Mis à part le côté académique et universitaire qui consiste systématiquement à creuser dans l’Histoire et à découvrir les textes et la pensée qui ont fait ce moment de l’Histoire, la réponse vient dans l’argumentaire du colloque même, sur la littérature du voyage. Le XIXe siècle s’est ouvert aux récits des voyageurs égyptiens partis à la découverte de la France, dont l’incontestable ouvrage de Rifaa Al-Tahtawi, Takhliss Al-Ibriz Fi Talkhis Paris, traduit en français par Anouar Louca sous le titre de L’Or de Paris, un livre qui a pris la part de lion parmi tous les écrits des voyageurs qui l’ont succédé : ceux de Ali Moubarak, Amin Fikri, Mohamad Al-Muwaylihi, Moustapha Abdel-Razeq, Zaki Moubarak et autres.
Bien que ces écrits nous apportent un éclairage très vivant sur le climat intellectuel de la Renaissance arabe, comme l’affirme cette rencontre, « ils ont longtemps été négligés par la critique universitaire qui, à son insu, a laissé s’installer l’idée, surtout dans l’imaginaire européen, que, face à l’orientalisme conquérant et passionné par l’étude de l’Autre, il y avait un grand vide ou seulement quelques tentatives timides et sans écho ».
En se reposant sur le travail comparatiste et de l’histoire des civilisations, le débat s’ouvre sur les traces de l’esprit de la Nahda dans les récits de voyageurs égyptiens et arabes en France. De même que sur les voyageurs aux multiples objectifs, que ce soit à but religieux, touristique ou pédagogique, à l’instar de l’étude de Marwa Chahine, qui vise le voyage à la fois touristique et humoristique dans le récit de Baïram Al-Tonsy (Al-Sayed et son épouse à Paris), ou dans le sens opposé, comme l’étude de Rania Fathy sur l’Egypte théâtralisée dans la pièce Maalech de Jean Cocteau.
Ainsi, en exposant la dichotomie voyageurs européens en Egypte et voyageurs égyptiens en Europe, l’on ouvre la voie à de nouvelles interrogations, à de nouvelles méthodes qui dépassent cette opposition fétiche Orient/Occident et qui n’a pas été rénovée depuis les études post-coloniales. Mais on assiste aujourd’hui à un regain d’intérêt pour la problématique orientaliste. Car les nouvelles donnes qui ont secoué le monde arabe, et par conséquent le nouveau rapport avec l’Autre occidental, exigent une relecture de l’époque de la Nahda arabe, et l’assimilation, peut-être, de sa force motrice
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