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Lâcher prise pour trouver la sérénité

Amira Doss , Mercredi, 22 janvier 2025

Dans un monde qui nous pousse à tout contrôler, tout perfectionner, le lâcher-prise ou le « letting go » est un mécanisme destiné à protéger notre bien-être. Une règle d’or : accepter ce que l’on ne peut pas contrôler.

Lâcher prise pour trouver la sérénité

La notion de lâcher-prise ou « letting go » a été pour la première fois adoptée en Inde dans les années 1970. Elle est en plein essor aujourd’hui bien qu’elle soit à l’encontre de tous les diktats de performance et de faire plus comme si c’était une réaction à ce surplus de « contrôle » de la part des individus. L’idée du « letting go » est d’aborder chaque moment avec plus de souplesse. Dans leurs écrits, les philosophes indiens appelaient par cette théorie leurs patients à laisser de côté leur volonté de contrôle, leurs désirs égoïstes, afin d’apprendre graduellement à accepter les différents événements qui se présentent à eux. Dans son livre Letting go, the pathway to surrender, l’auteur américain David R. Hawkins s’inspire de la philosophie indienne et met en application un mécanisme pratique expliquant pourquoi la notion de lâcher-prise permet de vivre mieux.

Le concept de « surrender » pour l’auteur c’est celui de « rendre les armes » ou apprendre une différente technique de combat, celle de gagner de la puissance en détournant la force de son ennemi après l’avoir laissé venir. Pour l’auteur, l’abandon signifie plus de confiance et plus de connaissance, car l’idée du laisser-faire n’a rien à voir avec une attitude passive, négative ou fataliste. C’est plutôt la conscience de distinguer les événements sur lesquels nous n’avons que peu de maîtrise et auxquels nous nous accrochons fermement. Il s’agit donc de renoncer à des choses qui nous procuraient un sentiment de sécurité et qui sont un obstacle à notre paix intérieure, voire une rigidité. Le lâcher-prise est donc une opposition au contrôle. En l’apprenant, la personne abandonne ce besoin compulsif de contrôler chaque aspect de son existence, que ce soit ses pensées, ses émotions, ses relations ou les événements qui se déroulent autour d’elle. En faisant la distinction entre ce que nous pouvons contrôler ou pas, nous apprenons à investir notre énergie et nos émotions dans ce que nous pouvons changer.

Ainsi, le lâcher-prise s’associe à un ensemble d’émotions telles que l’acceptation, le pardon et parfois la nécessité de faire le deuil. C’est tout un trajet de croissance personnelle et de transformation vers plus de liberté et plus de paix.

Ne plus être aux commandes

D’après les psychanalystes, la technique du « letting go » se base sur le concept d’être préparé aux surprises de la vie, la maladie qui peut frapper à tout moment, l’amour qui peut nous décevoir. Le lâcher-prise est donc un réflexe humain. « La peur ne permet jamais d’éviter le danger, au contraire, elle nous enferme dans un mode de pensée négatif. Elle absorbe notre énergie, nous incitant à vouloir contrôler notre environnement en voulant tout diriger pour obtenir les résultats que nous désirons. Ce qui est pratiquement impossible. Le lâcher-prise c’est ne pas s’attacher aux résultats et être dans l’ouverture d’esprit d’accepter ce qui est incontrôlable. Il suffit de se poser la question : qu’est-ce que je tiens vraiment dans les mains ? Sur quoi ai-je le contrôle ? », explique Heba Machaal, psychologue.

L’idée peut paraître paradoxale et inconfortable au premier abord. Car il est difficile d’imaginer le fait de se détacher de quelque chose qu’on souhaite terriblement. Or, le lâcher-prise ne signifie pas laisser tomber. Alors qu’on est poussé à tout contrôler, tout prévoir, être stratégique, proactif et performant, le lâcher-prise est un art de vivre qui nous permet de préserver notre bien-être et notre santé mentale. « Lorsqu’on adopte cette attitude, on comprend qu’on ne dirige pas les événements, on est plus léger, on s’ouvre à l’incertitude, on commence à apprécier le chemin plutôt que la destination. Ce chemin c’est toute une vie sereine », explique David Hawkins dans son livre. « Au lieu de se noyer dans la rancune, le regret ou l’espoir vain de réécrire le passé, on apprend à prendre du recul par rapport à nos propres pensées, à faire une pause mentale, à faire une prise de conscience de toute cette énergie dépensée à vouloir que tout soit parfait », explique Hawkins.

Lâcher prise, décrocher, tourner la page, pardonner, c’est tout simplement réaliser que votre combat est inutile et surtout exténuant. Pour Hawkins, le lâcher-prise c’est accepter de ne pas contrôler l’incontrôlable.

Premier pas, l’acceptation

Mais, pourquoi est-il tellement difficile pour nous de renoncer à contrôler ? Parce que l’absence de contrôle éveille chez nous des peurs que nous nions ou dont nous n’étions pas conscients. La tentation de refuser ce qui n’est pas conforme à nos désirs est grande. Tout commence par réaliser la perte d’énergie et de bien-être qu’entraînent le perfectionnisme et le contrôle. Puis, il faut apprendre à accepter de faire le deuil de quelque chose à laquelle vous tenez, ou des idées que vous faites sur les autres, des attentes, de vouloir être apprécié de tous ... ou même d’un résultat que vous espérez. Pour certains, il faut faire le deuil du passé, de certaines épreuves. Le lâcher-prise implique de vous accepter avec vos limites, vos valeurs, ce qui permet d’accepter les autres plus aisément. C’est apprendre à être flexible en essayant de nouvelles stratégies, en laissant aller un certain contrôle.

 

 Ce qui nous échappe ne dépend pas de nous

 Le lâcher-prise est une voie de développement personnel qui permet de dissocier la personne du comportement, de privilégier l’observation sur le jugement, de sortir du cycle de la vengeance. En tant que mécanisme de défense, le « letting go » passe par la distinction entre tout ce qui est dans le champ de nos capacités, ce que nous pouvons influencer et ce qui nous échappe. En voyant la réalité telle qu’elle se présente sans vouloir la modifier ou la contrôler pour qu’elle corresponde à nos attentes.

L’énergie consommée à lutter contre est récupérée pour construire sa vie. Ainsi, la disponibilité d’esprit ouvre sur des choix plus efficaces générant plus de confiance en soi. En plus, le lâcher-prise permet de vivre dans le moment présent sans ruminer le passé et ses douleurs. Ce mécanisme permet d’alléger sa charge mentale, de se libérer de ce stress, d’anxiété qu’on impose à soi-même. Apprendre à remettre les situations et les problèmes en perspective et les ramener à leur juste valeur.

Pour apprendre à le faire, il faut aussi changer l’idée de l’ego, de l’image de soi. « S’affirmer ou ne pas s’affirmer ne doit pas engendrer la peur d’être mal jugée. Vouloir tout contrôler cache un réel problème, cette peur d’accéder à un résultat contraire à notre désir et être sidéré par ce qui va arriver. L’idée est d’accepter ce qu’on ne peut pas changer », explique Heba Chaalan.

En acceptant ce que nous ne pouvons pas changer permet de diriger notre énergie vers les choses qui sont en notre pouvoir, laissant aller celles qui ne le sont pas. En pratiquant cette acceptation, nous apprenons à changer le cycle de résistance et de frustration résultant du contrôle. Une fois identifié, nous commençons à nous poser des questions : « Sont-elles basées sur des faits réels ? Sont-elles utiles ou constructives ? », ainsi, nous faisons preuve de compassion envers nous-mêmes.

D’après le livre Letting go, la technique de lâcher-prise implique également de pratiquer le détachement émotionnel qui consiste à ne pas s’attacher excessivement à des résultats ou à des attentes particulières. Cela ne signifie pas être indifférent mais plutôt développer une attitude de détachement sain en prenant de la distance.

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