Les pays du Golfe ont pointé du doigt la politique «
sectaire » et «
d’exclusion » menée, selon eux, par le premier ministre iraqien, Nouri Al-Maliki, envers les sunnites. Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Saoud Al-Fayçal, a mis aussi en garde contre une «
guerre civile » en Iraq qui déstabiliserait la région entière. Pour les journaux, proches du Royaume saoudien, comme le quotidien
Okaz, l’offensive des djihadistes «
est un véritable soulèvement des provinces arabes sunnites », et ce soulèvement est combattu sur deux fronts: par l’EIIL (Daech), et par le régime de Maliki. La chaîne
Al-Arabiya qualifie les insurgés de «
révolutionnaires », et affirme que les combattants de l’EIIL ne forment qu’une minorité parmi les insurgés.
Par ailleurs, Al-Maliki a accusé l’Arabie saoudite de soutenir financièrement et moralement les insurgés en Iraq, et de « s’être rangée du côté du terrorisme ». Pour Mohamad Ezz Al-Arab, politologue au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, « les pays font face à une grande problématique. Ils ont des relations tendues avec Maliki et ne peuvent pas le soutenir. Mais en même temps, ils craignent l’avancée de l’EIIL, qui représente aussi une menace pour leur sécurité ».
En fait, les monarchies du Golfe, voient d’un mauvais oeil la progression de Daech en Iraq. Le Koweït se trouve, en effet, dans le collimateur des djihadistes, et l’EIIL entend y installer son Etat islamique. Cet Etat engloberait aussi l’Iraq, la Syrie, la Jordanie, le Liban et la Palestine. L’Arabie saoudite a classé officiellement en mars dernier l’EIIL (Etat Islamique en Iraq et au Levant), groupe terroriste, et le ministère saoudien de l’Intérieur a déclaré, en mai dernier, avoir capturé une cellule appartenant à l’EIIL, composée de 62 membres, dont la plupart possèdent la nationalité saoudienne, et qui recrutent de jeunes Saoudiens et Yéménites pour le djihad en Syrie.
Toutefois, la coopération politique ou sécuritaire, avec Maliki, qui a réclamé des aides militaires urgentes des pays du Golfe pour faire face à l’EIIL, est une option presque impossible pour les monarchies pétrolières, comme l’explique Iman Ragab, chercheuse au CEPS. Et ceci à cause des politiques adoptées par Maliki et contestées par les pays du Golfe.
Dossiers controversés
La marginalisation des sunnites est le premier dossier de discorde avec le gouvernement de Maliki. « L’impression qui domine maintenant les pays du Golfe c’est que la guerre contre le terrorisme déclarée par Maliki vise essentiellement à éliminer l’opposition sunnite, dont les activités sont concentrées depuis fin 2012 à Al-Anbar. Soutenir cette guerre sans que Maliki donne des garanties pour assurer une représentation équilibrée des sunnites dans les institutions de l’Etat risque de renforcer l’hégémonie chiite en Iraq », affirme Ragab. Autre dossier qui inquiète profondément les pays du Golfe: c’est la politique d’alignement sur l’Iran suivie par Maliki. Le premier ministre iraqien a soutenu le programme nucléaire de Téhéran et a refusé l’armement de l’opposition en Syrie, prôné par les pays du Golfe. La chercheuse explique que « soutenir Maliki veut dire approfondir les racines d’un régime allié à Téhéran qui l’aide à étendre ses ambitions hégémoniques dans la région et à réduire l’influence de Riyad ».
L’Arabie saoudite dit aujourd’hui s’opposer à « toute intervention étrangère », en référence à l’Iran, dont le président Hassan Rohani a déclaré être prêt à coopérer pour aider l’Iraq à combattre les djihadistes. L’ultime solution semble être la formation d’un gouvernement d’unité nationale. « Les pays du Golfe veulent exploiter les événements en Iraq pour changer le régime de Maliki», explique Ezz Al-Arab. Et d’ajouter: « Je pense que le CCG est en train de mettre en place une politique unifiée, pour pousser vers un nouvel accord Taëf-Iraq, à l’instar de l’accord de Taëf-Liban, négocié par l’Arabie saoudite, qui a mis fin à la guerre civile libanaise ».
Le politologue n’exclut pas aussi un accord entre les pays du Golfe et l’Iran pour se débarrasser de Maliki. En échange, les pays du Golfe accepteraient un règlement politique du conflit en Syrie.
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