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Taxer les touristes étrangers au Louvre: une idée qui fait débat

AFP , Samedi, 25 janvier 2025

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Les visiteurs marchent sous la pyramide du Louvre conçue par Ieoh Ming Pei au musée du Louvre à Paris. Photo : AFP

Une entrée plus chère pour les touristes étrangers hors Union européenne qui voudraient voir la Joconde au Louvre ? Ce souhait de la ministre française de la Culture Rachida Dati pose nombre de problèmes pratiques, selon des acteurs du monde culturel interrogés par l'AFP.

Le Louvre, qui a accueilli 8,7 millions de visiteurs en 2024 dont 80% de touristes étrangers (13% d'Américains), souffre de gros problèmes de vétusté et les conditions de visite sont devenues difficiles, a récemment alerté sa présidente-directrice, Laurence des Cars.

Infiltrations d'eau voire inondations, obsolescence des équipements, problèmes de température qui mettent en danger la conservation des oeuvres...

Le budget nécessaire pour remédier à ces problèmes s'élèverait à "plusieurs centaines de millions d'euros alors que l'équilibre budgétaire est plus que précaire et en attente d'engagements ministériels", selon une source proche du dossier.

En réponse, Dati dit souhaiter "une politique tarifaire différenciée à partir du 1er janvier 2026".

Ce tarif plus élevé pour les touristes étrangers hors UE existe déjà aux Etats-Unis, au Cambodge ou au Maroc, et même en Italie, relève son ministère.

La ministre "l'avait déjà proposé en octobre pour la cathédrale Notre-Dame de Paris, demandant à cette occasion au Louvre, au musée d'Orsay et au domaine de Versailles de réfléchir au sujet", ajoute-t-il.

"On comprend que cette piste soit sur la table mais elle demande de la réflexion quant aux modalités pratiques", soulignent plusieurs grandes institutions muséales sous couvert d'anonymat tandis que le Louvre garde le silence.

 Complexe 

Elles pointent "la complexité" d'une telle mise en oeuvre qui apparaît "précipitée", selon l'une d'entre elles, "au vu des modifications importantes qu'elle suppose pour les systèmes de réservation et la mise en place de contrôles d'identité physiques systématiques".

"Qu'en sera-t-il pour des binationaux, les étrangers en France, des couples mixtes et des groupes au sein des tours opérateurs ?", s'interroge-t-elle.

Pour l'économiste de la culture Françoise Benhamou, ancien membre du conseil d'administration du Louvre, "tester cette hypothèse se justifie économiquement". D'autant plus que "plus le visiteur vient de loin, moins il renoncera à un grand musée en raison des tarifs", dit-elle.

Elle prône une "expérimentation" et n'y voit pas de "risque juridique" - pour la protection des données personnelles - estimant que les contrôles d'identité existent déjà partout dans les musées et que "Français et Européens ont déjà payé indirectement pour ces institutions publiques via leurs impôts".

L'entrée du Louvre coûte 22 euros depuis un an.

En 2024, année marquée par une perte de fréquentation pendant les Jeux olympiques et paralympiques de Paris, 28% du public étranger et 65% du public français ont bénéficié de sa gratuité (moins de 25 ans, chômeurs, bénéficiaires des minima sociaux, handicapés et accompagnants, enseignants, professionnels de la culture et journalistes) contre respectivement 40% et 60% en 2023, selon le musée.

 Inégalités 

Représentant CGT au Louvre, Christian Galani juge la tarification différenciée "complexe à mettre en oeuvre" et "discriminatoire".

"C'est à l'opposé d'un égal accès à la culture - cheval de bataille de la ministre - et ça risque d'accroître encore les inégalités", dit-il.

A Rome, le Panthéon, monument le plus visité d'Italie avec environ neuf millions de visiteurs à l'année, est devenu payant en juillet 2023. Chaque touriste doit désormais s'acquitter de cinq euros pour le visiter, sauf les mineurs, accompagnateurs de groupes scolaires, habitants de la Ville éternelle ainsi que les Européens de moins de 25 ans.

Avec des subventions d'Etat en baisse (96 millions d'euros en 2024, 103 en 2023 et 111 en 2022), 161 millions de ressources propres en 2023 (biletterie, location d'espaces, mécénat, 141 millions en 2022) et 83 millions d'euros de recettes de licence de marque (Abu Dhabi), le Louvre peine à dégager assez de fonds pour financer l'ensemble de ses projets de restauration et d'innovation.

La percée d'une nouvelle entrée afin de décongestionner la pyramide, conçue pour accueillir 4 millions de visiteurs à l'origine et l'installation d'un département des arts de Byzance et des chrétientés d'Orient, font partie de ses grands projets.

L'amélioration des conditions de la visite, côté températures, mais en offrant aussi plus d'espaces de détente, de restauration et de sanitaires au public, est elle aussi urgente, selon sa présidente.

Le président Macron se rendra mardi au Louvre pour s'exprimer sur la dégradation de l'état du musée.

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