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Sur les 25 millions qui ont voté lors de la présidentielle de 2014, 1,3 million ont invalidé leur vote. Soit plus de 4% des électeurs», indique Khaled Maarouf, président du Comité de l’investigation au Centre national des droits de l’homme. Ce chiffre est supérieur au nombre de voix obtenues par le seul rival de Sissi dans ce scrutin, Hamdine Sabahi, qui n’a récolté qu’environ 3,8% des suffrages exprimés. En 2012, pour la première élection présidentielle post-révolution, les bulletins nuls ou blancs étaient 406720 (1,7%) au premier tour, contre 843252 (3,2%) au second tour. «
Ces bulletins nuls dénotent d’une réalité encore peu connue sur la participation électorale en Egypte. C’est un phénomène qui doit être pris en compte par les responsables », estime Gamal Abdel-Gawad, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’
Al-Ahram.
Le vote blanc et nul est totalement différent de l’abstention. Cette dernière consiste à ne participer ni à une élection, ni à un référendum. Dans le vote nul ou blanc, l’électeur exprime une prise de position. Il veut dire qu’il rejette les candidats ou qu’il s’oppose au processus électoral. Un bulletin portant le nom d’une personne qui n’est pas candidate, des rayures, des dessins ou des mentions est déclaré nul. « Les électeurs qui ont volontairement rendu nuls leur vote voulaient envoyer un message au régime. Ils voulaient manifester leur opposition aux deux candidats et à leurs programmes respectifs. Ce type de vote indique une volonté de se démarquer par rapport aux candidats en lice », affirme Abdel-Gawad.
Certains bulletins de votes nuls contiennent des messages humoristiques. Un électeur a par exemple choisi de rendre nul son bulletin de vote en y inscrivant un message d’amour: « Je t’aime Nada ». Un autre a écrit: « Je veux me marier avec Amira ». Un troisième « Love u C C ». Plus malheureux, une femme a attendu le jour du scrutin pour joindre à son bulletin un rapport médical et des analyses montrant qu’elle est atteinte du cancer. Certains bulletins de vote affichaient aussi des messages plus politiques: un électeur a voté pour le président destitué Mohamad Morsi, à la place des deux candidats. Un autre a rendu nul son bulletin en y inscrivant le nom du feuilleton « Game of Thrones ». On a vu aussi « La révolution continue », et « Non à un nouveau pharaon ». D’autres, surtout à Alexandrie, ont préféré écrire sur leur bulletin: « liberté à Mahinour », la jeune activiste condamnée à 2 ans de prison, pour avoir manifesté au moment où se déroulait le procès des accusés du meurtre de Khaled Saïd, symbole de la révolution du 25 janvier.
Certains électeurs ne souhaitaient pas nécessairement rendre nul leur vote. Certains croyaient, par exemple, qu’une mention écrite à la main sur le bulletin de vote n’aurait aucune incidence. Néanmoins, et contrairement à l’accoutumé, la Haute commission des élections a décidé de considérer valides les bulletins sur lesquels étaient marqués « Je t’aime » ou sur lesquels on a dessiné un coeur à côté du nom du candidat, apparemment pour réduire le nombre des bulletins nuls qui, selon un juge parlant sous couvert de l’anonymat, « a été favorisé par la menace de payer une amende » .
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