Cette interrogation s’inscrit dans une série d’événements récents, dont le plus marquant a été la guerre israélienne contre le Liban. Cette guerre a conduit à la destruction de la majeure partie des capacités militaires, stratégiques et économiques du Hezbollah, ainsi qu’à l’assassinat de ses dirigeants les plus éminents, notamment son secrétaire général, Hassan Nasrallah. A cela s’est ajoutée l’imposition d’un accord de cessez-le-feu après 66 jours de violents combats, qui ont débuté le 27 novembre 2024. Cet accord a marqué un tournant, les Etats-Unis devenant l’acteur principal dans la détermination de la politique au Liban, reléguant ainsi le rôle iranien à une position quasi inexistante.
Une partie du contenu du « document de garanties américaines » en faveur d’Israël, récemment révélé, souligne cette évolution. Il stipule notamment qu’« Israël, avec le soutien des Etats-Unis, déploiera tous les efforts possibles pour empêcher le retour du Hezbollah comme une source de menace, ce qui inclut l’interdiction de son réarmement ».
Le troisième développement majeur réside dans le lancement de l’attaque de Hayat Tahrir Al-Sham (HTS) contre le régime de Damas. Le lendemain de la signature de l’accord, HTS a quitté la province d’Idlib (nord-ouest de la Syrie) pour avancer vers Alep, Hama, puis Homs, avant d’arriver le 8 décembre au coeur de la capitale syrienne, Damas. Le président Bachar Al-Assad avait quitté la ville quelques heures avant l’arrivée des milices djihadistes alliées à HTS, ouvrant ainsi une nouvelle ère en Syrie. Ce bouleversement a été orchestré avec le soutien de trois puissances : la Turquie, Israël et les Etats-Unis, qui ont contribué à renverser le régime d’Assad.
La chute de ce régime, allié de l’axe de la résistance, a rompu la ligne de soutien militaire iranien au Hezbollah, laquelle passait par l’Iran, l’Iraq et la Syrie pour atteindre le Liban. Naïm Qassem, nouveau secrétaire général du Hezbollah, a dû reconnaître la perte de cette voie d’approvisionnement stratégique. Le contrôle strict exercé par les services de sécurité de l’aéroport Rafic Hariri de Beyrouth sur un avion iranien confirme également le déclin de l’influence iranienne au Liban. Désormais, les menaces pesant sur le Hezbollah ne sont plus uniquement militaires, liées à son rôle dans la lutte contre Israël, mais également politiques. Son influence politique, tout comme sa capacité militaire, est aujourd’hui en péril.
L’élection du général Joseph Aoun comme candidat unique au poste de président de la République, vacant depuis 2022, reflète une vérité fondamentale. Le plan des Etats-Unis et d’Israël, visant à réduire l’influence iranienne au Liban et à contenir le Hezbollah, semble avoir abouti. Ce plan, qui a débuté par un « étranglement économique » du Liban, la destruction de son économie et son épuisement financier, s’est conclu par la récente guerre de 66 jours et l’élection d’un président perçu comme indépendant de l’Iran, de la Syrie et du Hezbollah. Cela ouvre une nouvelle ère pour le Liban, où il n’y aurait plus de place pour l’Iran, la Syrie d’Assad ou le Hezbollah de Hassan Nasrallah.
Dans son discours inaugural devant le Parlement, en présence de l’ambassadrice américaine, le nouveau président libanais a tenu à définir les caractéristiques d’un « nouveau Liban ». Ce discours a confirmé ce que les Etats-Unis et Israël réclament depuis plusieurs années : que l’Etat libanais, par le biais exclusif de son armée, détienne le monopole des armes sur l’ensemble du territoire. Le président a réitéré le « droit de l’Etat libanais à monopoliser les armes », une déclaration qui semble concrétiser le « rêve israélien » de mettre fin à la résistance au Liban. Cette position répond également aux aspirations des forces libanaises de réduire l’influence politique du Hezbollah en le désarmant et en mettant un terme à la présence iranienne au Liban. L’objectif serait de construire un nouveau Liban « dépourvu de résistance », prêt à normaliser ses relations avec Israël et à s’engager dans le cadre de la « paix abrahamique » promue par l’Administration Trump lors de son premier mandat. Ce nouveau Liban se positionnerait comme un soutien des ambitions israéliennes, oeuvrant à éliminer la résistance et à inscrire l’Iran sur la liste des adversaires à contenir dans un avenir proche. Dans son allocution, le président libanais n’a pas mentionné une seule fois la résistance ou ses valeurs. Il a préféré insister sur le désarmement de la résistance libanaise et des camps palestiniens, une posture qui traduit une volonté de rompre avec l’axe de la résistance.
Cependant, cette orientation soulève des interrogations. Est-ce véritablement la fin de la résistance, ou assistons-nous à une nouvelle phase dans ce long conflit ? La réalité sur le terrain semble indiquer que le cours des événements est loin d’être terminé. Malgré la guerre génocidaire menée par Israël contre le peuple palestinien dans la bande de Gaza, ses objectifs stratégiques — notamment l’élimination du Hamas sur les plans militaire et politique — n’ont pas été atteints. Quinze mois après cette guerre, Israël a dû négocier de nouveaux accords de cessez-le-feu et des échanges de prisonniers avec le Hamas.
Dans le même temps, la résistance en Cisjordanie a pris de l’ampleur, multipliant les attaques contre les colons israéliens. Ce regain de résistance témoigne de sa progression, comme l’ont reconnu certains hauts responsables de l’armée israélienne. Ils mettent en garde contre l’émergence d’une nouvelle génération de résistants dans la bande de Gaza et soulignent que ce qui se passe en Cisjordanie et à Gaza pourrait également se reproduire au Liban.
Enfin, le chemin reste ouvert à de nouveaux développements, qui pourraient redéfinir les équilibres stratégiques dans la region.
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