié que l’EI (Daech, selon son acronyme arabe) leur envoie des armes ou des militants.
A l’instar de l’organisation terroriste d’Al-Qaëda, l’EI inspire, sur les plans idéologique et opérationnel, des militants islamistes dans divers pays de la région, sans avoir toutefois une emprise directe sur leurs actions militantes. Ses récents succès militaires en Syrie et en Iraq lui créent des adeptes et des émules. L’EI est, en effet, le premier groupe islamiste radical à avoir conquis et occupé de larges pans de territoires dans deux pays arabes. Son avancée la plus spectaculaire s’est faite aux dépens de l’armée iraqienne, dans le nord du pays, où il a notamment réussi à occuper la ville pétrolière importante de Mossoul. Il dispose ainsi de 7 champs pétroliers et de deux petites raffineries, ce qui lui assure des ressources financières considérables. Son occupation d’une partie du territoire syrien, au nord-est, qu’il gère comme un Etat, lui apporte des ressources supplémentaires et lui assure une continuité territoriale avec le nord de l’Iraq.
Certes, les conditions dans ces deux pays sont radicalement différentes de celles existant en Egypte. La Syrie est en proie à une guerre civile qui dure depuis presque trois ans et demi, alors que l’Iraq souffre depuis l’occupation militaire américaine en 2003 d’une instabilité politique et sécuritaire chronique, aggravée par la politique sectaire anti-sunnites suivie par l’ancien premier ministre Nouri Al-Maliki, qui a payé par sa démission, le 14 août, le prix de sa débâcle face aux combattants de Daech. Mais que des terroristes égyptiens deviennent des adeptes de l’EI est une source d’inquiétude pour les autorités égyptiennes, d’autant plus que des informations récentes prouvent l’extension de l’influence de Daech dans la bande de Gaza voisine. L’Autorité palestinienne et le gouvernement israélien sont convaincus que certaines attaques aux roquettes contre Israël étaient l’oeuvre des adeptes de Daech à Gaza. Les mêmes appréhensions existent pour la Libye voisine, qui glisse dangereusement vers la guerre civile. La récente attaque terroriste qui s’est soldée, le 19 juillet, par la mort de 22 gardes-frontières égyptiens dans la région de l’oasis de Farafra, proche de la frontière avec la Libye, a mis en lumière le danger d’opérations terroristes transfrontalières, menées par des islamistes extrémistes, qui profitent du chaos sécuritaire en Libye pour déstabiliser le régime en Egypte.
Plusieurs islamistes égyptiens, que des sources de sécurité chiffrent par milliers, ont rejoint les rangs de Daech en Syrie et en Iraq, notamment à l’époque où les Frères musulmans, alors au pouvoir en Egypte, encourageaient les jeunes à partir combattre le régime de Bachar Al-Assad. Ces militants aguerris, dont certains sont rentrés au pays, alimentent les groupes djihadistes au Sinaï et ailleurs. La poursuite de leur retour pourrait poser un sérieux problème de sécurité.
Pour y faire face, des plans et des efforts conjoints de la police et de l’armée sont sans doute nécessaires. Mais ils ne seront pas suffisants pour éradiquer un mal qui trouve ses racines dans un terreau éducatif, culturel, politique, économique et social qui alimente le fanatisme religieux. Des actions à long terme sur ces plans, mais pas exclusivement au Sinaï, sont nécessaires pour assécher les sources du terrorisme.
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