Al-Ahram Hebdo : L’Iran a perdu un allié important avec la chute d’Assad. Quel rôle peut-il désormais jouer en Syrie ?
Ali Atef : La chute de Bachar Al-Assad est certainement un coup dur au régime iranien. La Syrie d’Assad était un allié stratégique. C’était l’allié essentiel dans une région hostile. L’Iran a souvent utilisé la Syrie et l’Iraq pour échapper aux sanctions occidentales. C’est aussi à travers les territoires syriens que l’Iran envoyait toutes sortes d’aides à ses alliés, comme le Hezbollah, le Hamas, le Jihad islamique, etc. Actuellement, envoyer des aides à ces mouvements est devenu très difficile, ce qui affaiblit leurs capacités, d’autant plus qu’ils ont déjà perdu 90 % de leurs forces à cause de leurs guerres avec Israël.
Maintenant, les nouvelles autorités syriennes ont clairement annoncé leur refus de la présence iranienne dans leurs territoires. Il est impossible que l’Iran s’accorde avec Ahmed Al-Chareh, soutenu par la Turquie, d’autant plus que le changement de régime en Syrie a été orchestré par les Américains et les Israéliens avec l’objectif d’affaiblir l’Iran. En plus, l’idéologie d’Ahmed Al-Chareh, un sunnite, est contraire à celle de l’Iran.
— Mais Téhéran insiste sur le fait d’insinuer que son rôle n’est pas fini, notamment en déclarant qu’une nouvelle résistance contre Israël va émerger en Syrie …
— Evidemment, Téhéran va tout faire pour préserver ses intérêts en Syrie et y garder son influence, mais aussi sur l’Iraq. La Syrie a été pendant des décennies un proche allié de Téhéran et un membre-clé de l’axe de la résistance. Et malgré la crise économique aiguë qui secoue l’Iran, Téhéran a beaucoup investi en Syrie, notamment pour la reconstruction de ses institutions sécuritaires. C’est pourquoi Téhéran va tenter de rester influent en Syrie. Pour le moment, les Iraniens profitent des différends entre, d’une part, les différentes communautés, et de l’autre, le nouveau pouvoir syrien pour déstabiliser les autorités.
— Il ne s’agit pas que de la Syrie, c’est l’ensemble de l’axe de la résistance qui est aujourd’hui affaibli. L’influence régionale de l’Iran va-t-elle être ainsi considérablement réduite ?
— L’axe de la résistance est, en effet, en train de mourir. Pour ressurgir, il lui faudra au moins une dizaine d’années. 90 % de la puissance du Hezbollah et du Hamas ont été détruits. Le régime de Bachar Al-Assad a chuté, les milices iraqiennes du Hachd Al-Chaabi sont désormais contrôlées par les autorités iraqiennes qui prévoient leur désarmement pour ne pas entraîner l’Iraq dans une nouvelle guerre. Bagdad essaye de maintenir un certain équilibre dans ses relations avec les Etats-Unis et l’Iran tout en protégeant ses intérêts. Aujourd’hui, il ne reste que les Houthis comme force active dans l’axe de la résistance. Mais l’on s’attend à une vraie guerre contre eux menée conjointement par Tel-Aviv, Washington et Londres avec l’assistance de certains pays arabes. Ce qui va limiter les capacités des Houthis, voire les anéantir.
Avec ces coups portés aux alliés de l’Iran, c’est un nouveau Moyen-Orient qui est en train de se dessiner. La géopolitique de la région est en mutation. L’extension chiite est freinée. Certains pays arabes, comme le Liban, doivent profiter du recul de l’influence iranienne et revoir leurs comptes. L’Iran est le grand perdant des changements que connaît le Moyen-Orient.
— Dans ce contexte, quels sont les nouveaux calculs de Téhéran, notamment en matière de nucléaire, alors que les pays européens organisent, le 12 janvier, un sommet avec l’Iran ?
— Le dossier nucléaire sera, en effet, en tête de l’agenda de cette rencontre. Mais cette fois, les discussions seront différentes des précédentes car les Occidentaux sont désormais conscients que les sanctions infligées à l’Iran n’ont pas eu l’effet espéré. Dans la période à venir, on s’attend à ce que les Occidentaux changent leur optique et tentent de trouver un compromis avec l’Iran qu’ils soupçonnent être sur le point de se doter de l’arme nucléaire.
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