Nommé architecte de la cour royale, Verrucci accompagne le roi Farouq.
Architecte, historien, archéologue, graphiste, diplomate et conseiller de confiance du roi Fouad Ier, directeur de l’école italienne d’arts appliqués Leonardo Da Vinci du Caire et président de la branche cairote de la Dante Alighieri pendant une vingtaine d’années, Ernesto Verrucci est « un personnage solide qui a profondément marqué les relations entre l’Egypte et l’Italie, notamment les relations culturelles », souligne Guiseppe Cecere, directeur du Centre italien d’archéologie en Egypte.
Ernesto Verrucci.
Ernesto Verrucci est né en mars 1874 à Force, dans la province d’Ascoli Piceno, située au centre de l’Italie. « Son compagnon d’armes italien Petracchi Gerardo, qui était naturalisé égyptien, l’introduira en Egypte, entre 1897 et 1898, à Alexandrie », souligne Flavia Orsati Verrucci, qui a rédigé un livre récemment publié sur la vie de l’architecte Ernesto Verrucci. Au Caire en 1898, le jeune Ernesto prendra un an d’apprentissage. Puis, il sera choisi comme architecte en chef des travaux publics, par nomination ministérielle. Quelques années plus tard, en 1907, le jeune Ernesto quittera la fonction publique pour devenir architecte indépendant. Très compétent, il remportera en 1914 le contrat de la conception et de la construction de la nouvelle université égyptienne, dont la construction sera suspendue en raison de la Première Guerre mondiale.
Le monument du Soldat inconnu réalisé par Verrucci pour le khédive Ismaïl.
Titres officieux
Ernesto Verrucci prendra son élan sous le règne du roi Fouad (1917-1936), qui avait suivi ses études à l’Académie de Turin. Verrucci se verra attribuer la distinction de « grand officier de l’Ordre du Nil » et de « l’Ordre d’Ismaïl » vu ses services rendus à l’Egypte. Il reçoit le titre de Bey de IIe classe en 1919 et celui de Bey de Ire classe en 1923. Verrucci sera également nommé architecte en chef des Waqfs du sultan et membre du Comité de conservation des monuments de l’art arabe. L’architecte concevra le minbar en bois de la Grande Mosquée de Paris présenté comme don du roi Fouad, dans la seconde moitié des années 1920.
D’ailleurs, l’architecte concevra les tombes du roi Fouad et de la reine mère à la mosquée Al-Rifaï au Caire en 1919. Verrucci réalise « les cénotaphes de marbre polychrome aux motifs décoratifs islamiques en cuivre et en laiton, qui s’inscrivent parfaitement dans la tradition stylistique égyptienne », souligne Flavia Orsati. Elle ajoute que Verrucci accomplira des travaux de construction, de restauration, de rénovation et d’élargissement dans un grand nombre de palais royaux, notamment les Palais de Qobba et de Abdine au Caire et à Alexandrie, ainsi que la restauration du Palais de Ras Al-Tine. Il enrichira également le Palais de Montaza.
Densité de réalisations
Les travaux de Verrucci s’étendent aussi à l’édification des villas. Il s’intégrera au monde égyptien des affaires et recevra beaucoup de commandes de conception de tombes. Pour ce faire, Verrucci s’inspirera des cultures méditerranéennes créant de multiples oeuvres au style architectural riche et varié comme la villa De Martino Pascia. Verrucci concevra aussi des établissements scolaires à l’instar de l’école grecque orthodoxe d’Héliopolis, construite dans le style byzantin, ainsi que le siège de la Société d’entomologie et celui du bâtiment des services médicaux d’urgence à Alexandrie. L’architecte concevra aussi des établissements culturels et de divertissement comme le théâtre d’Ezbekiyeh au Caire et la bibliothèque de la ville de Damanhour au nord du Delta égyptien, érigée en 1933. N’oublions pas non plus la conception de tombes de style arabe comme celle du docteur Elwi pacha, au cimetière islamique du Caire. C’est également lui qui concevra la tombe de la famille Nuncovich, de style classique. Cette tombe se dresse au cimetière grec orthodoxe du Caire. Verrucci érigera à Alexandrie la maison de repos du roi d’Italie Vittorio Emanuele III (1869-1947). Parmi les restaurations qu’il avait établies, il y a le monument bâti en l’honneur d’Ismaïl pacha et l’actuel monument du Soldat inconnu à Alexandrie inauguré en 1938. « Verrucci avait un style éclectique mélangeant et harmonisant des éléments architecturaux issus de traditions et de contextes variés dans le temps et l’espace. Son travail combine le style arabe et oriental et le style européen. Son travail réfère à l’architecture italienne ancienne avec des influences arabe et mamelouke. On reconnaît aussi dans son style le renouveau néo-byzantin et l’art déco moderne. Ce style composite influencera considérablement les tendances architecturales du public égyptien pendant la période de l’entre-deux-guerres », reprend Flavia Orsati, qui souligne la densité des oeuvres ar ch itecturales réalisées par Verrucci.
(Photo : Flavia Orsati Verrucci)
En effet, ses travaux ont donné lieu à « de nouveaux styles et de nouvelles tendances qui résument les relations entre l’Italie et l’Egypte dans le domaine de l’art, de l’architecture et de la culture », renchérit Cecere.
Grâce à ses réalisations, Verrucci sera l’architecte en chef des palais royaux. Un poste annulé par le roi Farouq (1936-1952), qui le nommera plus tard architecte en chef honoraire et surintendant des beaux-arts des palais royaux.
Malgré ce long parcours professionnel, Ernesto Verrucci n’aura pas d’élèves directs, mais plutôt de nombreux collaborateurs à l’instar de l’architecte Mario Rossi, connu sous le nom de « l’architecte des mosquées ». Notons que Verrucci fera venir Rossi de Rome en 1921 pour le désigner comme décorateur assistant.
Après une vie pleine de réalisations et de chefs-d’oeuvre architecturaux de style éclectique, Verrucci rentrera définitivement en Italie fin 1939 et passera ses dernières années à Force, dans sa demeure connue comme étant « la Villa Verrucci » qu’il concevra à l’image du Palais de Montaza à Alexandrie. Il concevra une tombe au cimetière de Force et disparaîtra en juillet 1945.
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