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Qui sauvera les Rohingyas ?

Maha Al-Cherbini avec agences, Mardi, 06 novembre 2012

Les violences confessionnelles entre les bouddhistes de l’ethnie rakhine et les Rohingyas musulmans se sont aggravées cette semaine, déclenchant une grave crise humanitaire parmi les musulmans. La communauté internationale s’est contentée de lancer des appels à la paix.

Qui sauvera les Rohingyas
La peur et la dessinées sur tous les visages des Rohingyas.

Maisons incendiées,mosquées détruites, musulmans égorgés et cadavres mutilés. Il s’agit d’un drame ou plutôt d’une vraie tragédie humaine qui se joue sauvagement contre les Rohingyas musulmans à l’ouest de la Birmanie, dans le silence d’une communauté internationale qui se suffit à lancer des appels à la paix. Mettant à l’épreuve la démocratie naissante du pays, les violences confessionnelles, qui font rage dans l’ouest du pays entre les Rohingyas et les bouddhistes de l’ethnie rakhine depuis juin, se sont fort aggravées, faisant 56 morts parmi les musulmans cette semaine seulement. Ces troubles, qui ont repris plus violemment en octobre, sont les pires qu’ait connus le pays depuis les affrontements de juin qui ont entraîné la mort de plus de 200 personnes et le déplacement d’au moins 75 000 habitants, dont la grande majorité sont des musulmans. Ce bilan présenté par le gouvernement est très « sous-estimé », selon les organisations de droits de l’homme.

En octobre seulement, plus de 30 000 personnes de la minorité musulmane ont fui le pays pour rejoindre les quelque 75 000 autres qui les ont précédés en juin, a indiqué vendredi un récent rapport de l’Onu. Inquiète quant au sort de 110 000 réfugiés qui s’entassent, l’Onu a appelé la Birmanie à protéger les musulmans, affirmant qu’une grave crise humanitaire est en marche, car les camps qui accueillent ces dizaines de milliers de déplacés ont dépassé les limites de leurs capacités, notamment en terme de nourriture et d’abris.

En fait, le problème des Rohingyas musulmans a toujours été très ignoré par le gouvernement du président birman, Thein Sein, qui a négocié des accords de cessez-le-feu avec la plupart des groupes rebelles ethniques ayant combattu pour leur autonomie pendant un demi-siècle. Mais il n’a rien fait jusqu’à présent pour freiner les bains de sang musulman.

En dépit de cette image dramatique, nul ne prête attention aux quelque 800 000 Rohingyas, considérés par l’Onu comme l’une des « minorités les plus persécutées de la planète », et qui sont proie à la discrimination depuis de longues décennies dans l’Etat Rakhine. Le gouvernement et une grande partie des Birmans ont toujours considéré ces musulmans comme des immigrés illégaux venus du Bangladesh et les appellent souvent « bengalis » et la citoyenneté ne leur est pas accordée. « Nous pouvons vivre avec toutes sortes de personnes, mais pas avec les musulmans d’ici qui sont des mendiants de l’aide internationale », a défié Ohattama, supérieur bouddhiste au monastère de Sittwe. Les bouddhistes sont souvent exacerbés par l’attention mondiale portée à la minorité musulmane et ont tant clamé leur volonté de chasser cette « minorité indésirable ».

Appels à la paix

Face à cette persécution qui ne fait que s’aggraver, la communauté internationale a lancé maints appels à la paix et la réconciliation. Samedi, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a appelé à l’arrêt immédiat des violences et s’est engagé à fournir une aide humanitaire aux réfugiés à l’issue d’un entretien avec le président birman. Parallèlement, les Nations-Unies et Washington ont appelé cette semaine au calme dans l’Etat Rakhine, appelant les voisins de la Birmanie à accueillir les Rohingyas et à coopérer en matière de sauvetage en mer, alors qu’un bateau de réfugiés musulmans en partance pour la Malaisie a coulé cette semaine dans le golfe du Bengale. « C’est une tragédie. Les musulmans se noient dans la mer en tentant de fuir. Nous appelons les pays à garder leurs frontières ouvertes », a déclaré Vivian Tan, porte-parole du HCR. Le Bangladesh voisin a longtemps été une destination de choix des Rohingyas, mais Dacca, qui abrite déjà des dizaines de milliers de Rohingyas, refuse de les accueillir depuis 1992. Ayant le luxe de choisir comment mourir, les Rohingyas se lancent de plus en plus dans la difficile traversée maritime vers la Malaisie et la plupart d’entre eux se noient « en silence ».

Selon les experts, ces tensions ethniques menacent de faire capoter les réformes entreprises par le nouveau régime. Selon le rapporteur spécial de l’Onu sur les droits de l’homme en Birmanie, Tomas Quintana, ces tensions montrent que « le gouvernement doit s’attaquer aux causes des tensions entre bouddhistes et musulmans ». Craignant que ces violences n’aient de graves séquelles au-delà des frontières birmanes, l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean), dont fait partie la Birmanie, a averti vendredi que le désespoir des Rohingyas pourrait « radicaliser » cette minorité musulmane et « déstabiliser » toute la région.

Reste à se poser la question la plus épineuse : loin de penser aux fameuses réformes du nouveau régime ou aux séquelles de ces violences sur l’Asean, qui prêtera secours rapide à ces 800 000 musulmans persécutés qui tombent en proie à une féroce guerre d’épuration ethnique dans un monde où la raison du plus fort est toujours la meilleure ? Et quel est le rôle positif que vont jouer les organisations internationales pour sauver ces centaines de milliers que l’Onu même a qualifiés de « l’une des minorités les plus persécutées de la planète » ?

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