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Sécurité en mer Rouge : La vision de l’Egypte

Amira Samir , Mercredi, 08 janvier 2025

Les enjeux majeurs pesant sur le trafic maritime dans la mer Rouge ont poussé l’Egypte à élaborer une vision stratégique intégrée pour faire face aux défis. Explications.

Sécurité en mer Rouge : La vision de l’Egypte

Bordée par 1 941 km de côtes sur la mer Rouge, l’Egypte joue un rôle central dans la sécurisation de cette artère vitale pour son économie. Ce rôle est principalement motivé par le respect des réglementations internationales garantissant la liberté de navigation dans les passages internationaux. C’est ce qu’explique Marwa Sobhi, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire. « Les développements récents des événements au Moyen-Orient et dans la mer Rouge ont imposé deux éléments essentiels à l’Egypte, afin de protéger ses intérêts stratégiques. Premièrement, la nécessité de soutenir un agenda de politique étrangère active. Deuxièmement, la mise en oeuvre d’un programme ambitieux de développement et de modernisation des capacités militaires », estime-t-elle.

Quelle est donc la vision de l’Egypte pour faire face aux défis sécuritaires dans la mer Rouge ? En effet, le passage maritime menant au Canal de Suez constitue une priorité absolue de la sécurité nationale égyptienne. C’est pourquoi l’Egypte favorise une coopération sécuritaire régionale, tant bilatérale que multilatérale, afin de faire face aux défis complexes de la région.

A partir de 2014, l’Egypte a entrepris un ambitieux programme de développement des capacités, de construction de nouvelles bases navales et d’acquisition de nouvelles plateformes. Objectif : accroître les capacités de dissuasion et doter sa flotte navale des moyens de fonctionner efficacement en dehors de ses eaux territoriales, dans une zone s’étendant virtuellement de l’ouest de la Méditerranée au détroit de Bab El-Mandeb au sud de la mer Rouge. Un exemple clair en est l’inauguration en janvier 2020 de la base navale Bérénice située en mer Rouge, qui a pour mission stratégique de sécuriser les côtes sud égyptiennes, de protéger les investissements économiques et les ressources naturelles et d’assurer la sécurité de la navigation mondiale dans la mer Rouge. « Cette installation, située à un point stratégique sur la côte de la mer Rouge, deviendra une base logistique et opérationnelle essentielle pour surveiller la sécurité des eaux de la mer Rouge », souligne Marwa Sobhi. Selon elle, l’absence d’un cadre institutionnel adéquat pour gérer les priorités sécuritaires communes constitue l’un des principaux défis de la région de la mer Rouge. L’un des arrangements collectifs les plus importants auxquels l’Egypte a participé est la création du Conseil des Etats riverains de la mer Rouge et du golfe d’Aden en 2020, dont le siège est en Arabie saoudite et qui regroupe l’Egypte, l’Arabie saoudite, la Jordanie, le Yémen, la Somalie, le Soudan, Djibouti et l’Erythrée. L’objectif de ce conseil est de renforcer la coopération entre les Etats membres en matière de sécurité, afin de réduire les risques et les menaces pesant sur la mer Rouge, de favoriser les investissements et de coordonner leurs positions politiques.

De même, en soutien aux mécanismes conjoints visant à renforcer la sécurité dans la région, l’Egypte a pris en 2022 la tête de la Force opérationnelle combinée 153, chargée de lutter contre la contrebande et les activités illicites dans le détroit de Bab El-Mandeb, le golfe d’Aden et la mer Rouge, dans le cadre de la participation active de l’Egypte à la Force navale combinée (CMF), avec de nombreux pays partenaires, notamment l’Arabie saoudite, la France et les Etats-Unis, afin d’améliorer le niveau d’entraînement et d’échanger des expériences.

Etablir un consensus régional

Les tensions actuelles en mer Rouge ont révélé le lien étroit entre les dynamiques politiques au Moyen-Orient et l’évolution des événements dans la Corne de l’Afrique, reliant ainsi les Etats riverains de la mer Rouge, à l’est et à l’ouest, par des intérêts et des menaces communs. C’est pourquoi l’Egypte a adopté une politique active envers les pays de la Corne de l’Afrique, notamment à travers des accords de coopération économique et militaire. De même, pour sécuriser la mer Rouge, l’Egypte s’est également attachée à établir un consensus régional sur la nécessité, pour les Etats riverains, d’élaborer de manière concertée des politiques globales intégrant les aspects économiques, sociaux et sécuritaires. Dans ce contexte, la visite historique du président Abdel Fattah Al-Sissi à Djibouti en mai 2021, une première pour un président égyptien depuis l’indépendance, a été l’occasion de renforcer le partenariat stratégique entre les deux pays. Les dirigeants ont convenu de renforcer la coopération dans la lutte contre le terrorisme et toutes les formes de criminalité organisée, ainsi que dans la sécurisation de la mer Rouge et du golfe d’Aden.

Par ailleurs, l’Egypte a signé des accords de coopération stratégique avec d’autres pays de la Corne de l’Afrique : la Somalie, le Kenya, l’Ouganda, le Burundi, le Soudan et plusieurs autres pays.

Poursuivre le développement du Canal de Suez

L’augmentation des tensions en mer Rouge, en raison des attaques lancées par les Houthis depuis novembre 2023, a profondément affecté le commerce maritime mondial. Le nombre de navires transitant par le canal a diminué de 50 %, passant de 26 400 navires en 2023 à 13 200 cette année, selon les derniers chiffres publiés par l’Autorité du Canal du Suez le 29 décembre dernier. « Il n’y a pas d’alternative durable au Canal de Suez … le choix des navires d’emprunter des routes alternatives au Canal de Suez a perturbé les chaînes d’approvisionnement et entraîné une augmentation des frais de transport et d’assurance », a souligné le président de l’Autorité du Canal de Suez (SCA), Osama Rabie, dans un communiqué publié sur le site de l’Autorité, en octobre dernier. Et d’ajouter : « Nous sommes en contact continu avec les organisations et les compagnies maritimes internationales pour discuter des répercussions de la crise et minimiser son impact sur le commerce mondial. Nous sommes tous d’accord qu’il n’y a pas d’alternative durable au canal à moyen ou à long terme, et qu’il restera le premier choix dès que la situation se stabilise ».

En effet, pour faire face aux répercussions imposées par les circonstances actuelles et pour diversifier ses sources de revenus, l’Autorité du Canal de Suez présente de nouveaux services comme le ravitaillement en carburant, le contrôle de la pollution et le nettoyage des navires des déchets solides et liquides. Le canal fournit aussi un service de sauvetage en mer et un service de maintenance et de réparation des navires.

Sur un autre volet, l’Egypte travaille toujours, malgré les défis, au développement de cette voie maritime. C’est en 2015 que le président Abdel Fattah Al-Sissi a officiellement inauguré le nouveau projet du Canal de Suez. Le 28 décembre 2024, l’Autorité du Canal de Suez a annoncé le succès d’un premier test de la nouvelle section élargie de 10 kilomètres portant le total du projet de modernisation et de doublement du canal à 82 km. Ce projet vise à améliorer « la sécurité de la navigation et réduira les effets des courants d’eau et d’air sur les navires de passage ». La nouvelle extension devrait également augmenter la capacité du canal de 6 à 8 navires supplémentaires par jour.

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