Plus de 15 millions de Syriens ont été appelés aux urnes mardi pour une élection que Bachar Al-Assad est assuré de remporter, 3 ans après le début d’une révolte qui s’est transformée en conflit sanglant. Les résultats sont attendus dans une semaine, avec des observateurs iraniens, russes et même nord-coréens qui ont supervisé le scrutin boycotté par l’opposition.
Le chef de l’opposition en exil, Ahmad Jarba, a appelé les Syriens à rester chez eux. Et entre humour et dénonciation, l’opposition syrienne a mené une campagne dans la rue et sur la toile contre « l’élection du sang ». Mais le régime a déjà réussi une partie de sa démonstration de force en mobilisant, le 28 mai, des milliers de Syriens expatriés ou réfugiés, qui ont voté dans 43 ambassades, en particulier au Liban voisin.
Les bureaux de vote ont ouvert uniquement dans les zones contrôlées par le régime, c’est-à-dire 40% du territoire où vit 60 % de la population. « Rien ne va changer. L’opposition aurait du s’unifier et s’organiser à l’approche des élections. C’est un vrai danger qui menace son existence et son image face à la communauté internationale. Mais elle n’a rien fait. Elle n’a pas pu laisser ses divergences et sauver la révolution. Un comportement qui a donné la possibilité à la communauté internationale de l’abandonner. Cette présidentielle conduira non seulement Bachar vers un nouveau mandat, mais elle renforcera aussi la position du régime syrien. L’opposition restera sans appui», explique Ayman Abdel-Wahab, analyste au Centre des études stratégiques et politiques d’Al-Ahram au Caire. Un avis partagé par Rabha Allam, du Centre des études arabes au Caire, qui prévoit une nouvelle vague de violence et de combats pour obliger les rebelles à céder. « La communauté internationale reste les bras croisés devant la crise syrienne, elle ne possède ni pression sur le régime ni appui à l’opposition. Ainsi, le régime en profitera pour renforcer les combats et écraser les rebelles » dit-il.
Profondément divisés, les insurgés et l’opposition, de même que leurs alliés arabes et occidentaux, assistent incrédules et impuissants au maintien au pouvoir de Bachar Al-Assad. Quelque 2 000 civils ont été tués par des raids aux barils d’explosifs depuis janvier sur les bastions rebelles à Alep (nord) alors que de violents combats se poursuivent dans le centre, près de Damas ou dans le sud du pays. Le clan Assad dirige la Syrie d’une main de fer depuis plus de 40 ans, durant lesquels il a muselé toute dissidence et écrasé déjà dans le sang un soulèvement des Frères musulmans dans les années 1980. A la tête d’une armée restée soudée autour du régime malgré de nombreuses défections, Assad est également fort des soutiens russe et iranien, ses principaux alliés, et de l’aide précieuse des combattants aguerris du Hezbollah libanais et de supplétifs syriens et étrangers.
Faire-valoir
En théorie, il s’agit de la première élection en Syrie depuis un demi siècle, Bachar Al-Assad et avant lui son père Hafez ayant été désignés par référendum. L’issue de cette élection, organisée selon une loi excluant de facto toute candidature de l’opposition, ne fait aucun doute, Al-Assad affrontant deux candidats inconnus, servant de faire-valoir.
Le conflit, déclenché en mars 2011 par la répression par le régime d’une contestation pacifique, a ruiné l’économie et jeté dans l’extrême pauvreté la moitié de la population. Ce conflit a fait plus de 162000 morts selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH). Au moins un demi million de personnes ont été blessées, selon la Croix-Rouge internationale (fin 2013). Début avril, selon l’Onu, le nombre de réfugiés s’élevait à plus de 2,8 millions de personnes et 6,5 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur de la Syrie.
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