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Sécurité alimentaire : Le plan intégral de l’Egypte

Chaïmaa Abdel-Hamid , Mercredi, 01 janvier 2025

Etroitement liée aux conflits régionaux et au changement climatique, la sécurité alimentaire se pose comme l’un des défis majeurs en ce début de 2025. Etat des lieux.

Sécurité alimentaire : Le plan intégral de l’Egypte

Alors que les menaces à la sécurité alimentaire se multiplient avec le changement climatique, la croissance démographique et la hausse des prix des denrées alimentaires, l’Egypte a pris des mesures globales pour réaliser sa sécurité alimentaire en lançant des projets nationaux visant à accroître la productivité agricole et la culture de nouveaux terrains.

L’Etat a mis en oeuvre de nombreux projets pour soutenir l’agriculture, développer l’agriculture durable, lutter contre la désertification et minimiser les effets du changement climatique.

Lors de sa participation en novembre dernier au Sommet mondial de l’alimentation aux Emirats arabes unis, le ministre de l’Agriculture, Alaa Farouk, est revenu sur les défis auxquels l’Egypte est confrontée, à savoir la limitation des terres, la pénurie d’eau et l’explosion démographique. Il a exposé le plan intégral mis en place par le gouvernement, basé sur l’expansion agricole verticale, en augmentant la productivité des terres, en développant des variétés de cultures stratégiques à haut rendement et résistantes aux changements climatiques et en mettant en place une expansion agricole horizontale qui consiste à cultiver de nouveaux terrains.

Augmenter la superficie des terres agricoles

Grâce à ce plan intégral, l’Egypte a réussi à augmenter la superficie des terrains agricoles, cultivant dans le désert plus de 2 millions de feddans qui ont commencé à être productifs. Cette expansion horizontale a nécessité plusieurs méga projets dont les plus importants sont le projet Avenir de l’Egypte dans le nouveau Delta, d’une superficie de 2,2 millions de feddans, le projet du nord et du centre du Sinaï, d’une superficie de 456 000 feddans, et le projet Sanabel Sono à Assouan d’une superficie de 650 000 feddans.

A ces projets s’ajoutent également le nouveau projet de développement rural égyptien, d’une superficie de 1,5 million de feddans et le projet de Tochka, d’une superficie de 1,1 million de feddans, en plus de plusieurs projets du secteur privé dans la nouvelle vallée, à l’est d’Al-Oweïnat et à Tochka.

« Les zones qui ont été rattachées à la superficie agricole relèvent d’une grande importance », explique le professeur d’économie agricole Gamal Séyam, ajoutant que l’Etat veut profiter des terrains qui sont proches des sources d’eaux souterraines et des stations de traitement des eaux. Ce plan, explique-t-il, « a un double intérêt, le premier est de créer de nouvelles zones cultivables pour répondre aux besoins internes du pays et augmenter sa productivité, et le second est de trouver des ressources en eau dont dépendront ces nouvelles zones ».

L’Etat a également mis en place des projets nationaux de pisciculture, de dessalement et de rationalisation de l’eau de l’irrigation. Il a également porté une attention particulière au développement du bétail et de la volaille, et à l’amélioration des races, tout en incitant le secteur privé à investir dans des projets agricoles, en particulier dans la transformation des produits agricoles et le recyclage des déchets agricoles.

Sources d’eau, le grand défi

Si la sécurité alimentaire représente aujourd’hui le grand souci de l’Egypte, elle ne peut pas être détachée de la problématique de l’eau. Le gouvernement a dépensé des milliards de livres pour construire des stations de traitement des eaux usées afin d’économiser l’eau de l’irrigation. « Il est impératif d’assurer la disponibilité des ressources en eau, surtout avec les changements climatiques, c’est une priorité pour assurer la sécurité alimentaire », explique Séyam.

L’Etat a également réalisé des projets en ce qui a trait à la culture du blé qui est la principale denrée permettant d’assurer la sécurité alimentaire de l’Egypte. Le ministre de l’Agriculture a déclaré : « Nous avons pu obtenir un rendement moyen d’environ 23 ardabs (150 kg) par feddan ». Il a ajouté que la superficie cultivée en blé cette année a atteint 3,1 millions de feddans, soulignant que le ministère vise une productivité de 28 ardabs par feddan dans les années à venir, grâce au recours à différentes variétés de blé, notamment celles résistantes à la salinité du sol, qui augmente la productivité de 20 %.

A rappeler que l’Egypte est l’un des plus grands importateurs de blé au monde. En 2023, les importations égyptiennes de blé ont augmenté de 14,5 %, pour s’élever à 11 millions de tonnes, contre 9,6 millions de tonnes en 2022, d’après le vice-ministre de l’Approvisionnement et du Commerce intérieur, Ibrahim Ashmawy.

La Russie et l’Ukraine sont les deux plus grands exportateurs de blé vers l’Egypte, qui importait 85 % de ses besoins en blé de ces deux pays réunis avant 2022.

Développer l’agriculture

De son côté, le professeur d’agronomie à l’Université du Caire Abdel-Aleem Metwally explique que le déficit alimentaire résultant de la différence entre la production et la consommation locales est l’un des défis les plus importants auxquels l’Egypte est confrontée. Pour y remédier, le gouvernement égyptien s’est concentré sur le développement de l’agriculture traditionnelle en utilisant les technologies modernes pour améliorer la productivité agricole, ainsi que sur l’introduction de nouvelles variétés de cultures hautement productives et résistantes aux conditions climatiques difficiles. Le gouvernement tente aussi de rationaliser la consommation de l’eau en adoptant des systèmes d’irrigation modernes tels que l’irrigation au goutte-à-goutte et l’irrigation par aspersion.

Il poursuit : « L’Etat soutient également les cultures stratégiques en étendant les cultures-clés telles que le blé, le maïs et le riz afin de garantir l’autosuffisance, tout en apportant un soutien financier et technique aux agriculteurs afin d’augmenter la production des cultures de base ».

 L’expert ajoute que l’Etat a créé des centres de recherche pour étudier les moyens d’améliorer la productivité des terres et de développer des variétés agricoles adaptées aux conditions environnementales en Egypte.

Une complémentarité mondiale

Pour Gamal Séyam, l’objectif le plus important de l’augmentation de la superficie des terres agricoles est de parvenir à l’autosuffisance en denrées stratégiques, qui sont la pierre angulaire de la sécurité alimentaire en Egypte, et de réaliser un excédent pour l’exportation à l’étranger. Il souligne que les projets agricoles ont permis de réaliser une percée majeure dans les exportations alimentaires égyptiennes, ce qui soutient principalement la croissance économique.

En effet, l’expansion de la superficie agricole a permis d’augmenter la production agricole, d’améliorer les taux d’autosuffisance de certaines cultures stratégiques et d’avoir un excédent de production en fruits et légumes et en plantes médicinales et aromatiques pour l’exportation, ce qui accroît, selon les experts, la compétitivité de la production agricole égyptienne. Au cours des trois derniers mois, l’Egypte a réussi à ouvrir de nouveaux marchés internationaux vers lesquels sont exportés plus de 405 produits agricoles, ce qui a entraîné des progrès significatifs dans le domaine des exportations alimentaires.

L’économiste poursuit : « L’agriculture est une activité-clé de l’économie nationale, elle représente 15 % du PIB, 25 % de la main-d’oeuvre et 20 % des exportations. Cette année, les exportations agricoles ont dépassé les 7 millions de tonnes, d’une valeur totale de 4 milliards de dollars ».

Ces résultats expliquent l’appel du président Abdel Fattah Al-Sissi au sein du groupe des BRICS pour que l’Egypte devienne un entrepôt de céréales. « Cet appel reflète une vision stratégique qui consiste à renforcer le rôle de l’Egypte dans la sécurité alimentaire mondiale, en tirant parti de sa situation géographique privilégiée et de ses ressources agricoles », explique Séyam. Et d’ajouter que l’adhésion au groupe des BRICS ouvrira de nouveaux horizons de coopération économique et commerciale, ce qui permettra de réaliser le développement durable et d’améliorer la compétitivité de l’Egypte sur les marchés mondiaux.

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