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L’indéfectible soutien égyptien à la cause palestinienne

Aliaa Al-Korachi , Ola Hamdi , Mercredi, 05 février 2025

Alors que le monde attend avec espoir et crainte l’entrée en vigueur de la deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu, les efforts de l’Egypte se poursuivent pour contrer toute tentative de modifier la réalité démographique dans les territoires palestiniens et d’anéantir la solution à deux Etats.

L’indéfectible soutien égyptien à la cause palestinienne

« Nous sommes les défenseurs de la cause palestinienne, et pas seulement solidaires », scandaient des milliers d’Egyptiens, vendredi dernier, devant le terminal de Rafah, s’opposant à toute tentative de déracinement des Palestiniens de leur territoire. Ce rassemblement impressionnant s’est tenu quelques heures après le rejet ferme du président Abdel Fattah Al-Sissi de la proposition américaine de « transférer les Palestiniens de la bande de Gaza vers la Jordanie et l’Egypte », en déclarant clairement que « le déplacement forcé des Palestiniens est une injustice à laquelle l’Egypte ne peut pas participer » (voir page 3).

Il n’y aura pas d’établissement d’un Etat palestinien sans peuple. C’est un autre message fort envoyé de l’autre côté de la frontière, du côté palestinien où les larmes de joie se mêlent aux larmes de douleur dans deux scènes frappantes. Après quinze mois d’une guerre dévastatrice, des milliers de personnes déplacées du sud de la bande de Gaza sont retournées dans le nord. Malgré l’ampleur de la destruction et la présence d’engins explosifs qui risquent d’exploser à tout moment, certains habitants persistent à rester près de leurs maisons détruites, témoignant de leur attachement profond à leur terre.

L’émotion était tout aussi intense parmi les Palestiniens de Cisjordanie : des acclamations et des youyous ont marqué l’arrivée à Ramallah et à Jérusalem-Est de prisonniers palestiniens de tous âges, libérés après de longues années passées dans les prisons de l’armée d’occupation israélienne, dans le cadre du quatrième échange de prisonniers depuis le début du cessez-le-feu le 19 janvier.

Une reconstruction sans déportation

Un flot d’émotions qui ne fait pas oublier la cause originelle des Palestiniens et qui va de pair avec la colère contre l’idée d’une déportation des Palestiniens. Les réactions contre le projet de transfert du peuple palestinien se multiplient. Samedi dernier, au Caire, les ministres des Affaires étrangères d’Egypte, de Jordanie, d’Arabie saoudite, des Emirats arabes unis et du Qatar, ainsi que le secrétaire du Comité exécutif de l’OLP et le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul-Gheit, se sont réunis pour discuter les développements de la cause palestinienne. Dans une déclaration conjointe, ils ont rejeté toute « atteinte aux droits inaliénables » des Palestiniens, que ce soit par « la colonisation, l’expulsion, la démolition de maisons, l’annexion et le dépeuplement par déplacement, le transfert encouragé ou le déracinement de leur terre ». Le communiqué a appelé la communauté internationale à unir les efforts pour planifier et mettre en oeuvre « un processus global de reconstruction dans la bande de Gaza le plus rapidement possible » (voir sous-encadré).

Selon l’ambassadeur Rakha Hassan, membre du Conseil égyptien des affaires étrangères, cette réunion des pays arabes les plus concernés par la cause palestinienne a clairement posé des limites à tout projet futur lié à la question palestinienne. Cependant, « les pays arabes doivent se préparer avec des actions concrètes contre la proposition américaine qui, sous couvert d’élimination des décombres à Gaza, tente de promouvoir l’idée du déplacement », souligne Rakha Hassan.

Dans ce contexte, Le Caire a réaffirmé son opposition à toute proposition de déplacement des habitants de Gaza en proposant un plan de reconstruction de la bande « sans qu’aucun Palestinien quitte sa terre ». Cette proposition était au centre des discussions, dimanche dernier, entre le ministre des Affaires étrangères et de l’Emigration, Badr Abdelatty, avec Sigrid Kaag, coordonnatrice spéciale des Nations-Unies pour les affaires humanitaires et la reconstruction dans la bande de Gaza et coordonnatrice de l’ONU pour le processus de paix. « Nous avons une vision claire pour la reconstruction de Gaza, et nous bénéficions d’un consensus arabe sur cette question », a déclaré Abdelatty, en soulignant la nécessité de mobiliser la communauté internationale pour la conférence sur la reconstruction de Gaza, qu’accueillera l’Egypte en coopération avec les Nations-Unies. « Il est crucial de mettre en oeuvre des projets urgents pour un redressement rapide à Gaza, notamment dans les domaines de l’eau, de l’assainissement et de la santé, en parallèle avec l’arrivée de l’aide humanitaire », a ajouté Abdelatty.

 Appels à une paix durable

La paix ne s’impose pas par la force. Selon des experts, ce soutien arabe à l’Egypte et à la Jordanie est intervenu au moment opportun, renforçant ainsi la position égyptienne lors du premier appel téléphonique entre le président Abdel Fattah Al-Sissi et le président américain, Donald Trump, depuis son investiture. Au cours de cet appel, le président Al-Sissi a souligné l’importance de parvenir à une paix durable et le fait que « la communauté internationale compte sur la capacité du président Trump à parvenir à un accord de paix permanent et historique mettant fin au conflit qui existe dans la région depuis des décennies ».

Selon Mona Soliman, politologue, cet appel témoigne du succès de la politique égyptienne qui a été calculée avec précision depuis le début : l’Egypte était catégorique dans son rejet de toute tentative de déplacer les Palestiniens, tout en soulignant la nécessité de maintenir ouverts tous les canaux de communication pour parvenir à la paix dans la région.

Fermeté égyptienne

En effet, sur un autre volet, l’Egypte poursuit ses efforts en matière d’aide humanitaire. Jusqu’à dimanche dernier, 71 personnes, accompagnées de 101 proches, ont été accueillies dans les hôpitaux égyptiens, notamment à Al-Arich, Cheikh Zoweid et Bir Al-Abd. Ces Palestiniens ont été évacués après la réouverture du point de passage de Rafah, côté palestinien, une première depuis l’agression israélienne en mai dernier.

Lors d’un appel téléphonique avec l’envoyé spécial américain au Moyen-Orient, Steve Witkoff, dimanche dernier, le ministre égyptien des Affaires étrangères a souligné la nécessité d’une mise en oeuvre intégrale de trois phases de l’accord de cessez-le-feu à Gaza. Il a insisté également sur « l’importance d’un acheminement rapide et massif de l’aide humanitaire pour répondre aux besoins urgents de la population ».

Le refus de déplacer les Palestiniens reflète la position inébranlable de l’Egypte en faveur de la cause palestinienne. C’est ce qu’explique Ahmed Youssef, politologue. « Les appels au déplacement des Palestiniens ne sont pas nouveaux. Ils s’inscrivent dans une stratégie de longue date. L’agression israélienne suite à l’opération Déluge d’Al-Aqsa n’était qu’une nouvelle tentative de mise en oeuvre. L’objectif : transformer Gaza en un lieu invivable pour pousser les Palestiniens à un déplacement forcé ou volontaire », explique-t-il. Et d’ajouter : « Contrairement à ce que certains affirment, notamment la proposition américaine, qui présente la crise comme une simple question humanitaire, c’est une question de survie et d’autodétermination pour un peuple attaché à sa terre. L’Egypte accueille plus de 9 millions de personnes, non pas des réfugiés, mais des invités du Soudan, de Libye et d’ailleurs. Leur situation est temporaire et ils rentreront chez eux dès que leurs pays se stabiliseront. Mais si les Palestiniens quittent la bande de Gaza, ils ne reviendront pas. Cela signifierait la fin de la cause palestinienne. C’est de là que vient la position ferme de l’Egypte ».

Avis partagé par Mona Soliman qui estime que « la résilience palestinienne, le ferme rejet populaire et officiel égyptien, ainsi que le consensus arabe contre le déplacement exercent une pression considérable sur ceux qui cherchent à mettre en oeuvre le plan de déplacement des Palestiniens ou de liquidation de la cause palestinienne ».

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