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Soudan: les paramilitaires affaiblis par des erreurs tactiques et difficultés logistiques

AFP , Mardi, 04 février 2025

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Dans cette capture d’écran, prise à partir de la vidéo dépliante diffusée par les forces paramilitaires soudanaises de soutien rapide (RSF). Photo : AFP

Les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) perdent du terrain dans leur guerre sans merci contre l'armée soudanaise depuis près de deux ans, en raison d'erreurs stratégiques, de divisions et de contraintes d'approvisionnement, estiment des analystes.

L'armée a récemment engrangé des gains importants, inversant la tendance de la guerre qui a fait des dizaines de milliers de morts et plus de 12 millions de déplacés depuis le début des hostilités en avril 2023 dans ce pays d'Afrique de l'Est.

En janvier, l'armée a fait une incursion dans le centre du Soudan, reprenant Wad Madani, capitale de l'Etat d'Al-Jazira, avant de jeter son dévolu sur la capitale Khartoum.

En deux semaines, elle a repris son quartier général et s'est emparée de la raffinerie de pétrole d'Al-Jaili, la plus grande du pays, au nord de la capitale.

"Les FSR étaient plus performantes au début de la guerre car elles s'étaient mieux préparées", a déclaré à l'AFP Cameron Hudson, chercheur au programme Afrique du Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS), basé à Washington.

"Elles avaient acquis beaucoup d'armes et bien positionné leurs troupes, tandis que l'armée était prise au dépourvu", a-t-il poursuivi.

Mais aujourd'hui, les FSR ont davantage de difficulté à se fournir en armes et leurs efforts de recrutement ont faibli.

Le manque de formation de nombreux combattants les rend plus vulnérables aux affrontements prolongés, estime M. Hudson.

A l'inverse, l'armée a "eu le temps de se ressaisir, de se reconstruire, de recruter et de se réarmer", a-t-il ajouté.

'Distendues et exposées'

Selon un ancien général soudanais, l'armée a élargi sa base, mobilisant des volontaires, des milices alliées et d'autres branches de l'appareil de sécurité.

Les Forces d'opérations spéciales (FOS), appartenant aux services de renseignements, dissoutes en 2019, ont été rétablies. Ce sont des unités "entraînées à la guerre urbaine qui jouent un rôle essentiel", a-t-il déclaré à l'AFP sous couvert d'anonymat.

Elles ont contribué, selon Eric Reeves, chercheur au Rift Valley Institute, à un changement de stratégie pour l'armée qui, jusque-là, s'appuyait uniquement sur des frappes aériennes et d'artillerie.

Les FSR se sont quant à elles fragilisées en étirant excessivement leur ligne de front.

Plus de 1.200 km séparent leurs bastions au Darfour, vaste région occidentale, de Khartoum, la métropole âprement disputée.

Les réseaux tribaux du Darfour ont fourni des troupes aux FSR, tandis que ses frontières avec le Tchad et la Libye ont permis d'acheminer un soutien crucial des Emirats arabes unis, selon des experts et l'ONU.

"En essayant de s'étendre dans le centre et l'est du Soudan, elles ont gravement distendu leurs forces", selon M. Reeves.

Les attaques répétées de l'armée, notamment au Nord-Kordofan, ont rendu le ravitaillement des FSR "à la fois difficile et périlleux", selon Hamid Khalafallah, un chercheur soudanais basé au Royaume-Uni.

Mais, au-delà de la logistique, "leur capacité à commander leurs forces de manière cohérente et organisée à travers le pays a été mise à rude épreuve", a déclaré Magnus Taylor, directeur adjoint du projet Corne de l'Afrique à l'International Crisis Group.

A Wad Madani, la défection d'Abou Aqla Kaykal, ancien commandant des FSR à Al-Jazira, au profit de l'armée à la fin de l'année dernière, a affaibli les paramilitaires.

Changement de tactique

Ces revers ne signifient pas pour autant la défaite des FSR, ni la fin imminente du conflit. Les paramilitaires adaptent leur stratégie, ciblant les infrastructures civiles du centre du Soudan tout en consolidant leur emprise sur le Darfour, observent des analystes.

Ces dernières semaines, ils ont frappé des centrales électriques, la plus grande raffinerie du Soudan, le seul hôpital en activité de la capitale du Darfour-Nord, El-Facher, et un marché à Omdourman.

"Leur stratégie semble être celle du chaos. Elle vise les civils (...) pour punir le peuple et l'Etat", a souligné M. Hudson.

Malgré ces revers, le chef des FSR, Mohamed Hamdan Daglo, reste déterminé. Dans une rare allocution vidéo vendredi, il a juré d'"expulser" l'armée de Khartoum.

Mais le principal objectif des FSR se situe à 1.000 km à l'ouest de la capitale: El-Facher, la seule grande ville du Darfour qui leur échappe.

Assiégée sans succès depuis mai, El-Facher pourrait désormais devenir l'objectif principal des FSR qui engageront probablement toutes leurs forces pour s'en emparer.

"Si elles y parviennent, alors la division de facto du pays sera encore plus actée", selon M. Hudson, l'armée contrôlant le centre, l'est et le nord du Soudan.

"Et les FSR seront en position avantageuse dans les négociations, car elles contrôleront un tiers du pays", a-t-il déclaré à l'AFP.

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