Chaque début d’année donne lieu à des spéculations, des prédictions et des prévisions sur les tendances stratégiques qui devraient prévaloir dans l’ordre mondial et les interactions internationales et régionales.
Ces prédictions ne sont pas déconnectées de ce qui s’est passé auparavant. Les changements stratégiques sont cumulatifs, c’est-à-dire que les événements de 2025 représenteront en partie une extension des politiques internationales et régionales de 2024. Toutefois, 2025 commence par l’arrivée d’une nouvelle Administration américaine dirigée par un président qui a ses propres caractéristiques, notamment son mode de pensée axé sur les « deals », puisqu’il a tendance à régler les conflits par le biais de la logique des accords, et qu’il est particulièrement enclin aux « grands deals ». La formule du « Deal du siècle » est l’expression de ce mode de pensée. Il se caractérise également par un pragmatisme extrême. Ces deux traits signifient qu’il est entièrement disposé à adopter des orientations non conventionnelles, à réviser les politiques existantes et à adopter des orientations diamétralement opposées aux politiques existantes. Par exemple, sa décision de normaliser les relations avec le régime de Pyongyang en juin 2018, après une période de tensions entre les deux pays qui menaçait de s’engager dans une voie militaire. Il a également accéléré les négociations directes avec les talibans afghans, qui ont abouti à la signature de l’accord de février 2020 ouvrant la voie à un retrait complet des Etats-Unis d’Afghanistan et au retour au pouvoir du régime taliban après deux décennies de guerre.
Trump est préoccupé par deux questions fondamentales qui constitueront une boussole importante dans la détermination des priorités des Etats-Unis et de leurs relations avec diverses régions. Sa première priorité est de restaurer la gloire de la nation américaine. Le fait qui explique pourquoi il a adopté le slogan « America First » (l’Amérique d’abord) lors du précédent mandat présidentiel, puis « Make America Great Again » (rendre à l’Amérique sa grandeur) lors de sa récente campagne électorale. Ces slogans ne signifient pas que Trump adopte une approche isolationniste ou repliée sur elle-même, mais plutôt qu’il utilise les politiques internationales et l’ordre mondial d’une manière qui garantisse la réalisation de cet objectif. La deuxième question, qui est liée à la première : Trump porte un intérêt particulier à la concurrence pour occuper le sommet de l’ordre mondial. Cela explique la raison pour laquelle il avait tenté, au cours de son premier mandat, de ralentir la montée en puissance de la Chine par le biais d’un certain nombre de politiques, notamment le lancement du théâtre indo-pacifique, l’approfondissement des alliances traditionnelles en Asie, le lancement d’une nouvelle vague d’alliances de sécurité dans la région, puis le lancement de la guerre tarifaire contre la Chine en 2018.
2024 : Un tournant décisif pour le Moyen-Orient
Au niveau régional, il ne fait aucun doute que le Moyen-Orient occupera la place la plus importante dans les interactions internationales en 2025, en raison de considérations liées à la nature des mutations survenues dans la région au cours de 2024, avec en toile de fond les événements du 7 octobre 2023, suivis de l’agression israélienne généralisée et systématique contre la bande de Gaza et de l’ouverture de plusieurs autres fronts, notamment les fronts israélo-libanais et israélo-yéménite, puis l’effondrement du régime d’Al-Assad qui a ouvert la voie à des mutations plus vastes dans la région. La guerre russo-ukrainienne et la question de Taïwan resteront également importantes en 2025.
En partant de ces données, nous pouvons dégager un certain nombre de tendances. Au niveau international, l’Administration Trump devrait se concentrer sur le conflit avec la Chine et adopter des politiques visant à affirmer l’hégémonie des Etats-Unis, ainsi qu’à trancher la compétition pour le sommet de l’ordre mondial. Cela ne passera pas nécessairement par des confrontations militaires, mais inclura certainement des mesures plus claires visant d’une part à élargir les alliances existantes en y incluant de nouveaux pays et, d’autre part, à les approfondir en révisant leurs domaines vitaux pour faire face plus clairement à la Chine. De nouvelles mesures devraient également être prises pour « politiser » le conflit dans le domaine de l’acquisition et de la gestion des technologies, ainsi que pour se concentrer sur des projets technologiques susceptibles d’avoir un impact tangible sur l’équilibre des forces et les chances de trancher la compétition mondiale. Cela devrait inclure l’accélération de la course à l’armement en accélérant le développement des armes. Cela ne signifie pas pour autant que les autres dossiers internationaux seront négligés, surtout la guerre russo-ukrainienne ou les relations avec l’OTAN et l’Union européenne, mais il est fort probable que ces dossiers soient traités sous des angles spécifiques. Il s’agit ainsi de confirmer la capacité des Etats-Unis à résoudre certaines crises et guerres et de mettre ces dossiers au service du dossier principal (la Chine). Il s’agirait par exemple de travailler à éloigner la Russie du « partenaire chinois » en corrigeant les relations américano-russes, ainsi que de réduire, voire d’éliminer, la menace sécuritaire et militaire russe contre les alliés européens, d’une manière qui contribue à son tour à réduire les charges militaires et sécuritaires des Etats-Unis envers les alliés européens et qui permette également à ces alliés d’être entraînés dans la bataille planifiée des Etats-Unis contre la Chine. Cela ne signifie pas qu’il sera facile de mettre fin à la guerre russo-ukrainienne, mais ce sera l’un des principaux objectifs de l’Administration Trump. De même, en ce qui concerne la Corée du Nord, le processus de normalisation devrait reprendre dans le but de l’éloigner des partenaires russes et chinois. Ainsi, si l’objectif est de mettre fin ou de geler la guerre russo-ukrainienne, de stabiliser les relations russo-européennes et de normaliser les relations avec la Corée du Nord, il sera surtout de réchauffer le conflit avec la Chine, sans nécessairement en arriver à une confrontation militaire.
Au Moyen-Orient, les conjonctures syriennes internes occuperont une place importante dans les interactions régionales. Toutefois, la variable la plus importante qui déterminera le déroulement des événements dans la région au cours de 2025 restera l’ampleur de l’implication des Etats-Unis dans la région et la question de savoir si Trump adoptera des idées radicales majeures concernant la région, qu’il s’agisse d’idées politiques ou sécuritaires, pour tirer parti de ce qui s’est passé dans la région depuis octobre 2023 jusqu’à aujourd’hui. Cependant, toutes les parties doivent réaliser qu’il ne s’agit pas de savoir si de telles idées seront avancées ou non, mais de savoir si la région y est prête et dans quelle mesure elles les accepteront, sinon, la région restera piégée dans des cycles successifs de conflits et de chaos.
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