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Visite oecuménique

Chérif Albert, Lundi, 11 août 2014

Les chefs des communautés chrétiennes d'Egypte ont été reçus cette semaine par le président Abdel-Fattah Al-Sissi. Un geste destiné à marquer un nouveau début dans les relations entre l'Etat et l'Eglise.

Visite oecuménique
Le président a également souligné la détermination de l’Etat à garantir la liberté de croyance et de culte à tous les citoyens (Photo:Chérif Abdel-Moneïm)

Le patriarche copte, celui des catholiques, le chef de l’Eglise évangélique, mais aussi ceux des Syriens, des Arméniens, des Grecs, des Maronites ou encore des Chaldéens … tous ont été reçus la semaine dernière au palais présidentiel, pour une rencontre unique en son genre avec le président Abdel-Fattah Al-Sissi. « Le président a insisté sur le rôle national que les chrétiens ont joué depuis le début de la révolution, et s’est engagé à ce que leurs préoccupations soient désormais celles de l’Etat », a déclaré le porte-parole de la présidence de la République, à l’issue de la rencontre. « Le président a également souligné la détermination de l’Etat à garantir la liberté de croyance et de culte à tous les citoyens », toujours selon le porte-parole.

« Nous avons senti une appréciation de la présence chrétienne sur les terres égyptiennes », a déclaré le patriarche copte, Tawadros II, chef de la plus importante communauté chrétienne d’Egypte, lequel s’est entretenu séparément avec le président, avant le début de la réunion. « Il y a une vraie volonté de redresser la situation en Egypte et de mettre le pays sur le bon chemin », a ajouté le patriarche, qui s’exprimait sur une chaîne chrétienne.

Un optimisme partagé par les autres hôtes présidentiels, notamment par Safouat Al-Bayadi, chef de l’Eglise évangélique, très actif dans les domaines sociaux en Egypte. « Les présidents égyptiens ont toujours été réticents à s’entretenir avec des dignitaires chrétiens, cette réunion est venue corriger cette attitude méprisante », dit-il.

Comme tous les Egyptiens qui attendent beaucoup de leur nouveau président, les chefs des communautés chrétiennes ont exposé à Sissi toutes sortes de doléances.

« Nous n’avons pas tenu de discours diplomatique, nous avons parlé en toute franchise. J’ai abordé le sujet des chrétiens qui se font kidnapper en Haute-Egypte comme Minya, qui compte une vingtaine de cas, ou Sohag, qui en compte une trentaine, avec des rançons qui ont atteint 2 millions de L.E. pour le dernier cas en date. J’ai parlé des difficultés de construction ou de rénovation des églises, et j’ai aussi demandé au président d’accueillir les chrétiens d’Iraq comme l’Egypte a fait avec les Syriens, et avant eux avec les Soudanais lors de la guerre civile dans ce pays », rappelle Al-Bayadi. « Contrairement à ce qui se passe dans ce genre de réunions, il n’y a eu aucune censure, aucune réserve ni interruption de la part du président qui, à aucun moment, ne nous a fait sentir que nous avons trop pris de son temps », note-t-il sur un ton de reconnaissance.

Celui-ci n’empêche pas toutefois les chrétiens de voir la réalité en face. « Le président a de bonnes intentions, mais on ne peut pas résoudre en deux mois des problèmes qui durent depuis un siècle. C’est que chacun des sujets abordés a beaucoup de ramifications, il faut changer la culture et réformer l’enseignement, afin de préparer les gens à nous accepter comme copropriétaires et partenaires dans ce pays. C’est peut-être ce qu’il voulait dire en nous signalant que pour le gouvernement, un jour égale un an. Du moins, nous avons eu la chance de parler et d’exposer nos problèmes tels qu’ils sont. Et il a promis d’assurer le suivi », ajoute Safouat Al-Bayadi.

Après une année sous un régime islamiste qui n’a pas su les rassurer, les églises égyptiennes ont soutenu la feuille de route annoncée le 3 juillet 2013 par Abdel-Fattah Al-Sissi, alors chef de l’armée, et la destitution du président issu des Frères musulmans, Mohamad Morsi. Des dizaines d’églises ont été incendiées dans les jours qui ont suivi, en représailles. « Cette rencontre est un message adressé aux chrétiens d’Egypte. Le président a voulu les rassurer que les difficultés que les chrétiens ont vécues depuis la révolution de 2011, notamment sous le régime des Frères, est une page tournée, et qu’un nouveau chapitre commence », estime Sameh Fawzi, spécialiste des affaires coptes.

« Il s’agit aussi de leur montrer combien leur situation est différente de leurs coreligionnaires dans d’autres pays arabes, et de les rassurer que l’Egypte ne leur permettra pas de connaître un tel sort. Surtout que certains dignitaires parmi ceux reçus par le président dépendent d’églises non égyptiennes », explique-t-il. « C’est un nouveau régime qui cherche à se construire une base populaire, ce qui est compréhensible. Mais les bonnes intentions exprimées lors de cette rencontre doivent se concrétiser sur le terrain. Or, il est encore trop tôt pour en juger », ajoute le chercheur.

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