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Urbanisme écologique : il n’est jamais trop tard

Rasha Hanafy, Mardi, 03 juin 2014

Faire face aux changements climatiques, rationaliser au maximum l'énergie et préserver les ressources naturelles sont de véritables défis. Pour les vaincre, les universitaires plaident pour les principes de l'urbanisme durable.

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Un bâtiment déjà construit ne peut devenir écologique, et il vaut mieux appliquer les principes de l’architecture et de l’urbanisme vert aux nouvelles villes, disent certains. L’affirmation est fausse pour d’autres. Car pour eux, le but premier de l’architecture durable est l’efficacité énergétique de la totalité du cycle de vie d’un bâtiment. Les architectes utilisent à tout moment de nombreuses techniques pour réduire les besoins énergétiques de bâtiments et augmenter leur capacité à capturer ou générer leur propre énergie.

Mais cela est-il applicable en Egypte? C’est la question à laquelle les universitaires égyptiens ont répondu positivement la semaine dernière en tirant la sonnette d’alarme au sujet des constructions sans planification, qui mènent à la dégradation des ressources naturelles. Le colloque organisé par le comité d’architecture, relevant du Conseil suprême de la culture, était intitulé « L’architecture et l’urbanisme verts ».

« Il faut enraciner le développement durable en tant que système dans tous les aspects de la vie en Egypte. Les Egyptiens font face à de nombreux défis, comme l’explosion démographique, l’importante consommation énergétique et alimentaire, la diminution de la production et la dégradation des ressources naturelles. Outre la mauvaise gestion intégrée du pays, il faut savoir que les bâtiments consomment 70 % environ de l’énergie produite à cause des appareils électriques et des mauvaises constructions. Selon les dernières statistiques du ministère du Plan publiées en 2014, les bâtiments dans les villes égyptiennes ont augmenté les émissions de CO2 de 32,5 %, notamment avec les matières utilisées dans la construction, comme les pierres, le béton, les dalles et la céramique », explique Mohsen Aboul-Naga, membre de la commission suprême de la planification auprès du ministère du Plan et professeur de construction durable environnementale à la faculté polytechnique de l’Université du Caire. Et d’insister: « Selon le récent rapport du département des affaires économiques et sociales des Nations-Unies, l’Egypte fait partie des pays les plus vulnérables aux changements climatiques. Nous avons eu des inondations et de la neige il y a quelques semaines. Il implique de faire face aux changements climatiques, c’est-à-dire prévoir l’augmentation de la température, augmenter le cycle de vie des bâtiments, rationaliser l’énergie, l’eau et les ressources naturelles autour des constructions, et faire attention au côté social ».

Selon lui, la solution à la pénurie d’énergie dont souffre l’Egypte actuellement ne consiste ni à construire de nouvelles centrales électriques, ni à importer du charbon, mais plutôt à rendre autant que possible les bâtiments verts : exploiter les énergies renouvelables, notamment le solaire (thermique et lumineux), en élargissant l’utilisation de miroirs reflétant les rayons du soleil et des plaques photovoltaïques, en se servant des matériaux durables pour isoler la température, en utilisant les peintures et les colles non toxiques pouvant interdire l’émission de gaz menaçant la santé des habitants, les pierres et les dalles, et s’occuper de la gestion des déchets.

Sans oublier les toits végétalisés. L’exemple à suivre dans ce domaine est l’éco-ville Masdar, aux Emirats arabes unis. « Les bâtiments durables doivent respecter divers standards d’efficacité énergétique, de la consommation d’eau, du chauffage, utiliser des matériaux de provenance locale et réutiliser les surplus. Raison pour laquelle il est important d’enseigner la discipline de l’urbanisme et de l’architecture durable dans les universités égyptiennes, car elles n’existent pas. On ne peut continuer avec les politiques des années 1950. La vie et l’époque ont changé ! », assure Adel Hussein, ancien doyen de l’Institut de recherches pour l’environnement à l’Université Aïn-Chams.

Expérience unique

Quelles que soient les difficultés, il n’empêche qu’un programme égypto-allemand dans un bidonville, visant à créer une communauté verte et durable, a réussi. C’est une expérience unique au Proche-Orient. Il est question du programme de l’Université Aïn-Chams intitulé L’Urbanisme intégral et le design durable, en coopération avec l’Université de Stuttgart (Allemagne) mené en 2011. Les étudiants des pays de la région passent une année en Allemagne et une autre en Egypte pour élaborer une étude de cas. « Le programme implique l’étude d’une communauté et ses aspects environnementaux, sociaux et économiques, afin de mettre en place une stratégie qui la transforme en une communauté verte et durable : urbanisme, énergie, transport, et modes de vie sont traités. Notre premier projet en 2013 a eu lieu dans le bidonville de Ezbet Al-Nasr, dans le quartier Bassatine au Caire, avec près de 60 000 habitants », explique Mohamad Salheen, responsable du programme à l’Université Aïn-Chams. Il précise: « Notre objectif était, en premier, la durabilité sur tous les plans. Nous avons travaillé avec les habitants et les écoliers pour qu’ils soient conscients de l’importance de l’environnement, la plantation des toits, les espaces verts et la gestion des déchets dans leur communauté, avec les artisans, notamment les menuisiers pour qu’ils utilisent les ressources naturelles, et les femmes pour rationaliser l’énergie et la consommation d’eau ».

Les étudiants avec les habitants ont construit des réservoirs pour exploiter les déchets organiques et produire du biogaz. « La coopération avec les jeunes de ce programme nous a donné beaucoup d’idées pour surmonter plein de difficultés. Le projet du biogaz a réduit notre dépendance au butane, avec des bonbonnes qui sont parfois rares et chères. Je suis reconnaissante aussi du changement pour nos enfants. Aujourd’hui, ils parlent des changements climatiques et nous apprennent beaucoup, comme la plantation des toits qu’ils font eux-mêmes. Je pense que l’essentiel de cette expérience est qu’elle nous a permis d'avoir beaucoup d’idées pour rendre notre vie plus facile », rapporte Oum Passant, qui habite ce bidonville depuis quelques décennies.

Le problème des égouts y a été résolu avec les municipalités, qui sont maintenant reliées au réseau du Caire. Il s’agit pour les universitaires de « résoudre les problèmes à la racine, et non pas de se mettre la tête dans le sable. La condition est que tous les partenaires— habitants, gouvernements et municipalités — acceptent de trouver une solution aux problèmes dont souffre la communauté pour qu’elle devienne écologique », conclut Salheen.

Un exemple à suivre dans le reste de l’Egypte, notamment sa capitale avec ses 60% de bidonvilles.

Ordures et déchets toxiques, Alexandrie suffoque

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Alexandrie souffre. En passant dans la rue Al-Horriya, on croise tous les cent mètres un tas d’ordures. « Des tas d’ordures jonchent les trottoirs. La négligence des services n’était pas aussi forte à l’époque du gouverneur Mohamad Abdel-Salam Al-Mahgoub de 1997 à 2006. Aujourd’hui, c’est devenu insupportable! Pourquoi le gouverneur et les responsables ne font rien ? », lance une femme qui sort du tramway à Gianaclis, à l’est d’Alexandrie.

La pollution du lac Mariout est elle aussi problématique pour les habitants. La branche de l’Agence Egyptienne pour les Affaires de l’Environnement (AEAE), à Alexandrie, affirme dans un récent rapport que les pêcheurs ont déposé de nombreuses plaintes concernant la mort des poissons du lac Mariout. Ils accusent les déchets industriels rejetés indirectement dans le lac Mariout à travers la rivière Noubariya.

Consciente de ces problèmes, la ministre de l’Environnement, Laïla Iskandar, a effectué la semaine dernière une visite surprise à Alexandrie. Cette tournée d’inspection visait à la mise en application des décisions de fermeture de drains de rejet non-conformes aux normes environnementales. Beaucoup d’usines industrielles continuent de jeter leurs eaux polluées non traitées dans le lac Mariout, notamment la Compagnie Al-Amériya pour la filature et le textile, la Société du sel et du soda, et Alexandrie pour les fibres.

Le gouverneur d’Alexandrie, Tareq Al-Mahdi, a pris trois décisions pour fermer les drainages des déchets industriels des compagnies concernées. La ministre et le gouverneur ont également examiné le développement de deux usines de recyclage d’ordures et la construction d’une nouvelle autre. La ministre a insisté sur le fait que les décharges sanitaires devront être conformes aux normes environnementales en vigueur, tout en mettant l’accent sur l’importance du tri à la source. Reste à savoir quand et comment ces décisions seront appliquées.

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