
Au Liban, le confessionnalisme complique la formation des gouvernements.
« Un partenaire responsable et non un adversaire ». C’est en ces termes que Joseph Aoun a défini clairement les caractéristiques et la nature de relation avec le premier ministre. Et il n’a pas attendu longtemps avant d’entamer les consultations parlementaires au palais présidentiel pour nommer le premier ministre. Cinq jours seulement après son élection, 84 députés, sur un total de 128, ont désigné Nawaf Salam, actuel président de la Cour Internationale de Justice (CIJ), contre 9 voix seulement pour Mikati, tandis que 34 députés, dont ceux du Hezbollah, n’ont soutenu aucun candidat. Ce choix marque un tournant inattendu dans l’équilibre des pouvoirs au Liban, car toutes les analyses prévoyaient la reconduction de Mikati à la tête du gouvernement.
Selon Mona Soliman, politologue, « la première caractéristique remarquable de cette sélection est sa rapidité. Le président Joseph Aoun a insisté sur le fait que la décision soit prise en un jour, alors que les 34 députés du Hezbollah souhaitaient un jour ou deux pour faire leur choix. La deuxième caractéristique est que ce choix confirme que l’état d’esprit général au Liban, depuis le chef de l’Etat aux députés, en passant par les cercles populaires et les élites politiques, est favorable à la présence d’une personnalité nationale indépendante au poste de premier ministre capable de coopérer avec le chef de l’Etat pour relever les défis multiples auxquels le pays est confronté. La troisième est que ce choix confirme le recul du Hezbollah, opposé à cette décision ».
Qui est Nawaf Salam ? Issu d’une famille politique, Salam est un juge, diplomate et universitaire libanais né en 1953. Il rejoint la CIJ en 2018 et est nommé président de cette dernière le 6 février 2024 pour un mandat de trois ans, devenant ainsi le premier juge libanais à occuper ce poste. Il a pris la présidence de la CIJ, basée à La Haye, alors que la Cour tenait sa première audience sur l’affaire intentée par l’Afrique du Sud accusant Israël de génocide dans la bande de Gaza. Ce n’est pas la première fois que son nom soit évoqué comme une figure consensuelle pour former un gouvernement. En 2020, après l’explosion du port de Beyrouth, le nom de Nawaf Salam a été avancé comme candidat neutre pour prendre la tête du gouvernement, mais le Hezbollah et le Mouvement Amal avaient bloqué cette nomination. « Le gouvernement de Nawaf Salam sera confronté à la tâche ardue de reconstruire le pays et de former un gouvernement solide. Son mandat, d’une durée d’un an et demi, sera marqué par l’organisation de nouvelles élections législatives en 2026 », affirme Mona Soliman.
Quelle est donc l’étape suivante ? Le Liban sera confronté au défi d’achever les étapes de la formation du nouveau gouvernement. Selon l’article 64 de la Constitution, une fois le premier ministre désigné, le président de la République mène des consultations parlementaires pour former un gouvernement. Après sa formation, le gouvernement aura 30 jours pour comparaître devant le Parlement avec sa déclaration ministérielle, qui représente sa feuille de route dans différents domaines. Le gouvernement formé ne peut pas exercer ses pouvoirs tant qu’il n’a pas reçu un vote de confiance du Parlement. En effet, La formation d’un nouveau gouvernement est une tâche complexe soumise aux règles du confessionnalisme politique, un système en vigueur qui répartit les postes ministériels selon des quotas communautaires. A cet égard, la Constitution ne fixe aucun délai pour la formation du gouvernement par le premier ministre. Cette lacune risque de prolonger ce processus. Comme cela s’est déjà produit par le passé, entraînant des dysfonctionnements institutionnels. Le gouvernement sortant de Najib Mikati n’a été formé qu’après 13 mois de consultations.
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