La nomination de Gaber Asfour au poste de ministre de la Culture est une surprise, bonne pour certains et mauvaise pour d’autres. Les « partisans » du Dr Asfour, comme ils préfèrent l’appeler, font la comparaison entre lui et une longue liste de ministres technocrates de l’Etat qui ont occupé le même poste depuis une quarantaine d’années. Il est, à leurs yeux, le penseur, l’académicien professeur émérite de critique et de littérature arabe dans nombre de prestigieuses universités, auteur d’ouvrages sur la Renaissance arabe. Il est surtout celui qui a bien géré le Conseil suprême de la culture (entre 1993 et 2007) et qui a fondé le Centre National de la Traduction (CNT). Donc, c’est l’intellectuel qui peut « conduire » la culture pendant la période à venir, et « lutter » contre l’extrémisme et le conservatisme ambiants.
Ces partisans continuent à considérer les intellectuels comme un ensemble homogène qui peut être placé sous la tutelle de l’Etat. Il suffit à leurs yeux d’être penseur éclairé, auteur d’un tas d’ouvrages contre l’obscurantisme religieux, pour être dans la même lignée de l’Etat qui lutte contre le terrorisme.
Or, une mauvaise langue, parmi les jeunes écrivains, fait remarquer que la méthode de Asfour consiste à réformer de l’intérieur, dans le corps bureaucratique même. Pourtant, selon cet écrivain, le grand nombre de festivals, de colloques, de traductions et de publications qui ont vu le jour pendant sa direction de la culture, sous Farouk Hosni, n’a empêché ni la montée du fanatisme religieux, ni sa suprématie dans les débats artistiques et littéraires.
Quant à ses adversaires, ce sont les révolutionnaires qui ne peuvent pas « pardonner » au docteur qu’il a accepté le poste du ministre dans le gouvernement Chafiq en 2011, quelques jours avant le renversement de Moubarak. Ils ne peuvent pas oublier qu’au moment où il prêtait serment devant Moubarak, le sang des martyrs de la révolution était versé à Tahrir. Et même lorsqu’il a démissionné après 10 jours seulement, c’était pour des « problèmes de santé » et non pas pour protester contre la situation dramatique qui sévissait dans le pays.
Ces figures rebelles, qui se font nombreux sur la toile, sont surtout contre la mainmise de certains intellectuels, dont les noms ne cessent de se répéter comme s’ils possédaient eux seuls la vérité, la clé de la connaissance alors que la réalité les a dépassés. Aujourd’hui, des voix qui s’élèvent contre la mainmise de l’Etat sur la culture. Et il y a surtout des espaces culturels alternatifs et indépendants qui s’épanouissent loin du monopole étatique. Sans être optimiste, les jours à venir vont révéler si le ministre peut prendre en considération ces nouvelles données .
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