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Marcelle Nadim : Pour l’amour de la presse

Mireille Bouabjian , Mercredi, 22 janvier 2025

Fondatrice et rédactrice en chef de la revue mensuelle libanaise Prestige, Marcelle Nadim a récemment été honorée du Murex d’Or pour la qualité et la richesse de son parcours journalistique.

Marcelle Nadim

C’est au cours d’une soirée de gala au Casino du Liban que Marcelle Nadim, propriétaire et rédactrice en chef de Prestige, a reçu le trophée du Murex d’Or, couronnant trois décennies de labeur et de succès. Une histoire d’amour intimement liée à sa revue qui porte à juste titre le nom de Prestige.

Organisée et présentée par les frères médecins Drs Zahi et Fady Hélou, cette somptueuse cérémonie de la remise des Murex d’Or, qui en est à sa 23e édition, célèbre avec faste l’excellence artistique et culturelle au Liban et dans le monde arabe. Cette année, les auteurs de cette performance avaient choisi comme thème Heal The World with Art and Music (guérir le monde par l’art et la musique).

Prestige est le fruit d’une passion, d’une vocation, voire d’une dévotion à la beauté du journalisme de qualité. Trente années durant, elle a été le visage rayonnant du Liban dans toute sa splendeur. Rien d’étonnant à cela, puisque sa créatrice est la première femme libanaise à réaliser un projet d’une telle envergure, un projet qui a contribué à la renaissance culturelle et artistique du Liban. Editée essentiellement en langue française, mais aussi anglaise, la revue a abordé au fil de ses pages de nombreux thèmes ayant trait à divers sujets et accueilli de nombreuses personnalités libanaises et étrangères du monde de la diplomatie et de la gouvernance à l’univers artistique et culturel. L’initiative a connu un grand succès tant au niveau local qu’international. « La presse est dans mon ADN », affirme Marcelle. « Mon grand-père, Youssef Ayoub Hitti, que je n’ai pas connu car décédé durant la Seconde Guerre mondiale, alors que mon père était encore adolescent, avait fondé un journal, Arzet Lebnan (le cèdre du Liban), en portugais au Brésil et en arabe au Liban. Son journal est conservé dans les archives de l’Université du Saint-Esprit de Kaslik, USEK », ajoute-t-elle.

Sur les traces donc de son grand-père, pionnier et l’un des fondateurs de la presse libanaise des débuts du XXe siècle, la petite-fille n’hésite pas à mener cette aventure. Armée d’une maîtrise en sciences économiques de l’Université Saint-Joseph (USJ) et dotée d’une volonté sans faille, elle lance en 1993 sa revue Prestige. Un grand cocktail à l’hôtel Le Bristol a été donné à cette occasion, à l’heure où le pays, tout déchiqueté et divisé, ployait encore sous le fardeau et les séquelles de la guerre civile de 1975. « Bien que j’aie une maîtrise en sciences économiques, c’est le domaine de la presse qui m’a attirée le plus. C’était mon rêve depuis ma jeunesse, dit-elle. Je suis l’aînée d’une famille de trois enfants, une Capricorne qui marche doucement et arrive calmement au but », reprend-elle.

Et le rêve est devenu réalité. Niché au coeur de la région de Beit Mery à 750 m d’altitude, le domaine verdoyant et tout fleuri de Prestige abrite des espaces consacrés à l’habitation et des bureaux, avec un panorama unique sur la capitale Beyrouth. C’est dans ce cadre enchanteur que Mme Nadim, comme tout le monde l’appelle ici, a accueilli, en 1993, la première dame du Liban, Mona Haraoui, épouse du président Elias Haraoui, qui a tenu à venir elle-même inaugurer les locaux. « Je suis mariée à l’ingénieur Michel Nadim, j’ai lancé Prestige après avoir eu mes trois enfants », remarque Marcelle. « Il s’agit de deux garçons, à savoir Simon, double major économie et business, qui a sa propre entreprise à Dubaï, et Patrick, ingénieur, qui travaille avec son père, et une fille, Maria, rédactrice en chef du Guide Montres. A cette époque, ils venaient à mon bureau pour faire leurs devoirs. Mme Sonia Nammour, ma collaboratrice, faisait étudier Maria et Patrick. Lors de l’inauguration, Patrick, qui n’avait que six ans, s’accrochait à ma jupe pour m’accompagner », ajoute-t-elle. Le numéro Zéro, publié pour la circonstance, accueillait en couverture la vedette Sharon Stone. Ce fut un énorme succès sans précédent. S’ensuivirent de nombreuses interviews et rencontres de grandes figures libanaises et mondiales. Le secret de cette réussite ? « La qualité », rétorque la maîtresse des lieux. « Le layout (la mise en page) a été travaillé en France par Ariane Bondroit, une designer française qui avait bossé au layout de Vogue Home en France, un design net et clair. Une qualité exceptionnelle de photos et d’impression », précise-t-elle. « L’équipe libanaise a continué ensuite ce travail tellement impeccable qu’un grand groupe de presse a engagé une partie de mon équipe », dit-elle.

Pionnière des journalistes arabes qui ont couvert les principaux défilés de haute couture à Paris, elle ouvre la voie à des stylistes pour faire leur entrée dans ce vaste monde de la mode. « Elie Saab m’a appelée une fois pour me dire : je souhaite vous offrir une tenue de ma création. Venez à mon atelier pour prendre les mesures », raconte-t-elle. « Quand je lui ai demandé la raison, il m’a répondu : c’est grâce à ce que vous publiez sur mes créations que la Fédération de la Haute Couture et de la mode à Paris a accepté mon inscription ».

En 1997, elle fait une autre percée dans le monde de la presse en publiant la première revue toujours en couleur, Guide Montres. Une référence pour tous les amateurs, connaisseurs et collectionneurs en matière de création et d’évolution des grandes maisons horlogères de par le monde. Et Maria tombe sous le charme de cette publication. « Maria étudiait le Business marketing à la Lebanese American University (LAU). A la demande de l’université, elle devait faire un stage, dit Marcelle. Elle a choisi de le faire à Prestige et elle y est restée ». C’est là qu’elle a interviewé les grandes stars de la chanson libanaise, dont Najwa Karam, Nancy Ajram et Elissa, entre autres. Décrochant un exécutif MBA de la célèbre Ecole Supérieure des Affaires (ESA), Maria a poursuivi sa carrière journalistique à Prestige, s’occupant du Guide Montres, devenu sa passion aux côtés des défilés parisiens qu’elle couvre.

Evoquant un souvenir qui lui tient à coeur, Marcelle relate sa petite histoire avec The Times Magazine, publié à Londres. C’était en 1998. « Une reporter de renom, Anna Blundy, est venue avec un photographe au Liban pour m’accompagner durant deux jours, dit-elle. Ils m’ont accordé une interview étalée sur cinq pages, allant jusqu’à me surnommer le Hello de Beirut ».

Evoquant un autre souvenir tout aussi marquant, Marcelle raconte l’histoire de l’astronaute français Jean-François Clervoy avec Prestige. Ce dernier a fait, durant quelques années, ses études au Lycée Franco-Libanais à Beyrouth. Ayant gardé de bons souvenirs du pays, il a tenu, au cours d’une mission dans l’espace, à prendre des photos du Liban qu’il a envoyées à Prestige pour être publiées. Lorsque le lycée a vu l’interview dans la revue, il l’a invité à venir à la cérémonie de la remise des diplômes. « J’aime bien évoquer ce souvenir qui montre que Prestige a été un trait d’union entre les Libanais et le monde », souligne-t-elle.

Outre les interviews, les pages Beyrouth en parle et Le monde en parle, une bonne part était aussi accordée aux nombreux Festivals internationaux qui animaient les mois d’été libanais. Le plus distingué était celui de Baalbeck, placé à l’époque sous la houlette de la célèbre dame May Arida. « Un beau jour, se rappelle Marcelle, je reçois un appel d’elle pour me remercier en me disant que c’est grâce au reportage publié dans Prestige sur l’histoire du Festival de Baalbeck que la maison L’Oréal a accepté d’être un sponsor ».

Une grande place était également consacrée aux pages Voyages qui avaient un goût unique. A chaque numéro, Prestige réservait des pages riches en infos, et surtout en magnifiques photos, à un pays visité. L’Egypte était l’un d’eux. Elle s’en est même taillé la part du lion tant elle offrait des beautés à découvrir le long du Nil, que ce soit à Louqsor ou à Assouan.

« En 1995, Mark Linz, directeur de l’AUC Press au Caire à cette époque, a eu l’idée de créer le prix littéraire Naguib Mahfouz. La remise du premier prix portant le nom du célèbre écrivain eut lieu en 1996. En 1998, en tournée au Liban, Linz nous a rendu visite, dans nos bureaux à Prestige », souligne Marcelle.

En 2015, Prestige a publié sur ses pages le livre Inside the Egyptian Museum, de l’éminent archéologue égyptien Dr Zahi Hawas. « C’est le premier ouvrage électronique qui nous emmène dans un voyage à travers les trésors étonnants du musée. A son avis, les artefacts pharaoniques sont essentiels pour la compréhension de l’ancienne civilisation égyptienne », conclut Marcelle Nadim avec un sourire de satisfaction et de reconnaissance.

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