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L’opposition durcit le ton

May Al-Maghrabi, Mardi, 30 octobre 2012

Les partis les plus influents ont boycotté l’appel du président de la République à un dialogue national. Ils accusent le régime de vouloir tuer dans l’œuf les efforts de réunification de l’opposition laïque.

En accueillant la semaine dernière des représentants de partis politiques, des personnalités publiques et des syndicalistes dans le palais présidentiel, le président Mohamad Morsi annonçait vouloir réduire le fossé qui sépare désormais les libéraux, la gauche et les laïcs, des islamistes au pouvoir. Mais l’initiative a été boycottée par les forces politiques les plus influentes.

Le porte-parole de la présidence a déclaré que près de 65 personnalités ont participé à cette réunion, parmi lesquelles figurent des représentants des partis libéraux, comme celui de la Conférence, et de partis labellisés « islamistes modérés », comme l’Egypte forte d’Abdel-Moneim Aboul-Fotouh, et Al-Wassat.

Ayman Nour, cofondateur du parti Ghad al-sawra (lendemain de la révolution), a participé à la réunion et rapporte que les discussions ont porté sur la dissolution de la Constituante, le danger de l’état actuel de polarisation politique et la nécessité de concrétiser les objectifs de la révolution. « Même si l’on est en désaccord avec les islamistes, il ne faut pas couper tous les ponts de dialogue », a-t-il déclaré. Il souhaitait se démarquer de ceux qui ont décidé de ne pas répondre à l’appel, soit plus d’une vingtaine de partis et mouvements politiques notamment laïques et de gauche.

Selon ceux-ci, le dialogue restera stérile tant que les islamistes poursuivront leur politique hégémonique clairement illustrée par le processus de rédaction de la Constitution. Parmi les grands absents : Al-Dostour, les Egyptiens libres, le Rassemblement, Al-Karama, Al-Wafd et le Courant populaire socialiste.

Le Front démocratique révolutionnaire, le Courant populaire égyptien et l’Alliance populaire socialiste, regroupant chacun des formations issues de la mouvance révolutionnaire, ont également choisi de boycotter la rencontre. « Il ne s’agit que d’une manœuvre politique de la part du président Morsi et de sa confrérie pour diviser les rangs de l’opposition laïque et l’empêcher de former un front solide face aux islamistes. Ils entendaient faire un pas de plus pour assurer leur hégémonie », pense Réfaat Al-Saïd, président du parti du Rassemblement (gauche). « Est-ce par hasard que cet appel au dialogue national intervient suite à la manifestation, la semaine dernière, des forces libérales sur la place Tahrir ? », se demande-t-il.

Karima Al-Hefnawi, secrétaire générale du Parti socialiste égyptien, rappelle les prises de position de la confrérie depuis la chute de Hosni Moubarak. « Il est inadmissible de s’entretenir avec ceux qui ont tourné le dos à la révolution, et qui se sont entretenus avec l’ancien chef des renseignements Omar Soliman pour faire avorter la révolution. Maintenant que leur popularité est en érosion à cause de leur double discours et de leur incapacité à répondre aux besoins essentiels des citoyens, ils prétendent tendre la main aux libéraux qu’ils accusent en même temps d’apostasie », s’insurge-t-elle.

D’autres partis n’ont tout simplement pas été conviés. Selon Ahmad Fawzi, du Parti social démocrate, « la plupart des partis qui ont accepté de prendre part à cette réunion sont des formations insignifiantes ou des feloul(anciens régime) ». Il indique que son parti n’a pas reçu d’invitation et que « de toutes façons, nous n’aurions accepté de dialoguer ni avec des partisans du régime de Hosni Moubarak, ni avec ces islamistes qui méprisent tous ceux qui ne leur ressemblent pas ».

Bien qu’islamiste, le parti l’Egypte forte n’a pas apprécié la présence à cette réunion de plusieurs figures de l’ancien régime, alors que beaucoup de partis et mouvements politiques issus de la révolution ont été écartés. « Cela remet en question la sincérité des objectifs affichés de cette réunion », lit-on dans le communiqué du parti publié à l’issu de la réunion.

Pour Hassan Nafea, politologue, la crise de confiance entre les libéraux et les Frères rend improbable toute entente. « Tous les appels au dialogue national sont perçus comme une manœuvre politique de plus visant à entraver l’unité des forces libérales qui deviennent de plus en plus menaçantes pour les Frères, en particulier en ce moment où leur popularité est en baisse », estime Nafea. « Lors de cette rencontre, le président n’a, à aucun moment, évoqué la possibilité de recomposer l’assemblée constituante. Comment peut-on croire alors en la sincérité de son initiative de rapprochement ? », se demande le politologue.

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