123 millions. C’est le nombre de personnes déplacées enregistré fin 2024. L’Agence des Nations-Unies pour les Réfugiés (HCR) tire la sonnette d’alarme, d’autant plus que ce chiffre pourrait s’élever à 139 millions en 2025 en raison de « l’escalade des conflits, des catastrophes naturelles et des crises en cours », selon le HCR. Un chiffre alarmant qui a plus que doublé en dix ans, puisqu’en 2014, on comptait quelque 60 millions de déplacés.
Les déplacements massifs de 2024 ont été motivés par plusieurs raisons. Les terribles combats au Soudan, qui ont débuté en avril 2023, ont provoqué le déplacement de plus de 12 millions de personnes, soit plus d’un quart de la population. La plupart n’ont pas pu quitter le pays. « Le problème des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDI) est qu’ils restent sous le joug des mêmes conflits, des mêmes régimes. La situation au Soudan est catastrophique car la capacité d’assimilation dans les gouvernorats où les combats sont moins violents diminue considérablement », explique Ayman Zohry, expert en études démographiques et migratoires.
Avec 1,9 million de nouveaux déplacés internes signalés depuis le début de l’année 2024 à travers le monde, l’Afrique compte plus de 48 % des Personnes Déplacées en Interne (PDI) dans le monde. En Afrique, le nombre de personnes déplacées de force par les conflits dépasse les 45 millions de personnes. Les trois quarts de ces personnes, 34,5 millions, sont déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Ce qui représente un quasi-triplement du nombre de personnes déplacées à l’intérieur de l’Afrique depuis 2017.
Au Moyen-Orient, la guerre barbare que mène Israël contre les pays de la région génère un nombre croissant de réfugiés, en particulier à Gaza et au Liban. 90 % des Palestiniens de Gaza ont été déplacés, certains plus de dix fois, sans oublier que 70 % de la population de Gaza était déjà réfugiée avant octobre 2023. La situation est similaire en Cisjordanie.
Quant au Liban, les bombardements et l’invasion israéliens ont entraîné le déplacement interne de quelque 900 000 personnes avant qu’un accord de cessez-le-feu ne soit conclu le mois dernier. Il s’agit d’un pays où un quart de la population était déjà réfugié avant la récente guerre.
La problématique du retour des Syriens
La question des réfugiés syriens est un dilemme qui perdure. Avec la chute du régime syrien début décembre, le retour des réfugiés syriens au pays soulève de nombreuses questions. Selon le HCR, il existe actuellement 6,2 millions de réfugiés syriens, soit près d’un tiers de la population syrienne. Les trois quarts sont dans les pays voisins notamment en Turquie. Alors que ce pays a annoncé, vendredi 27 décembre, que 30 000 Syriens sont rentrés, l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) appelle à la prudence. L’OIM a déclaré que le retour d’un grand nombre de Syriens déplacés dans leurs foyers exercerait une pression sur le pays et pourrait affecter le fragile processus de paix qui s’y déroule.
Selon la directrice du HCR pour le Moyen- Orient et l’Afrique du Nord, Rima Jamous Imseis, près d’un million de réfugiés syriens devraient retourner dans leur pays au cours des six premiers mois de l’année 2025. Cependant, elle a appelé les pays qui les accueillent à ne pas les renvoyer de force. « Le retour des Syriens doit être purement volontaire. Les obliger à quitter les pays hôtes est une violation à la loi internationale et aux droits de l’homme », précise Zohry.
Loin du Moyen-Orient, une autre crise, et pas des moindres, continue : celle du déplacement forcé des musulmans de Myanmar vers la Chine et le Bangladesh. « C’est un grand problème qui s’aggrave car la capacité d’assimilation des pays hôtes continue à diminuer, surtout le Bangladesh, qui est ravagé par les inondations », explique Ayman Zohry. L’expert évoque aussi la problématique des réfugiés climatiques. « Malheureusement, ces personnes, qui ont été contraintes de quitter leurs foyers à cause des ravages que l’homme a causés à la nature ne sont pas considérées par les institutions internationales comme des réfugiés et ne bénéficient pas de la même protection », déplore Zohry. En effet, la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés n’offre une protection qu’aux personnes fuyant la guerre, la violence, les conflits ou les persécutions et qui ont franchi une frontière internationale pour trouver la sécurité. Pourtant, les chiffres sont inquiétants. Selon le HCR, près de 26 millions de personnes sont déplacées par an à cause d’événements météorologiques extrêmes, dont trois quarts sont liés aux changements climatiques, et l’ONU estime à 280 millions le nombre de « réfugiés climatiques » en 2050. En Afrique, le nombre de fois où les gens ont été contraints de fuir des catastrophes a été multiplié par six entre 2009 et 2024, passant de 1,1 million de déplacements par an à 6,3 millions.
Lien court: