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Samer Mékheimar : La solution de la pénurie d’électricité est politique 

Osman Fekri, Mardi, 26 août 2014

Samer Mékheimar, ancien directeur des réacteurs nucléaires d’Anchass, estime que la crise de l’électricité réside dans une politique de distribution favorisant le secteur industriel aux dépens des foyers.

Al-Ahram Hebdo : Comment évaluez-vous la crise actuelle de l’électricité ?

Samer Mékheimar : Ce n’est plus une crise, c’est une catastrophe. Pendant des années, j’ai lancé des mises en garde contre la défaillance des centrales électriques. Mais les responsables niaient la présence d’une crise et nous voilà dans une situation très alarmante. Aujourd’hui, le réseau électrique en Egypte est extrêmement surchargé, ce qui le menace d’effondrement. Ceci signifie que l’Egypte risque de sombrer dans l’obscurité totale, ou partielle au meilleur des cas.

La crise a plusieurs raisons. La réparation de l’infrastructure des centrales électriques a besoin de longues années et de beaucoup d’argent. La rénovation d’une cen­trale qui produit 500 mégawatts par jour, a besoin de 4,5 milliards de L.E., et de 4 années de travaux. Même la décision d’augmenter les prix de l’électricité n’est pas très utile puisque le revenu est seule­ment de 2 milliards de dollars.

Théoriquement et selon les décla­rations des responsables dans leur totalité, les centrales, quand elles fonctionnent normalement et qu’il n’y a pas de crise de carburant, fournissent 23000 mégawatts par jour, une production en dessous du niveau de consommation. Imaginons alors la situation si les centrales n’étaient pas conformes aux normes et n’étaient pas réguliè­rement maintenues. Il est donc naturel que le réseau national se détériore.

— Comment évaluez-vous la gestion du dossier de l’électricité en Egypte ?

— Le ministère de l’Electricité souffre d’un manque de planifica­tion. Malgré la croissance démogra­phique, le réseau national d’électri­cité est resté figé. Or, il faut que la production annuelle augmente de 10% pour couvrir la croissance démographique et l’expansion du secteur industriel. Le déficit l’année dernière était de 6000 mégawatts, et il atteindra entre 9000 et 10000 mégawatts l’été prochain et ce, sans prendre en considération les crises de carburants.

— Pourquoi ces problèmes ne sont-ils apparus que récemment ?

— Les gouvernements précédents exportaient la crise vers les régions rurales et la Haute-Egypte, tout en épargnant les grandes villes. Je crois que l’on revient aujourd’hui à cette ancienne « solution ».

— Est-ce que les opérations de sabotage des tours électriques, menées selon les rumeurs par des sympathisants des Frères musul­mans, ont-elles aggravé la situa­tion ?

— Le sabotage de 300 tours élec­triques sur un total de 140000 ne peut mener à des coupures aussi chroniques. Pour preuve, les cou­pures avaient lieu bien avant le commencement de ces opérations de sabotage. A mon avis, c’est un prétexte parmi d’autres qui consis­tent à attribuer le problème au sabo­tage ou aux factures non payées. Il est vrai que tous ces facteurs ont un effet négatif, mais le problème est beaucoup plus complexe.

— Le ministère a annoncé que de nouvelles centrales entreraient en service prochainement pour combler la défaillance...

— Malheureusement, il n’y a pas de solutions rapides. Par exemple, la centrale d’Al-Aïn Al-Sokhna a été inaugurée 6 fois et ne produit que 2 400 mégawatts. Sans oublier les nombreuses centrales qui sont mises hors service, ce qui signifie que la production diminue au lieu d’augmenter. Il faut informer le peuple de la réalité de la crise, des plans de réforme et du temps nécessaire pour la régler, de façon à ce que tout le monde assume sa part de responsabilité.

— Est-il possible d’importer l’électricité ?

— Nous pouvons être intégrés dans les réseaux de pays amis comme l’Arabie saoudite qui possède un réseau électrique solide. Ce serait une forme d’assistance qui permettrait à l’Egypte de profiter de l’électricité durant les heures de faible consommation en Arabie saoudite. Mais à ma connaissance, aucune démarche pratique n’a été prise pour concrétiser ce projet dont on entend parler depuis longtemps, et qui prendra sûrement plusieurs années.

— Et que pensez-vous de la participation du secteur privé ?

— Si le secteur privé est impliqué dans la construction de centrales électriques, il sera indispensable de concevoir un système intégral, de sorte que les usines à forte consommation d’énergie construisent leurs propres stations d’électricité.

— Est-il possible d’utiliser l’énergie solaire, éolienne ou nucléaire ?

— L’utilisation des énergies solaire et éolienne ne représente pas une solution pratique dans le court terme, à cause de la hausse des coûts de production qui sont 4 fois supérieurs aux coûts actuels. Il en est de même pour l’énergie nucléaire, il faut attendre une période de 5 à 10 ans et investir des sommes 7 fois supérieures à la production traditionnelle de l’électricité.

— A votre avis, quelles pourraient être les solutions ?

— La solution est à 90% politique et à 10% technique. La crise se manifeste quand la production est inférieure à la demande. Or, la vérité est que pour ce qui est des foyers et des services publics, la production est supérieure à la demande. Le problème trouve donc son origine dans les politiques hasardeuses appliquées depuis l’ère Moubarak et qui ont permis à certaines industries de consommer 12000 mégawatts par jour, alors que le peuple égyptien en entier consomme 6000 mégawatts par jour.

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