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Ayman El Raqab : La plus grande crainte est que le Hamas poursuive son statu quo

Osmane Fekri, Mardi, 06 mai 2014

Ayman El Raqab, professeur de sciences politiques à l’Université Al-Qods et membre du Fatah, estime que la récente réconciliation a des chances de tenir, même si le dossier de la sécurité avec le Hamas reste en suspens.

Ayman El Raqab
Ayman El Raqab, professeur de sciences politiques à l’Université Al-Qods et membre du Fatah.

Al-Ahram Hebdo : Pensez-vous que les années de division palestinienne aient aujourd’hui pris fin avec ce nouvel accord entre le Hamas et le Fatah ?

Ayman El Raqab : Le peuple palestinien a souffert durant les 7 dernières années d’un affai­blissement à cause du coup du Hamas en 2007, perpétré contre les appareils du pouvoir palesti­nien et qui avait pour résultat une division qui a fragmenté la cause palestinienne et qui a affaibli son leadership face aux Israéliens. La société palestinienne et les habitants de Gaza ont payé le prix dans tous les domaines. La réconciliation est devenue désormais très importante pour toutes les parties et pour le peuple palestinien spécifiquement, qui s’est lassé des perpétuelles tentatives de réconciliation vouées à l’échec. Bien que la plupart des Palestiniens croient que cette tournée de négociations palestiniennes est décisive, nombreux sont ceux qui craignent son échec, à l’instar des précédentes. Nous réalisons que les circonstances qui entourent les deux parties font de la réconciliation une chose indis­pensable pour faire sortir les deux côtés de l’impasse. Le Hamas a perdu son plus grand partenaire après la chute des Frères en Egypte et la fermeture des tunnels qui étaient source de revenus énormes, mettant le mouvement dans une impasse financière et politique. Par ailleurs, les négociations trébuchent entre la présidence palestinienne et les Israéliens, et les options sont assez limitées. Il faudrait donc une réconciliation qui donne une impulsion à tous. C’est pourquoi la réconciliation a cette fois-ci de bonnes chances pour l’emporter.

— Le Hamas respectera-t-il la réconcilia­tion cette fois-ci ?

— Malgré les impasses financières et politiques que j’ai évoquées, je crois que le Hamas essayera de saper la réconciliation au cas où il n’y trouverait pas de solution à ses problèmes. Surtout que des voix émanant du mouvement parlent d’un gouvernement de technocrates qui serait présidé par le président palestinien Abou-Mazen, mais qui ne reconnaîtra pas Israël. Alors que le président palestinien a parlé en toute franchise d’un gouvernement engagé à son programme poli­tique basé sur les négociations avec Israël et qui les considère comme un choix stratégique sou­tenu par la résistance populaire non armée et qui se plierait à tous les accords conclus avec l’OLP, entre autres l’accord d’Oslo. L’ajournement des questions de divergence, tels les appareils de sécurité et l’intégration de plus de 40000 fonc­tionnaires du gouvernement du Hamas, pourrait faire exploser la réconciliation à nouveau. Comme l’a dit le président palestinien dans son discours devant le conseil central de l’OLP, la réconciliation réalisera un succès si les inten­tions sont bonnes, faisant allusion au Hamas. A vrai dire, nous craignons que des interventions de forces étrangères, alliées du Hamas, n'inter­viennent pour saper la réconciliation.

— Quels sont les dossiers de divergences dont il a été convenu de mettre de côté ?

— C’est surtout le dossier des appareils de sécurité en Cisjordanie et à Gaza ainsi que les opérations de fusion des appareils et leur rétrac­tion. Ce dossier sera la respon­sabilité des appareils égyptiens de sécurité. Il s’agit également de l’opération d’intégrer des fonctionnaires du Hamas au sein des appareils et des minis­tères de l’Autorité. Ceci néces­site 50 millions de dollars au moins dans la trésorerie de l’Etat. A cela s’ajoute le calen­drier de l’élection présiden­tielle, à condition qu’elle n’ait lieu que 6 mois après la forma­tion du gouvernement.

— Quel rôle ont joué les Egyptiens dans cette réconciliation ?

— Les Egyptiens ont fait de leur mieux depuis le début de la division, et même avant, pour rapprocher les points de vue et mettre un terme à la division. Le rôle égyptien a été clair. Une délégation de l’OLP dirigée par Azzam Al-Ahmad s’est rendue au Caire et les autorités égyptiennes ont parallèlement facilité au leader du Hamas, Moussa Abou-Marzouq, des allers-retours entre Le Caire et Gaza. Il est dans l’inté­rêt de l’Egypte de clore ce dossier, pour sécuriser sa frontière nord, et en même temps s’opposer aux tentatives de division des Palestiniens en deux entités, car ceci aura des répercussions sur toute la région.

— Le Hamas pourra-t-il dénouer son alliance avec les Frères musulmans par cet accord ?

— Nombreux ont été ceux qui ont conseillé au Hamas d’annoncer la rupture de ses liens avec la confrérie en Egypte, d’annuler la deu­xième clause de sa Constitution qui détermine la relation entre le Hamas et les Frères, et d’an­noncer que c’est une organisation palesti­nienne n’ayant rien à voir avec les Frères, et dont la mission essentielle sera cantonnée dans la Palestine et la résistance à l’occupation. Mais il n’a pas encore changé de comporte­ment, et je ne prévois pas de changement. Le Hamas fait partie intégrante de la confrérie et a prêté serment plusieurs fois devant le guide suprême. Il s’agit d’une croyance bien ancrée dont il sera difficile de se débarrasser.

— La réconciliation avec le Hamas a-t-elle suscité des appréhensions auprès du Fatah ?

— De nombreux chefs et membres du mou­vement craignent que cette réconciliation ne soit aussi fragile que celles qui l’ont précédée, d’autant plus que les réalités sur le terrain n’ont pas changé. La plus grande crainte est que le Hamas poursuive son statu quo de ses instances de sécurité et ses milices qui échap­pent à l’Autorité palestinienne.

— La réconciliation aura-t-elle des impacts positifs sur la cause palestinienne ?

— La réconciliation aura certainement un impact positif sur la cause palestinienne, d’au­tant que l’effort palestinien sera réuni sous une même tutelle. Les Palestiniens auront un pro­gramme et un leadership unifiés. Cette ques­tion donnera une forte impulsion au leadership palestinien et empêchera les opérations indivi­dualistes et l’affaiblissement de la cause. Elle ouvrira de nouveaux horizons à une entité palestinienne unifiée qui était vouée à la divi­sion et au partage. J’espère que la réconcilia­tion verra le jour, pour que le peuple palesti­nien tourne la page de la division.

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