Al-Ahram Hebdo : La nomination d’un nouveau premier ministre en Iraq est-elle à même de sortir le pays de la crise actuelle ? Une éventuelle réaction de la coalition de M. Maliki n’est-elle pas à craindre ?
Ali Bakr : L’autoritarisme de Nouri Al-Maliki et ses mauvais choix politiques sont à l’origine de son écartement. Il est considéré comme responsable de la crise que traverse son pays. Son choix de marginaliser les sunnites et de les exclure de la scène politique a exaspéré le confessionalisme et favoriser l’extension de la présence de Daech (ndrl : Etat Islamique en Iraq et au Levant, EIIL) sur le terrain. Le fait de nommer un nouveau premier ministre signifie que quasiment l’ensemble de la classe politique a réalisé que seul le départ de M. Maliki peut apaiser les tensions. Et, même si le clan Maliki tente de semer le trouble, ça restera moins grave que la présence de M. Maliki au pouvoir. Aujourd’hui, il est nécessaire que toutes les parties se mettent d’accord sur une solution commune pour sortir l’Iraq de cette crise, surtout avec l’avancée de Daech, et l’élimination de Maliki est le premier pas vers une sortie de crise.
— Pourquoi les Etats-Unis ont-ils choisi ce moment pour frapper les djihadistes de l’EI ? Et pourront-ils stopper l’avancée de l’EI sur le terrain ?
— Les Etats-Unis ont réalisé le danger que représentent les djihadistes de l’Etat islamique qui ont avancé vers le nord, ce qui menace les intérêts américains. De même, les dernières violations commises par l’EI contre les minorités iraqiennes ont suscité le mécontentement de la communauté internationale et ont augmenté les pressions sur les Etats-Unis. Cela dit, je crois que les résultats de ces frappes seront limités, car elles devraient être suivies par des opérations terrestres pour être efficaces, ce qui est totalement exclu. Aussi, les Etats-Unis ont-ils clairement affirmé qu’ils veulent stopper l’avancée des djihadistes qui menacent le Kurdistan et les civils. Il ne s’agit donc pas d’enrayer Daech. De plus, sur le terrain, la situation de Daech s’est renforcée après la décision d'autres mouvements de le rejoindre. Et ce, en plus du soutien de certains sunnites, frustrés par la politique du gouvernement.
— Avant le début des frappes américaines, c’étaient les Kurdes qui combattaient, et combattent toujours l’EI. Que fait l’armée iraqienne dans tout cela ? Pourquoi cette absence ?
— Le problème de l’armée iraqienne c’est qu’elle est confessionnelle. Et, dernièrement, la politique anti-sunnite avait favorisé l’apparition de divisions au sein de l’armée, à tel point que des dissidents sunnites vont rejoindre les rangs des insurgés. Avec cette faiblesse et ce manque de capacité, il est devenu clair que les milliards dépensés, soi-disant pour l’entraînement et la formation des membres de l’armée, ont été volés.
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