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Syrie : Nouveau pouvoir, nouvelles priorités

Abir Taleb , Mercredi, 01 janvier 2025

En attendant début mars, date à laquelle les différentes factions syriennes doivent organiser un dialogue pour déterminer l’avenir du pays et mettre en place une transition, les nouvelles autorités posent les premières pierres de la future Syrie.

Syrie : Nouveau pouvoir, nouvelles priorités

C’est une interview qui porte de nombreux messages, celle qu’a accordée le nouvel homme fort de la Syrie, Ahmed Al-Chareh, dimanche 29 décembre, à la chaîne Al-Arabiya. Des messages destinés à l’intérieur et à l’étranger. Depuis leur arrivée au pouvoir, les nouvelles autorités tentent de rassurer la communauté internationale, leurs voisins et les anciens alliés de la Syrie. Ainsi, Ahmed Al-Chareh s’est notamment adressé à l’Iran voisin et à la Russie. « La Syrie ne peut pas continuer sans des relations avec un grand pays au poids régional comme l’Iran, mais il faut que celles-ci se fassent sur la base du respect de la souveraineté des deux pays et sans ingérences », a-t-il estimé. « La Russie est un pays important », a-t-il dit, parlant d’intérêts « stratégiques profonds ». « Nous ne voulons pas que la Russie quitte la Syrie de la manière dont certains le souhaiteraient », a-t-il lancé. Al-Chareh a en outre déclaré s’attendre à ce que l’Arabie saoudite joue un « rôle très important » en Syrie, où elle pourrait tirer parti de « grandes opportunités d’investissement ». Le nouvel homme fort de Damas n’a pas non plus manqué de rassurer, indirectement, Israël : « L’intervention en Syrie d’Israël et les frappes aériennes étaient justifiées par la présence iranienne en Syrie. Mais aujourd’hui, c’est du passé, car nous avons réussi à chasser l’Iran et le Hezbollah de Syrie ».

S’adressant à la communauté internationale dont une grande partie avait mis au ban Bachar Al-Assad, Ahmed Al-Chareh a également demandé une levée des sanctions internationales, désormais injustifiées après le départ d’Assad, d’après lui. Dans ce cadre, Al-Chareh a exhorté le prochain président des Etats-Unis, Donald Trump, à ne pas suivre la politique de l’administration sortante. Il a appelé à soutenir les Syriens dans la reconstruction de leur pays, notamment en levant les sanctions.

Vers une longue transition

Pour ce qui est des messages à l’interne, le ton a été un point moins exhaustif. « Ce qui m’importe, c’est que le peuple syrien me croit. Nous avons promis au peuple de le libérer de ce régime criminel et nous l’avons fait. Quant aux détails concernant les droits et les libertés, ils doivent être inscrits dans la Constitution et non être l’avis personnel de quelqu’un », a-t-il dit, se contentant de soulever l’importance que la future constitution garantisse une gouvernance démocratique et éviter les crises politiques. La rédaction de cette constitution nécessite la participation de toutes les factions politiques et des acteurs locaux, y compris les groupes qui étaient autrefois en conflit. Ce processus de consultation sera au coeur du sommet de dialogue national prévu pour mars. Ce sommet réunira les principales factions syriennes pour définir l’avenir politique du pays. Les discussions porteront sur la formation d’un gouvernement de transition, la répartition des pouvoirs et les étapes nécessaires pour organiser des élections.

Mais au sujet des détails, Al-Chareh n’a pas dévoilé grand-chose à part que le processus d’organisation des élections pourrait prendre 4 ans et que l’élaboration d’une nouvelle constitution pour la Syrie pourrait prendre 3 ans.

Car en attendant, les nouvelles autorités ont d’autres chats à fouetter. Pour le moment, les nouvelles autorités syriennes s’attèlent à consolider leur pouvoir, à recoller les morceaux, à garder le pays uni tout en marquant une rupture totale avec l’ancien régime. Les premiers pas entrepris dans ce sens sont la nomination de fidèles dans les postes clés et la dissolution des groupes armés. Ainsi, les nouvelles autorités ont publié, dimanche 29 décembre, un décret sur le compte Telegram d’Al-Chareh comprenant une liste de 49 noms, tous des proches de ce dernier, promus au sein de la future armée syrienne. Des promotions qui interviennent « dans le cadre du développement et de la modernisation de l’armée […], afin de garantir la sécurité et la stabilité », explique le décret.

Dans le même temps, le nouveau chef des services de renseignement syriens, Anas Khattab, a annoncé, samedi 28 décembre, un plan visant à « restructurer » l’institution tant redoutée sous le règne de Bachar Al-Assad, qui passe par la « dissolution » de l’ensemble de ses branches.

Quelques jours auparavant, les nouvelles autorités avaient dévoilé un accord avec « tous les groupes armés » pour leur dissolution et leur « intégration sous la tutelle du ministère de la Défense », dont le groupe Hayat Tahrir Al-Sham (HTS), qu’Al-Chareh dirige lui-même. L’annonce de la dissolution de HTS représente une rupture majeure avec le passé. En effet, avec cette annonce, Al-Chareh fait d’une pierre plusieurs coups : il cherche à légitimer son rôle de dirigeant, à rassurer les factions opposées et la communauté internationale et à tourner la page sur le passé violent du groupe.

Pour autant, rien ne garantit que la période transitoire se passe dans de bonnes conditions. D’ores et déjà, les nouvelles autorités traquent les fidèles du régime déchu. Elles ont lancé cette semaine une vaste opération contre les « milices » de l’ancien pouvoir. Une traque qui, selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH), a conduit à l’arrestation de 300 personnes à Damas et dans sa banlieue, dans les régions de Homs, Hama, Tartous, Lattaquié et Deir ez-Zor. Parmi les personnes arrêtées figurent notamment un général qui dirigeait la justice militaire sous l’ancien régime dans l’ouest du pays. Dans cette traque, des accrochages ont eu lieu à Damas et dans plusieurs autres villes. Il s’agit des troubles les plus violents depuis la chute du régime de Bachar Al-Assad.

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