Dépenses militaires : Une augmentation constante
Un record historique. En 2023, les dépenses militaires mondiales ont atteint un niveau sans précédent : 2 443 milliards de dollars, soit une augmentation de 6,8 % en un an, selon le dernier rapport publié en avril 2024 par l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI). Cette somme représente 2,3 % du produit intérieur brut mondial. Une tendance qui s’est poursuivie en 2024 et qui devrait encore se poursuivre en 2025, selon les experts.
Pour la première fois depuis 2009, les dépenses militaires ont augmenté dans les cinq zones géographiques définies par le SIPRI, avec des augmentations particulièrement importantes enregistrées en Europe, en Asie, en Océanie et au Moyen- Orient. Les Etats-Unis, la Chine, la Russie, l’Inde et l’Arabie saoudite, ces cinq pays représentent 61 % des dépenses militaires mondiales pour l’année 2023.
Les raisons de cette augmentation sont le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne en 2022, la guerre à Gaza, ainsi que les tensions croissantes en mer de Chine méridionale. « Les Etats donnent la priorité à la force militaire, ce qui risque d’alimenter la spirale action-réaction dans un contexte géopolitique et sécuritaire de plus en plus instable », prévient Nan Tian, chercheur principal du programme dépenses militaires et production d’armement du SIPRI.
Les Etats-Unis sont en tête du classement des pays ayant dépensé le plus d’argent dans le domaine militaire en 2023, avec 916 milliards de dollars, soit une augmentation de 2,3 %. En ce qui concerne la Chine, 2e plus grand dépensier, elle a alloué environ 296 milliards de dollars à ses dépenses militaires en 2023. Cette hausse a poussé les voisins de la Chine tels que le Japon et Taïwan à augmenter leurs propres dépenses militaires. Les dépenses de la Russie ont augmenté aussi de 24 % pour atteindre un montant estimé à 109 milliards de dollars en 2023, soit une augmentation de 57 % depuis 2014, année de l’annexion de la Crimée par Moscou. La guerre à l’Ukraine a poussé ce pays à augmenter ses dépenses militaires, devenant le 8e plus grand dépensier en 2023.
Par ailleurs, l’OTAN a augmenté les dépenses militaires de ses 31 membres qui s’élèvent à 1 341 milliards de dollars, soit 55 % des dépenses militaires mondiales. En ce qui concerne le Moyen-Orient, les dépenses militaires ont augmenté de 9 % pour atteindre 200 milliards de dollars en 2023. Il s’agit de la plus forte augmentation annuelle jamais enregistrée dans la région au cours des dix dernières années. Les dépenses militaires d’Israël ont augmenté de 24 % pour atteindre 27,5 milliards de dollars en 2023. De son côté, l’Iran, le 4e plus grand dépensier militaire au Moyen-Orient, a dépensé 10,3 milliards de dollars en 2023
Dissuasion militaire : Le grand retour
Les tensions géopolitiques ont poussé plusieurs pays à maintenir une force de dissuasion nucléaire, comme un moyen de prévenir les conflits à grande échelle. La course aux armements nucléaires est en cours, les dépenses se sont envolées de 30 % depuis 2017, selon un rapport de la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN). Les neuf Etats dotés de l’arme nucléaire — Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine, Inde, Pakistan, Corée du Nord et Israël — ont tous modernisé leurs arsenaux nucléaires et plusieurs d’entre eux ont déployé de nouveaux systèmes d’armes en 2024. Selon les experts, depuis la Guerre froide, les armes nucléaires n’ont jamais joué de rôle aussi important dans les relations internationales. Le nombre d’ogives nucléaires opérationnelles dans le monde ne cesse d’augmenter.
Sur le total de l’inventaire mondial, soit 12 121 ogives nucléaires, environ 9 585 sont potentiellement utilisables et 2 100 sont en « alerte opérationnelle élevée ». Près de 3 904 d’entre elles ont été déployées avec des missiles et des avions.
La Russie et les Etats-Unis possèdent, à eux seuls, près de 90 % des armes nucléaires mondiales. Alors que la Chine disposerait également, pour la première fois, d’ogives en état d’alerte opérationnelle élevée. En effet, les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki en 1945 ont brutalement révélé au monde la puissance destructrice des armes nucléaires.
Depuis, les progrès technologiques ont permis de miniaturiser ces armes. Et après plusieurs essais nucléaires, le monde a pu créer les ogives ou l’arme nucléaire tactique. C’est une arme destinée à être utilisée directement sur le champ de bataille. Certains pays ont choisi d’équiper leurs missiles balistiques intercontinentaux (ICBM), capables d’atteindre n’importe quel point du globe, d’ogives de plus en plus sophistiquées. Cette course aux armements a stimulé le développement de missiles hypersoniques capables de voler à une vitesse 5 fois plus élevée que celle du son. La Russie, qui agite régulièrement la menace du recours à l’arme nucléaire dans le cadre de la guerre contre l’Ukraine, a tiré le 21 novembre un missile hypersonique, baptisé « Orechnik », ou « Noisetier » en russe, contre une usine d’armement ukrainien. « Les systèmes de défense aérienne actuellement disponibles dans le monde et les systèmes de défense antimissile créés par les Américains en Europe n’interceptent pas ces missiles. Ceci est exclu », a déclaré le président russe, Vladimir Poutine.
Fin décembre 2023, l’armée sud-coréenne a détecté le lancement d’un missile balistique à longue portée capable d’atteindre le territoire américain. L’Iran a développé des missiles balistiques capables d’atteindre Israël en douze minutes. Parmi les missiles de l’Iran, le « Sejil », qui serait capable de voler à plus de 17 000 kilomètres par heure, avec une portée de 2 500 kilomètres, le « Kheibar », avec une portée de 2 000 kilomètres, et le « Haj Qasem », avec une portée de 1 400 kilomètres.
Armes intelligentes : Une concurrence à haut niveau
L’emploi des technologies d’intelligence artificielle dans des conflits armés, tels que la guerre russoukrainienne et la guerre israélienne à Gaza, a suscité de nombreuses interrogations sur la nature de leur usage, leur rôle dans la sécurité mondiale et la prolongation des conflits.
En effet, l’année 2025 sera marquée par une concurrence acharnée entre les grandes entreprises technologiques dans le domaine de l’intelligence artificielle telles que Google, Microsoft, Apple, Meta, Amazon, Alphabet. Cette concurrence s’explique par la taille du marché mondial de l’IA qui a atteint un chiffre de 109,37 milliards de dollars et qui peut enregistrer un Taux de Croissance Annuelle Composé (TCAC) de 36,5 % entre 2025 et 2030.
Ainsi, l’IA est devenue un enjeu central des relations internationales, reconfigurant les équilibres de pouvoir. Les Etats-Unis l’ont intégrée dans leurs systèmes de défense pour profiter de sa capacité d’analyser une grande quantité de données, à identifier les tendances et à prédire les résultats. Elle est aussi intégrée aux systèmes d’armes autonomes, à la cybersécurité et au processus de prise de décision. Ce qui fait d’elle un outil précieux dans les applications militaires.
Par ailleurs, le développement de l’IA aux Etats-Unis a attisé la rivalité de ses concurrents mondiaux dont chacun cherche à développer cette technologie pour servir ses intérêts. La Chine a effectivement réussi à créer des soldats robotisés dotés par l’IA. Il s’agit de Chabots et d’assistants virtuels alimentés par l’IA pour dialoguer avec les gouvernements, entreprises et citoyens étrangers. Tandis que la Russie intègre l’IA dans les systèmes autonomes, l’analyse du renseignement et la cyberguerre. En fait, de plus en plus de pays déclarent le lancement de leur laboratoire d’IA pour assurer leur sécurité nationale et maintenir leur statut de force régionale.
C’est ainsi qu’en octobre 2024, SADIA, l’Agence saoudienne pour l’IA, a lancé son modèle d’IA en langue arabe. En novembre 2023, Abu-Dhabi a lancé AI 71, son entreprise publique d’IA qui crée Falcon, son propre modèle de langage (LLM). Tandis que Krutrim, une start-up indienne, révélait elle aussi son premier LLM multilingue d’Inde.
La course aux armements de l’IA pourrait également creuser le fossé technologique. Car les pays les moins développés seront exclus de toute prise de décisions-clés. De même, la dépendance quasi entière vis-à-vis de l’IA met en cause la question de la gouvernance mondiale qui doit répondre aux défis éthiques et stratégiques posés par l’usage de l’IA. Mais les intérêts divergents des grandes puissances entravent la mise en place des réglementations qui empêchent leur utilisation abusive dans les conflits géopolitique.
Militarisation de l’espace : Vers une guerre des étoiles ?
Il semble que la concurrence entre les grandes puissances puisse s’étendre à l’espace extra-atmosphérique, qui devient un enjeu majeur pour affirmer la suprématie des puissances terrestres.
En effet, les conflits géopolitiques mondiaux actuels poussent les grandes puissances et celles émergentes à développer leurs capacités militaires spatiales dans le cadre de leurs stratégies de renforcement des capacités de dissuasion militaire.
Cette tendance s’est notamment développée avec l’évolution de la technologie satellitaire et des lanceurs spatiaux, augmentant ainsi la probabilité de mener des opérations militaires avancées dans l’espace, telles que la destruction ou le brouillage des satellites de communication vitaux des adversaires. Dans son rapport annuel concernant l’évaluation des menaces spatiales en 2024, le Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS) a souligné que les défis encourus par la militarisation de l’Espace extraatmosphérique ne cessent d’augmenter.
D’après le rapport, les Etats-Unis ont introduit le 22 juillet 2024 un système de brouillage destiné à perturber les communications des satellites ennemis lors des conflits. Connu sous le nom « Remote Modular », ce dispositif est conçu pour empêcher les satellites chinois ou russes d’envoyer des informations sur les forces américaines lors des conflits. 11 des 24 dispositifs seront déployés d’ici début 2025. La Chine, quant à elle, s’appuie sur une gamme croissante de capacités spatiales et antispatiales pour soutenir ses objectifs nationaux. En 2023, ce pays a réussi à mettre en orbite avec succès plus de 200 satellites qu’elle compte utiliser comme une extension de son initiative « La Ceinture et la Route », ainsi que pour renforcer ses relations économiques et diplomatiques avec les autres pays. De son côté, la Russie a développé en 2024 des armes antisatellites potentiellement équipées d’ogives nucléaires, ce qui, selon les Etats-Unis, constituerait une violation du traité de l’espace de 1967.
Par ailleurs, la Chine oeuvre avec la Russie pour créer une alliance internationale axée sur les missions lunaires. Ce programme est en concurrence directe avec le programme « Artemis » dirigé par les Etats-Unis. En plus, l’alliance sino-russe cherche également à établir une coopération stratégique dans le domaine spatial avec des pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. Ce qui augmente le nombre des pays qui utilisent l’espace à des fins militaires.
D’ailleurs, l’Iran a lancé avec succès une capsule biologique en 2024 en confirmant son ambition de se doter d’une capacité nationale de vols spatiaux habités. Selon les experts, les risques d’un réarmement des satellites dans le contexte actuel sont fondamentalement différents du contexte concernant la concurrence de monopolisation de cette technologie pendant la guerre froide entre les Etats-Unis et l’ex-Union soviétique.
Le stade actuel de l’escalade est beaucoup plus dangereux, puisqu’il s’inscrit dans le contexte d’un façonnement d’un nouveau monde qui évolue vers la multipolarité. Cette nouvelle configuration géopolitique rend de nombreuses menaces spatiales difficiles sinon impossibles à surveiller et à suivre ouvertement.
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