Le gouvernement veut introduire des modifications sur l’impôt foncier, une loi qui n’est pas encore en vigueur mais qui vise à élargir la base des contribuables et à limiter les exceptions.
La version finale de la loi qui devrait entrer en vigueur en juillet n’est pas encore prête. Début juin, le ministère des Finances a présenté des modifications sur la loi, mais selon des sources officielles, le président intérimaire Adly Mansour ne l’a pas approuvée avant de quitter ses fonctions.
« Le département de la législation et de la fatwa de la Cour administrative a rejeté les modifications », a confié à l’Hebdo une source officielle qui a requis l’anonymat. Ayman Al-Kafas, porte-parole du ministère des Finances, a cependant nié l’existence de telles modifications. « Le ministère n’a pas fait de déclarations officielles sur la loi, on n’assume pas la responsabilité des déclarations anonymes », dit-il.
Cependant, plusieurs sources au sein du gouvernement, de la Fédération des industries ainsi que Aliaa Al-Mahdi, ancienne doyenne de la faculté des sciences politiques et économiques de l’Université du Caire et économiste proche du régime, assurent que « le gouvernement teste l’opinion publique avant, pour mesurer les conséquences ». C’est aussi l’avis d’Aboul-Hassan Nassar, vice-président de l’Association des experts de l’évaluation immobilière (voir entretien).
La loi sur l’impôt foncier est très contestée depuis sa promulgation en 2008, lorsqu’elle a été initialement présentée par Youssef Boutros-Ghali, ministre des Finances de Moubarak. Depuis, plusieurs versions différentes ont été publiées, plusieurs modifications introduites puis annulées, et plusieurs dates d’entrée en vigueur annoncées, puis non respectées. La version actuelle serait la 5e, selon les calculs de l’Hebdo.
Élargir la base des contribuables
Certaines fuites laissent entrevoir les principales modifications proposées. Le gouvernement semble vouloir élargir la base des contribuables et limiter les exceptions.
En ce qui concerne les logements, les modifications actuelles fixent l’impôt à 10% de la valeur locative de tout logement dont le loyer mensuel dépasse les 2000 L.E. par mois. Les versions précédentes de la loi liaient l’impôt à la valeur de l’immobilier. Tout logement dont la valeur est inférieure à 500000 L.E. était exempté d’impôt dans la version initiale. Le taux d’exemption a été relevé à 2 millions de L.E. dans les modifications postérieures tout en exonérant les personnes qui ne possèdent qu’un seul bien immobilier.
Les segments inférieurs et moyens de la classe moyenne ont désormais de quoi s’inquiéter, alors que les lois précédentes les exonéraient. Le loyer d’un appartement moyen dans le centre-ville dépasse facilement les 2 000 L.E. « Le problème est que la loi réévalue les loyers tous les 3 ans sans cependant rehausser le niveau d’exemption. Comme le prix de l’immobilier grimpe souvent en flèche, davantage de tranches seront très vite soumises à l’impôt », estime l’économiste Aliaa Al-Mahdi.
Contrairement aux projets de loi précédents, la loi actuelle n’offre pas d’exemption aux petites et moyennes entreprises. Les commerçants semblent être ceux qui bénéficieront de moins d’exemption: le gouvernement souhaite inclure tout commerce, y compris les kiosques dont le loyer mensuel dépasse les 100 L.E.
Les commerçants des zones marginalisées et des bidonvilles pourraient être touchés. Ahmad Al-Wakil, président de l’Union des Chambres des commerces, regrette que le gouvernement n’ait pas discuté ces propositions directement avec les chambres. D’autres membres de l’Union, tel Mohamad Al-Masry, critiquent également le manque de consultations menées par le gouvernement. La loi devrait permettre de collecter 4 milliards de L.E. par an.
Les industriels épargnés
Mais alors que le gouvernement cherche à augmenter les impôts fonciers des citoyens et des petits commerçants, il courtoise les industriels. Selon Mohamad Al-Bahey, membre du conseil d’administration de la Fédération des industries égyptiennes, le gouvernement va limiter l’imposition de l’impôt aux bâtiments. L’ancien ministre des Finances, Ahmad Galal, insistait à l’imposer sur la totalité des biens, y compris les terrains vagues.
« Certaines entreprises avaient des plans d’expansion qui ont été suspendus à cause de la situation économique. En outre, certaines industries ont besoin de terrains vastes, comme les industries du pétrole, du ciment et les industries minières en général », renchérit Al-Bahey.
Les industriels remporteraient une double victoire si les modifications proposées étaient adoptées: en plus de l’exemption des terrains, ils auront des représentants dans les comités chargés d’évaluer les valeurs des bâtiments. « Les comités seront formés de 3 membres contre 6 auparavant: un représentant de l’Organisme des impôts, un représentant d’un organe consultatif et un représentant des contribuables », se félicite Al-Bahey.
Adel Abdel-Razeq, membre de la Chambre du tourisme, se réjouit lui aussi de la limitation aux bâtiments. « Un hôtel comme le Marriott possède de vastes terrains. Il en est de même pour les stations balnéaires. Le secteur du tourisme ne peut pas assumer ces nouvelles impositions dans les conditions actuelles », dit-il.
Dans l’état actuel de la loi, l’impôt toucherait d’abord les classes moyennes et les petits commerçants, épargnant les grands industriels et les groupes hôteliers.
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