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Yémen : La nouvelle guerre ?

Abir Taleb , Jeudi, 02 janvier 2025

L’incommensurable machine de guerre israélienne se poursuit sans relâche. Après Gaza et le Liban, Israël se tourne désormais vers les Houthis au Yémen. Objectif : mettre à mal l’Axe de la résistance.

Yémen : La nouvelle guerre ?
Israël a visé plusieurs cibles au Yémen, dont l’aéroport de Sanaa.

On s’attendait à ce que soit conclu un accord de cessez-le-feu à Gaza. Il n’en fut rien. Au contraire, Israël poursuit ses exactions à Gaza. Les espoirs d’une trêve nés la semaine dernière se sont évaporés après un nouveau blocage dans les discussions, et sur le terrain, l’armée israélienne a détruit cette semaine l’hôpital Kamal Adwan, au nord de la bande de Gaza, tuant une cinquantaine de personnes et rendant hors service ce dernier grand hôpital jusque-là opérationnel. Les autorités israéliennes ont aussi détenu des dizaines de membres du personnel médical, dont le directeur.

On s’attendait à ce que le calme revienne au Sud-Liban et que les forces israéliennes actent leur retrait total, un mois après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu. Il n’en fut rien. De l’aveu même de la Force intérimaire des Nations-Unies (Finul), la situation au Liban demeure instable et « préoccupante ». Et les violations de la trêve par Israël sont nombreuses et prennent différentes formes : raids, incursions terrestres et même destructions de maisons.

Et alors que la situation à Gaza reste enflammée et que celle au Liban reste précaire, Israël s’est lancé dans une nouvelle guerre, cette fois contre les Houthis au Yémen. Israël persiste et signe : après les coups portés au Hamas et au Hezbollah, il entend affaiblir le dernier maillon de l’Axe de la résistance avant de s’attaquer, peut-être, à l’Iran.

Attaques et contre-attaques

Cette semaine, toute l’attention s’est tournée vers le Yémen, où les tensions sont montées d’un cran, avec des attaques israéliennes touchant des cibles militaires houthies et des attaques menées par les Houthis contre des cibles israéliennes. Certes, depuis le début de la guerre contre Gaza, le 7 octobre 2023, les Houthis ont lancé de nombreuses attaques contre Israël, en « solidarité » avec les Palestiniens, et l’armée israélienne a mené de nombreuses frappes contre eux, mais ces confrontations prennent désormais de plus grandes proportions.

Les Houthis, des rebelles soutenus par l’Iran qui contrôlent des pans entiers du Yémen, un pays déchiré par la guerre, ont tiré des missiles et des drones sur Israël à plusieurs reprises ces derniers jours. Un haut responsable houthi a déclaré, vendredi 27 décembre à la BBC que les rebelles « intensifieraient leurs attaques militaires contre Israël » en soutien aux Palestiniens de Gaza, malgré les frappes aériennes israéliennes sur le pays. Et ce, au lendemain de l’annonce de l’armée israélienne que ses avions de combat avaient frappé des cibles houthies sur la côte ouest du Yémen et plus à l’intérieur des terres, notamment des centrales électriques, des ports du pays, et même l’aéroport international de Sanaa. Une attaque au cours de laquelle le chef de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, qui se trouvait à l’aéroport de Sanaa, a frôlé la mort. Il a dénoncé une attaque contre une « installation civile » qui « doit être protégée ». Le coordinateur des Nations-Unies pour l’aide humanitaire au Yémen, Julien Harneis, également présent à l’aéroport de Sanaa lors du raid, a lui aussi dénoncé des frappes contre un site « civil » et « absolument vital » pour l’acheminement de l’aide humanitaire dans ce pays en guerre civile depuis 2014.

De son côté, l’armée israélienne a déclaré qu’il s’agissait de « cibles militaires utilisées par le régime terroriste houthi pour faire entrer clandestinement des armes iraniennes dans la région ». Et le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a averti que son pays continuerait à frapper « jusqu’à ce que le travail soit fini ». « Nous sommes déterminés à couper cette branche terroriste de l’axe du mal iranien », a-t-il affirmé. Son ministre de la Défense, Israël Katz, a renchéri : « Nous allons traquer tous les dirigeants houthis, les frapper comme nous l’avons fait ailleurs. Personne ne pourra nous échapper ». Cette attaque « constitue une preuve tangible de ce que nous pouvons faire, mais nous sommes capables de faire beaucoup, beaucoup plus », a, de son côté, averti le général Tomer Bar, le commandant de l’armée de l’air.

Surenchère à haut risque

Une surenchère de menaces et d’avertissements qui prouve qu’Israël est bel et bien déterminé à frapper fort. Car pour l’Etat hébreu, la « liquidation » de l’Axe de la résistance passe aussi par le Yémen. C’est « la plus grande opération de frappes menée contre des cibles houthis depuis le début de la guerre », reconnaît le Jerusalem Post.

Selon de nombreux analystes, en effet, Israël, fort de ses « succès » contre le Hamas et le Hezbollah, se tourne désormais vers les Houthis, mais il s’agit d’un défi difficile : d’un côté, ils ne sont pas aux portes d’Israël, de l’autre, ils constituent un ennemi relativement nouveau. Dans son édition du vendredi 27 décembre, le Washington Post affirme que les forces houthies sont « plus avancées technologiquement que beaucoup ne l’imaginent, et leur statut ne doit pas être sous-estimé ». C’est ce qu’a dit Yoel Guzansky, ancien membre du Conseil national de sécurité israélien, qui a déclaré au Washington Post que « les Houthis veulent une guerre d’usure contre Israël ».

Internationalisation du conflit ?

C’est peut-être pour cette raison qu’Israël veut impliquer d’autres parties dans ce conflit. D’où l’appel lancé par le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, à l’ambassadrice des Etats-Unis auprès des Nations-Unies, actuellement présidente du Conseil de sécurité, pour lui demander d’organiser une réunion spéciale du Conseil de sécurité de l’ONU sur le sujet. « Il est temps que la communauté internationale prenne des mesures pour contrer l’agression des Houthis », a lancé le chef de la diplomatie israélienne. Et d’ajouter : « J’attends du Conseil de sécurité qu’il soutienne l’Etat d’Israël et condamne les attaques contre lui (...). Je ne me contente pas d’une simple condamnation — j’appelle le Conseil à faire respecter le droit international et à prendre des mesures claires pour tenir l’Iran responsable ».

Iran. Le mot a été lâché. Les responsables israéliens ne cachent pas leur volonté d’aller plus loin. Le directeur du Mossad, David Barnea, a appelé à des frappes contre « le protecteur des Houthis », le régime iranien. Cependant, d’après les informations de presse, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, hésite encore et se contente pour le moment d’ordonner des frappes directes sur les Houthis. Les Houthis qui, de leur côté, ont accusé les Etats-Unis et le Royaume-Uni d’avoir mené deux frappes aériennes cette semaine sur le nord du pays.

Or, quelque part, le conflit est déjà internationalisé. Depuis plus d’un an, les rebelles yéménites s’en prennent aussi aux navires qu’ils estiment liés à Israël, en mer Rouge et dans le golfe d’Aden. La dernière en date a eu lieu le 27 décembre, un navire Maersk a été touché par une attaque de drones revendiquée par les Houthis au large de Socotra, ravivant les craintes pour la sécurité maritime en mer Rouge. Un trafic déjà perturbé : selon la chaîne Al-Arabiya, les ports de Hodeida, Salif et Ras Issa, sous contrôle houthi, sont hors service depuis les frappes israéliennes du 18 décembre. Les navires y sont bloqués, coupant une ligne vitale pour le régime. Ces installations portuaires, qui incluent des installations de stockage de carburant cruciales pour les Houthis, ont été à nouveau ciblées cette semaine dernière par l’armée israélienne alors qu’une précédente frappe sur le port de Hodeida en juillet aurait déjà coûté plus de 300 millions de dollars au groupe soutenu.

Mais ce qui inquiète le plus, ce n’est pas la fermeture des ports contrôlés par les Houthis, mais plutôt le trafic dans cette zone maritime stratégique pour le commerce mondial. Dès décembre 2023, et avec la montée des tensions, les Etats-Unis ont mis en place une coalition anti-Houthis qui frappe des cibles rebelles au Yémen. L’affaire est loin d’être close.

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