
John Kerry a pu obtenir l'accord de Salva Kiir de rencontrer prochainement Riek Machar.
(Photo:Reuters)
La médiation américaine pourrait avoir un impact positif sur la crise qui secoue le Soudan du Sud depuis des mois. Dans un discours au siège de l’Union Africaine (UA) à Addis-Abeba, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a promis samedi dernier son « engagement personnel » pour faire cesser le conflit, qui dure depuis plus de quatre mois, malgré un accord de cessez-le-feu signé le 23 janvier de cette année mais jamais appliqué. « J’étais hier (vendredi) au Soudan du Sud. J’ai vu comment une nation nouvelle, une vision de l’avenir qui s’annonçait prometteuse pouvaient être remises en cause par de vieilles rancunes ayant dégénéré en violences », a déclaré le chef de la diplomatie américaine à propos de la rivalité opposant le président du Soudan du Sud, Salva Kiir, à son ancien vice-président devenu chef rebelle, Riek Machar.
Pour sa première tournée africaine, Kerry a entamé vendredi 2 mai une visite surprise à Juba, où il s’est entretenu avec le président Kiir. Brandissant la menace de sanctions américaines ciblées contre Kiir et Machar, rendues possibles par un décret du président américain Barack Obama prévoyant saisies d’actifs et interdictions de visa, Kerry a pu obtenir l’accord de Salva Kiir de rencontrer prochainement Riek Machar en face-à-face, pour la première fois depuis décembre. Kiir a été aussi d’accord pour démarrer des négociations visant à former un gouvernement de transition. « J’ai également téléphoné à l’ancien vice-président Riek Machar et je l’ai exhorté à faire pareil », a déclaré Kerry. De sa part, l’ambassadrice américaine à l’Onu, Samantha Power, a elle aussi exhorté Kiir et Machar à se rencontrer d’urgence. Dénonçant « de nombreuses promesses des dirigeants sud-soudanais qui n’ont pas été suivies d’effet », Mme Power a lancé samedi devant le Conseil de sécurité un appel aux deux rivaux : « Nous demandons instamment au président Salva Kiir et à l’ancien vice-président Riek Machar de se mettre d’accord rapidement sur une date pour leurs entretiens en tête-à-tête ». Par ailleurs, la visite surprise du secrétaire d’Etat américain, qui évoque des risques de génocide et de famine, est la plus forte initiative diplomatique concernant cette guerre civile commencée le 15 décembre, qui a fait basculer la nation la plus jeune et parmi les plus pauvres de la planète dans des atrocités perpétrées par les forces gouvernementales et rebelles : massacres ethniques, viols, recrutement par milliers d’enfants-soldats.
A coups de milliards de dollars
Les Etats-Unis ont été le principal artisan de l’accession du Soudan du Sud à l’indépendance en 2011, après plus de deux décennies (1983-2005) de sanglante guerre civile contre Khartoum, et l’ont soutenu à coups de milliards de dollars. Mais selon des spécialistes, l’engagement et la pression américaine sur le Soudan du Sud ont des limites. Pour l’heure, si Washington soutient l’idée de sanctions, elle n’a pas encore franchi le pas. Et il n’est pas question, aux yeux des Américains, d’un engagement militaire sur le terrain. Les Etats-Unis privilégient l’option régionale et le déploiement de forces africaines sous mandat onusien. Jusqu’à présent, ces pressions diplomatiques n’ont ni inversé la tendance ni stoppé la descente aux enfers pour les onze millions de Soudanais du Sud. « Je reste convaincu que tout sera différent si l’Onu envoie des troupes sur le terrain. C’est impératif. Je crois également que des sanctions devraient être ordonnées », a indiqué Kerry au Soudan du Sud.
En outre, et selon des diplomates, des discussions ont commencé entre les membres permanents du Conseil de sécurité sur deux résolutions, l’une sur un régime de sanctions, et l’autre redéfinissant le mandat de la mission de l’Onu au Soudan du Sud (Minuss).
Pour sa part, la France s’est dite favorable à « la mise en place d’un régime de sanctions, voire à une saisine de la Cour Pénale Internationale (CPI) », face aux crimes contre l’humanité perpétrés dans ce pays. En réalité, la lutte de pouvoir entre Salva Kiir, qui accuse de tentative de coup d’Etat Riek Machar, et ce dernier, qui dénonce un prétexte inventé par le président pour éliminer des rivaux politiques, est exacerbée par de vieux antagonismes entre peuples dinka et nuer, dont sont respectivement issus les deux hommes.
Ainsi, des milliers de personnes ont déjà péri — probablement des dizaines de milliers — à cause de ce conflit, mais les bilans précis manquent, tandis qu’au moins 1,2 million de Sud-Soudanais ont dû fuir leurs foyers. Huit bases de l’Onu abritent, dans des conditions épouvantables, plus de 78 000 civils sud-soudanais craignant d’être massacrés s’ils se risquent à sortir. Les organisations humanitaires ont de plus prévenu que le Soudan du Sud était au bord de la pire famine que l’Afrique ait connue depuis les années 1980.
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