Soutenir la candidature de Sabahi et s’opposer à la loi sur les législatives. Tels sont deux objectifs autour desquels se sont récemment regroupés, en un seul bloc, 6 partis et mouvements politiques égyptiens. Ce bloc renferme le Parti de l’Alliance populaire socialiste, le parti
Al-Dostour (la Constitution), les partis
Al-Karama (la dignité),
Al-Adl (la justice),
Misr Al-Horriya (l’Egypte libre) et la Coalition populaire.
Ainsi, la présidentielle est terminée et la loi sur les législatives dans sa version contestée est promulguée, mais les réunions de ces partis ne sont pas interrompues pour autant. Ils viennent de former l’alliance politique dénommée « Courant démocratique », comme l’annonce à l’Hebdo Ahmad Kamel Al-Béheiry, responsable du comité de communication politique du Courant populaire. « Nous allons déclarer la mutation de cette entité vers une alliance électorale en vue du scrutin législatif. Des contacts intenses sont en cours pour apporter les touches finales à cette alliance et déterminer un cadre pour le choix des candidats et la répartition des sièges à pourvoir entre les partis », déclare Al-Béheiry.
Mais quelles chances pour cette alliance d’occuper une place dans l’hémicycle, notamment face à une large coalition qui se forme en face, pour soutenir le président Al-Sissi? Elle ne cache pas ses craintes. Selon Abdel-Ghaffar Chokr, si cette coalition voit vraiment le jour, « la concurrence sera rude et les chances de notre alliance de remporter des sièges au Parlement seront minimes ». Chokr, président du parti Al-Tahalof Al-Chaabi (coalition populaire), pointe du doigt le mode de scrutin de listes fermées qui, selon le découpage de la loi électorale, dispose d’un taux évalué à 22%. Toutefois, ce petit pourcentage est régi par les mêmes règles que le mode individuel, à savoir l’argent et le tribalisme. « Selon ce mode, seule la liste qui obtiendra la majorité des voix, c’est-à-dire 50+1, remportera l’ensemble des sièges de la circonscription. Ainsi, il est prévu que la coalition pro-Sissi remporterait tous les sièges des 4 circonscriptions pour le scrutin de listes fermées, en s’appuyant sur d’anciennes figures du PND (le parti dissous de Moubarak) », explique Chokr.
Le scrutin proportionnel de liste, adopté pour les élections parlementaires de 2012, a été pour beaucoup d’analystes « le plus équitable », puisqu’il a permis une percée des partis et mouvements émergents au Parlement. C’est grâce à ce mode que la liste de l’alliance La Révolution continue, dont la Coalition populaire faisait partie avec 6 autres forces politiques, a remporté 8 sièges dans le Parlement sortant. Le parti Misr Al-Horriya a gagné un seul siège en uninominal. Quant au parti Al-Karama, il a obtenu 7 sièges avec sa liste L’Alliance démocratique pour l’Egypte, formée de 11 partis, dont en tête le Parti Liberté et justice des Frères musulmans. Le Parti Al-Adl, qui a refusé de s’associer à toute alliance, a décroché un seul siège avec sa propre liste Le Troisième chemin.
Renforcer l’unité
Une alliance politique à socle unique, à savoir le programme électoral du candidat Hamdine Sabahi, pourrait davantage renforcer l’unité de l’alliance dans l’hémicycle, contrairement à la coalition pro-Sissi, qui risque de s’effriter facilement dans le Parlement, puisqu’elle est basée sur les intérêts et marchandages électoraux. C’est ce qu’explique Abdel-Aziz Al-Husseini, dirigeant du parti Al-Karama. « Il est clair que cette coalition pro-Sissi est uniquement destinée à soutenir la personnalité d’Al-Sissi et non ses politiques, puisque le président n’a pas dévoilé de programme politique. Nous n’allons pas être opposants pour le seul fait de s’opposer. Si le président veille à restaurer la justice sociale, nous lui apporterons un ample soutien. C’est alors que nous pourrions être plus proches de lui que son camp ».
Une crainte de perdre certains membres plane aujourd’hui sur les partis du Courant démocratique, après les tentatives de l’alliance pro-Sissi de « courtiser » certains de ses éléments, estime Chokr. Le parti Al-Dostour, du Courant démocratique, a été le seul de ce camp invité par Amr Moussa, pour adhérer au bloc d’Al-Sissi.
Yaqout Al-Senoussi, un dirigeant du parti Al-Dostour, déclare à l’Hebdo que toutes les possibilités sont ouvertes pour ce dernier. Il décidera cette semaine vers quelle alliance se tourner. « Il y a une différence entre l’alliance politique et électorale. La première doit regrouper des partis et mouvements ayant les mêmes visions et stratégies politiques. Quant à l’Alliance électorale, elle est mesurée selon la loi et les mécanismes du travail de terrain. Al-Dostour compte 322 branches dans le pays. Il apportera certainement un poids électoral à l’alliance qu’il choisira », dit Al-Senoussi.
Rien ne laisse prédire qu’une alliance électorale peut durer, explique Karim Abdel-Razeq, professeur de sciences politiques à l’Université d’Alexandrie. « La carte des alliances est en mutation continue jusqu’à la clôture du dépôt de candidatures. Ce sont les intérêts qui auront le dernier mot», dit-il. Et d’ajouter: « Pour ce Parlement, les alliances se concentrent sur deux objectifs: des sièges au Parlement et des portefeuilles dans le nouveau gouvernement ». Selon Chokr: « Le choix se fera sur la mise en avant des principes du parti ou la tentative de décrocher une place au Parlement, même si cela implique une alliance avec les feloul (figures du régime de Moubarak) », contre lesquels les membres de ces partis s’étaient révoltés en 2011.
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