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Iran  : Le plus dur reste à venir

Maha Al-Cherbini, Lundi, 19 mai 2014

Lors de la quatrième session de pourparlers, Téhéran et les Six ont abordé la délicate préparation de la signature d'un accord final avant le 20 juillet. Pourtant, certaines dissonances alimentent les doutes sur une entente avant la date limite.

Iran
Malgré les sourires, les deux parties n'ont fait aucune avancée lors de leurs discussions. (Photo : Reuters)

Le compte à rebours a commencé. Avant le 20 juillet, l’Iran et les Six (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie) doivent parvenir à un accord sur le nucléaire iranien, faute de quoi le spectre d’une guerre sans merci pourrait resurgir de nouveau. De peur que ce scénario se concrétise, les Six et Téhéran ont repris cette semaine à Vienne leurs négociations, où ils sont entrés dans le vif du sujet pour voir si un accord final est à leur portée. Signe de l’importance de cette session où les deux parties devaient entamer la rédaction de l’accord final: le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif, et la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, ont conduit personnellement la majorité des réunions. Et pourtant, cette quatrième session a pris fin « sans avancée », avec la promesse de poursuivre le dialogue, lors de deux réunions entre le 22 mai et le 21 juin, selon Téhéran. Malgré cette impasse, Javad Zarif est paru optimiste dimanche matin, affirmant qu’un accord est toujours « possible » et appelant l’Occident à ne pas rater « cette occasion ».

En effet, l’impasse de ces récentes discus­sions était fort « choquante », car elle intervient après trois sessions fructueuses. Qualifiant ces discussions de « difficiles », les deux parties n’ont pas réussi à entamer la rédaction d’un accord final comme cela était prévu. Rejetant la responsabilité de cet échec sur le dos des Occidentaux, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Aragchi, a affirmé : « Les divergences étaient trop grandes pour commencer à rédiger un texte d’accord. L’Occident doit renoncer à ses demandes exces­sives et avoir une évaluation précise de la réa­lité ». Même accusation lancée à Téhéran par un haut diplomate américain qui a requis l’anony­mat : « L’Iran doit faire preuve de souplesse. Il a encore des choix difficiles à faire. Les discus­sions ont été lentes et difficiles. Des divergences importantes subsistent ».

Ces accusations réciproques ressuscitent dans les mémoires la guerre verbale qui a duré pen­dant une décennie entre Téhéran et les Etats-Unis et qui risquait de dégénérer en confronta­tion militaire. Ce n’est qu’après la signature de l’accord de Genève en novembre dernier— pre­mière avancée diplomatique depuis une décen­nie— que la situation a commencé à se calmer. Selon cet accord intérimaire de six mois, la République islamique s’est engagée à geler une partie des activités de son programme nucléaire, en échange de la levée des sanctions. Téhéran a respecté ses engagements, selon des rapports mensuels de l’Agence Internationale de l’Ener­gie Atomique (AIEA), chargée de vérifier sur le terrain la mise en application de l’accord. Ainsi, dans son dernier rapport du 17 avril, l’Agence a affirmé que Téhéran avait réduit de 75% son stock d’uranium hautement enrichi et permis l’accès à ses installations aux experts de l’AIEA. Selon les analystes, le plus dur va commencer et les deux prochains mois seront les plus diffi­ciles. Mais le temps ne joue pas en faveur des deux parties, avec la pression mise par les parti­sans de la ligne dure à Téhéran et Washington, qui veulent voir des avancées concrètes. Sans oublier le poids d’un Israël opposé à tout accord avec Téhéran, déclarant qu’il fallait « user de tous les moyens » pour mettre fin au risque que l’Iran se dote d’armes nucléaires.

S’appuyer sur les premiers

Toutefois, l’échec de cette session de pourparlers n’entraînerait pas la mort de tout le processus entamé en novembre. Les deux parties doivent désormais s’appuyer sur leurs premiers succès, comme c’était le cas de la question du réacteur à eau lourde d’Arak. Trois sessions fructueuses organisées depuis février ont permis de résoudre « ce sujet très sensible », celui du réacteur d’Arak qui pourrait fournir à l’Iran du plutonium susceptible de servir pour la fabrication d’une bombe atomique. Les Occidentaux craignaient qu’une fois opérationnel, ce réacteur ne produise une quantité de plutonium suffisante pour déclencher l’explosion d’une charge nucléaire. Bien qu’il ait affirmé que ce réacteur avait un but de recherche médicale, Téhéran a fait preuve de « bonne volonté », en faisant une proposition de modifier les installations d’Arak afin de limiter le plutonium qui sera produit. Alors que cette proposition iranienne a été favorablement accueillie par les Six, ces derniers ont insisté sur le fait que « rien n’est réglé tant que tout n’est pas réglé ». Et c’est là que réside le problème : Arak n’est que le début d’une liste de dissonances entre Téhéran et l’Occident. Il reste à régler de « profondes divergences » sur la capacité d’enrichissement de l’uranium et l’avenir des installations nucléaires iraniennes. Le premier accroc est l’enrichissement d’uranium qui peut être utilisé à des fins civiles comme militaires. Les Six aspirent à limiter la capacité d’enrichissement de l’Iran, en réduisant le nombre de centrifugeuses, actuellement 20000, dont la moitié est opérationnelle. Il s’agit là de l’un des sujets les plus délicats. Le nombre de centrifugeuses de nouvelles générations dont pourrait disposer l’Iran permet de déterminer le temps qu’il faudrait à la République islamique pour accumuler assez de matériaux nucléaires pour confectionner une bombe.

Pour l’heure, Téhéran rejette ces demandes les qualifiant d’« excessives ». Sous la pression des faucons du régime opposé à tout dialogue avec Washington, le président iranien modéré, Hassan Rohani, ne pourra jamais faire de concessions majeures, de quoi expliquer sa colère cette semaine. « Nous ne reculerons pas d’un iota en matière de technologie nucléaire. Nous n’accepterons pas l’apartheid nucléaire. Notre technologie et notre science nucléaires ne sont pas sur la table pour être négociées. Ce que nous pouvons proposer c’est plus de transparence en échange d’une levée totale des sanctions », a mis en garde Rohani.

A la lumière d’un tel dialogue, l’aboutissement à un accord final dans deux mois semble assez difficile. Selon experts et diplomates, « un accord est dans l’intérêt des deux parties. D’une part, Téhéran va s’évertuer à ne pas faire achopper un accord qui sauverait son économie étouffée par les sanctions. D’autre part, cet accord sera une grande victoire pour l’Administration Obama qui atténuera ainsi son échec en Afghanistan », estime Mohamad Abbas, expert du dossier iranien.

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