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Le "Golfe d'Amérique", signe des ambitions hégémoniques de Trump

AFP , Jeudi, 23 janvier 2025

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Le président américain Donald Trump. Photo : AFP

En proclamant le Golfe du Mexique "Golfe d'Amérique", le président Donald Trump courtise avant tout l'opinion publique américaine mais montre aussi ses ambitions hégémoniques, relèvent des experts qui doutent cependant que d'autres pays suivent ses pas.

Dans un décret pris quelques heures après son retour à la Maison Blanche, M. Trump a qualifié ce plan d'eau de "partie indélébile de l'Amérique", essentielle à la production pétrolière et à la pêche aux Etats-Unis, et de "destination préférée des Américains pour le tourisme et les activités de loisirs".

L'expression "Golfe d'Amérique" a rapidement été utilisée par les gardes-côtes américains dans un communiqué de presse et par le gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis.

Pour l'écologiste Andrew Thaler, la déclaration de M. Trump est "ridicule" et sera probablement ignorée par les professionnels de la mer.

Tout président a l'autorité pour rebaptiser des noms de lieux ou sites aux Etats-Unis, comme l'a déjà fait Donald Trump avec le Mont McKinley en Alaska.

"Cependant, le golfe du Mexique est une masse d'eau qui borde plusieurs pays et comprend des poches de haute mer", dit M. Thaler, fondateur de Blackbeard Biologic et conseiller scientifique et environnemental.

"Il n'y a pas vraiment de précédent pour un président américain renommant des caractéristiques géologiques et océanographiques internationales. Toute tentative de renommer l'ensemble du golfe du Mexique serait entièrement symbolique", ajoute-t-il.

- "Amérique mexicaine" -

La présidente mexicaine Claudia Sheinbaum a ironisé en proposant de renommer les Etats-Unis l'"Amérique mexicaine", devant une carte du monde datant du XVIIe siècle et sur laquelle une bonne partie de la région nord-américaine apparaît sous le nom d'Amérique mexicaine.

"Pour nous, il s'agit toujours du golfe du Mexique et pour le monde entier, il s'agit toujours du golfe du Mexique", a-t-elle déclaré mardi.

L'Organisation hydrographique internationale, créée il y a un siècle et basée à Monaco, effectue des relevés des mers et des océans du monde entier et est ce qui s'approche le plus d'une autorité chargée d'harmoniser les noms des eaux internationales.

Les Nations unies disposent également d'un groupe d'experts sur les noms géographiques, dont la prochaine réunion débutera le 28 avril.

Martin Levinson, président émérite de l'Institut de sémantique générale, se demande si Trump investira son capital politique pour tenter de convaincre d'autres pays.

"Veut-il vraiment les contraindre pour quelque chose d'aussi mineur que cela?", se demande-t-il.

"Je pense que l'avantage politique se situe au niveau de l'opinion publique auquel il s'adresse, en disant que nous sommes des patriotes, que c'est notre pays, que nous n'allons pas laisser le nom être subsumé par d'autres pays", dit-il.

Mais il doute que d'autres pays en viennent à le suivre.

- "Géopolitique du spectacle" -

Les différends sur les noms géographiques sont légion dans le monde.

La Corée du Sud, par exemple, n'apprécie guère l'appellation de "mer du Japon" préférant parler de la "mer de l'Est".

Au Moyen-Orient, Donald Trump a pu irriter les Iraniens lors de son premier mandat en parlant publiquement de "Golfe d'Arabie" pour désigner la masse d'eau riche en pétrole historiquement connue sous le nom de "Golfe persique", mais que les nationalistes arabes cherchent à rebaptiser depuis des décennies.

Pour Gerry Kearns, professeur de géographie à l'université Maynooth en Irlande, l'annonce de Trump relève de la "géopolitique du spectacle" mais elle démontre aussi un penchant idéologique.

Selon lui, en menaçant également de s'emparer du canal de Panama, Donald Trump cherche à projeter un nouveau type de doctrine Monroe, la déclaration de 1823 des Etats-Unis selon laquelle ils domineraient le continent américain.

"En revendiquant le droit de forcer les autres à utiliser le nom de son choix, M. Trump affirme une sorte de souveraineté sur une étendue d'eau internationale", dit-il.

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