« Aucune présence militaire ou navale d’aucun Etat non riverain de la mer Rouge ne sera acceptée », a fermement déclaré le ministre des Affaires étrangères, Badr Abdelatty, lors d’une conférence de presse conjointe avec ses homologues érythréen et somalien, Osman Saleh et Ahmed Moalim Fiqi. Bien qu’elle ne soit pas nommée explicitement, l’ombre de l’Ethiopie planait sur les discussions et sur la déclaration commune publiée après la réunion samedi au Caire.
L’accord controversé entre l’Ethiopie et le Somaliland, signé en janvier 2024, accordant à Addis-Abeba un accès maritime et une base militaire à Berbera pour 50 ans en échange de la reconnaissance de l’indépendance du Somaliland, avait considérablement exacerbé les tensions. La Somalie avait considéré cela comme une violation de sa souveraineté et a expulsé l’ambassadeur éthiopien et l’Egypte a immédiatement apporté son soutien à Mogadiscio et a renforcé ses liens avec la Somalie et l’Erythrée, formant une alliance tripartite visant à contrer les ambitions d’Addis-Abeba, déjà en désaccord avec Le Caire sur le barrage de la Renaissance éthiopienne (GERD) sur le Nil.
La sécurité et la stabilité de la Somalie sont des piliers importants pour la sécurité de toute la région, estime-t-on au Caire. « Sécuriser le détroit de Bab El-Mandeb, situé au nord de la Somalie et à l’entrée sud de la mer Rouge, est une priorité de sécurité nationale pour l’Egypte, car cette voie maritime sécurise le Canal de Suez », explique une source officielle.
Respect du droit international
L’Egypte avait déjà exprimé ses préoccupations concernant la possibilité pour des Etats non riverains d’établir une présence militaire en mer Rouge, soulignant la nécessité de respecter le droit international et la stabilité régionale depuis l’accord avec la région séparatiste du Somaliland. Selon le ministère égyptien des Affaires étrangères, les trois hauts diplomates ont convenu, lors des discussions trilatérales, de la périodicité des réunions ministérielles. « La prochaine réunion aura lieu dans la capitale somalienne, Mogadiscio », a déclaré Abdelatty, notant que des dispositions sont en cours pour un sommet trilatéral au niveau présidentiel prochainement. Il a également souligné leur accord sur l’importance cruciale de la mise en oeuvre des résultats du sommet d’Asmara, rejetant toute action unilatérale qui porte atteinte à l’unité de la Somalie.
« Nous réaffirmons notre engagement en faveur de l’unité et de l’intégrité territoriale de la Somalie et notre soutien au gouvernement somalien dans l’extension de son autorité sur l’ensemble de son territoire et dans la lutte contre le terrorisme », a déclaré le chef de la diplomatie égyptienne. Il a ajouté que les trois ministres ont également discuté des moyens d’améliorer les capacités des institutions de l’Etat somalien pour relever les défis sécuritaires et protéger les frontières terrestres et maritimes du pays.
Le lendemain de la réunion ministérielle au Caire et après une année de relations tendues, un dégel des relations entre la Somalie et l’Ethiopie a émergé. La visite du président somalien, Hassan Sheikh Mohamud, à Addis-Abeba a marqué un tournant dans les relations bilatérales, conduisant à une restauration complète des relations diplomatiques. La Turquie avait dirigé une médiation entre les deux parties qui se sont accordées à « respecter la souveraineté de chacun des deux pays et à rejeter leurs différends », reconnaissant « les avantages potentiels qui peuvent être tirés de l’accès sûr de l’Ethiopie à la mer, tout en respectant l’intégrité territoriale de la Somalie » et annonçant le début de négociations techniques d’ici fin février 2025, dans le but de parvenir à un accord final dans les quatre mois. « Le Caire saluera tout accord qui favorise la stabilité et le développement », ajoute la source égyptienne. Les craintes égyptiennes concernant les positions éthiopiennes pourraient disparaître si Addis-Abeba « améliorait ses intentions » en concluant un accord final qui réponde aux demandes de Mogadiscio et ne menace pas les intérêts des pays de la région, ajoute-t-il.
Le Caire a déjà signé un protocole de coopération militaire avec Mogadiscio en août et l’approbation de la participation à la mission de maintien de la paix africaine (AMISOM) prévue pour 2025-2029, suivie de la fourniture à la Somalie d’un entraînement et d’équipements pour aider à renforcer l’armée somalienne, afin de faire face au mouvement terroriste Shebab.
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