L
e projet du nouveau Canal de Suez a été lancé dans l’enthousiasme général. Mais désormais, face au déploiement massif de pelleteuses et de bulldozers, les archéologues expriment leurs craintes. Ils mettent en avant la présence de monuments historiques dans cette région.
« Il y a de nombreux sites dans cette zone tels que Tell Habua, Tell Abou-Seif et Tell Al-Fada où se trouvent des monuments importants remontant de l’époque pharaonique à l’époque gréco-romaine », précise l’archéologue Monica Hana, professeur à l’Université américaine du Caire. Elle exprime son inquiétude concernant ce projet, « surtout entre les kilomètres 61 et 64, car de nombreux monuments ont été découverts dans cette région et les fouilles s’y poursuivent toujours ».
Même crainte partagée par l’égyptologue Abdel-Halim Noureddine, président de l’Union des archéologues égyptiens : « La Voie d’Horus peut être complètement détruite et les sites archéologiques vont être noyés et vont se perdre définitivement comme ce fut le cas lors du creusement du canal d’Al-Mansouriya vers Guiza ». Il exprime son inquiétude face à l’absence d’archéologues expérimentés au sein du projet.
« Comment des responsables du ministère des Antiquités n’ont-ils pas été impliqués dans ce projet ? Pourquoi les responsables du Canal n’ont-ils pas pris l’avis des archéologues avant de commencer ce nouveau projet ? ».
Selon Abdel-Halim Noureddine, l’Egypte a perdu beaucoup de sites archéologiques dans le Sinaï par manque de planification. « Le ministère des Antiquités doit être impliqué dans ce projet et défendre les sites archéologiques ! », estime-t-il.
Un point de vue que défend Mohamad Al-Kahlaoui, secrétaire général de l’Union des archéologues arabes: « Pourquoi les responsables de ce projet ne prennent-ils pas l’avis du ministère des Antiquités ? ».
Le ministre se veut rassurant
Autre son de cloche du côté du ministre des Antiquités, Mamdouh Al-Damati. Pour ce dernier, pas d’inquiétude. « Le ministère a bien étudié les documents de ce grand projet, son trajet et son envergure. Il n’y a pas de dangers pour les monuments. Les travaux de creusement sont loin des sites archéologiques, il ne faut pas avoir peur, tout est pris en considération », assure-t-il.
Pour calmer les craintes des experts, Al-Damati a affirmé, lors d’une conférence de presse, qu’un comité avait été créé sous sa présidence, comprenant notamment Mohamad Abdel-Maqsoud (voir entretien) et l’archéologue Fayza Heikal, ainsi que tous les responsables des sites archéologiques à l’est et à l’ouest du Canal.
« Ce comité a un double rôle: suivre de près les travaux effectués dans cette zone et arrêter tout creusement en cas de présence de monuments, ainsi que transporter les pièces trouvées dans un lieu sûr avant d’ouvrir un musée dans la région », a précisé le ministre.
Le comité prendra comme siège le Centre scientifique des antiquités du Sinaï à Al-Qantara Charq, à 50 km au sud de Port-Saïd et du Canal de Suez, et tout près de la zone du nouveau Canal de Suez.
Le comité est aussi en charge du développement et du réaménagement des zones archéologiques de la région. « La Voie d’Horus sera enfin documentée! Cela incitera les touristes à visiter cette route historique et à aller voir les citadelles qui se trouvent des deux côtés du Canal de Suez », se réjouit Mohamad Abdel-Samie, responsable des antiquités du Sinaï et membre du comité.
Le ministre des Antiquités a, en effet, promis d’ouvrir les citadelles se trouvant dans la région. « Les sites archéologiques et les monuments doivent prendre part au projet du Canal », souligne Al-Damati, qui compte bien profiter des milliards d’investissement du projet pour rénover quelques sites archéologiques.
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