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Sur le Web, la propagande fait rage

Aliaa Al-Korachi, Lundi, 18 août 2014

Les groupes terroristes utilisent intensivement et en parfaite maîtrise les réseaux sociaux comme outil au service de leur cyber-guerre.

Web
La couverture du magazine électronique « Dabiq  », mis en ligne par Daech, en langue anglaise.

« Prévoyez si possible un départ d’un autre pays que le vôtre, en réservant un aller-retour de dernière minute. Ne perdez pas de temps à l’aéroport et sortez directe­ment après avoir reçu votre bagage. Prenez un taxi vers la gare routière d’Ankara, visitez la ville comme un touriste, vérifiez si vous êtes suivi ou pas. Contactez le responsable et faites ce qu’il vous dit ». Ce sont des ins­tructions que le blog djihadiste d’An­sar Al-Tawhid dépendant du front Al-Nosra, qui enregistre plus de 6000 visiteurs par jour, présente aux volon­taires pour rejoindre les combats en Syrie. Des cartes sont aussi mises en ligne, indiquant en rouge le trajet des combattants jusqu’à Gaziantep, la ville turque proche de la frontière avec la Syrie. Sur Twitter, les tweets font bon train, pour prêter serment d’allégeance au nouvel émir de Daech, Abou-Bakr Al-Baghdadi, qui a proclamé son califat sur les terres conquises en Iraq et en Syrie en juin dernier, d’après une vidéo diffusée sur Internet. Une autre vidéo promotion­nelle d’un nouveau magazine, en anglais, qu’Al-Qaëda entend mettre prochainement en ligne, intitulé « Résurgence », fait le tour du Web.

L’activisme des organisations terro­ristes est en pleine expansion sur la toile, qui leur apporte une puissante arme de propagande. « Le djihad numérique » a été lancé il y a plus d’une décennie, quand Aymane Al-Zawahri, numéro deux d’Al-Qaëda et l’idéologue de l’organisa­tion, a adopté une nouvelle stratégie de mondialisation du djihad, en l’insé­rant dans l’espace virtuel. « 50% de notre guerre contre l’ennemi est une guerre de propagande», a déclaré un jour Al-Zawahri. Ahmad Ban, spécia­liste des groupes terroristes, explique qu’Al-Qaëda a été le premier à utiliser le Web tout au début des années 2000. L’organisation a créé son propre organe médiatique, la maison de pro­duction d’Al-Sahab, qui a mis en ligne des centaines de vidéos exaltant la victoire des attaques contre les soldats américains.

En parallèle, le nombre de forums djihadistes a progressé. De 13 sites en 2001, on en compte aujourd’hui plus de 6000, en plusieurs langues, qui jouent le rôle de mosquées, lieux tra­ditionnels du débat, pour le recrute­ment de nouveaux djihadistes. Parmi ces sites aux larges audiences, on peut citer Al-Falouja, Hanin et Al-Tawhid. Ceux-ci offrent à leur visiteurs une bibliothèque de la jurisprudence du djihad, des discours sonores de prédi­cateurs radicaux, de l’expertise des anciens combattants en Afghanistan.

Leardership virtuel

C’est à travers ces sites que les dji­hadistes de « la troisième génération d’Al-Qaëda », ont pu voir le jour. Nommés les « loups solitaires », ils sont neutres dans la vie sociale, mais actifs sur le Web, et inconnus des ser­vices sécuritaires. Ils s’auto-radicali­sent sous l’influence de ces forums. Leur leadership n’est aussi que vir­tuel. Le magazine en ligne Inspire d’Al-Qaëda rédigé en anglais, apparu en 2010 et piraté par les services amé­ricains en 2013, a été considéré comme l’inspirateur de ces « loups solitaires ». Selon Mohamad Younès, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, ce magazine a marqué un tournant dans la stratégie de communication et de recrutement d’Al-Qaëda. A travers ses 10 numé­ros, ce magazine au format attrayant, a présenté des méthodes pratiques aux djihadistes isolés pour commettre par eux-mêmes des attentats, comme par exemple comment « fabriquer une bombe dans la cuisine de maman » ou « incendier une voiture, en dix étapes ». Mohamad Merah, auteur présumé de l’assassinat de 7 per­sonnes en France en 2012, les frères Tsarnaev, responsables inculpés dans l’attentat du marathon de Boston en 2013, dans lequel 3 personnes ont perdu la vie, incarnent ce modèle de loups solitaires.

Du cinéma d’action

Mais la véritable révolution numé­rique pour ces groupes, comme l’ex­plique Rania Makram, chercheuse au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, est apparue avec les réseaux sociaux, en 2006. Selon elle, Daech a réussi à moderniser la propagande djihadiste. Le montage de son film intitulé « Le Choc des épées IV », avec ses prises de vues aériennes, zooms, effets sonores, respecte les codes du cinéma d’action. Daech séduit le plus grand nombre de fans sur les réseaux sociaux, en particulier sur Twitter, en comparaison avec les autres mouve­ments djihadistes. « Les Européens » sont aujourd’hui, comme l'explique Makram, « les navigateurs visés», par ce groupe. Son nouveau magazine mis en ligne en langue anglaise, Dabiq, le montre bien. « La ligne éditoriale de ce magazine se concentre à embellir l’émirat de Daech pour attirer le plus grand nombre d’admi­rateurs occidentaux. Les photos de la cruauté et des destructions provo­quées par ce groupe n’ont pas de place dans ce magazine ».

Selon un recensement d’avril der­nier effectué par le Centre internatio­nal pour l’étude de la radicalisation et de la violence politique, à Londres, le nombre de combattants étrangers agissant en Syrie en décembre 2013 est évalué à 11000 personnes, origi­naires de 74 pays. Parmi elles, près de 2 800 seraient des Européens ou Occidentau.

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