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Agenda 2063 : Les défis d’une vision panafricaine unifiée

Nada Al-Hagrassy , Vendredi, 20 décembre 2024

Evaluer la première décennie de l’entrée en vigueur de l’Agenda 2063, tel était l’objectif du récent panel de discussions organisé par la Fondation Kemet Boutros Ghali pour la paix et la connaissance en coopération avec l’Université du Caire. Compte rendu.

Agenda 2063 : Les défis d’une vision panafricaine unifiée

C’est sous la coupole de l’Université du Caire que s’est tenu, la semaine dernière, le premier panel de discussions sous le slogan « L’Agenda de l’Union africaine 2063 : enjeux et défis ». Ce séminaire avait pour objectif d’évaluer dix premières années de mise en oeuvre de l’Agenda de l’Union Africaine (UA) 2014-2024. Les principaux interlocuteurs étaient l’ambassadeur Nader Fath Al-Aleem Sir Al Khatm, chef de la délégation de l’UA auprès de la Ligue arabe, et le Dr Mohamed Achour Mahdi, professeur de sciences politiques et de droit international au Centre des études africaines dépendant de la faculté d’économie et de sciences politiques de l’Université du Caire. Le séminaire a débuté en soulignant l’importance de l’Agenda de développement durable 2063 adopté par les chefs d’Etat et de gouvernement africains lors des célébrations du jubilé d’or de la création de l’OUA/UA en mai 2013. En effet, cet agenda succède à des plans de développement antérieurs tels que le Plan d’Action de Lagos et le Traité d’Abuja dans les années 1990 qui n’ont pas atteint tous leurs objectifs. « A l’aube de 2025, il est temps de faire un examen approfondi des enjeux et des défis de la décennie écoulée », a souligné Mohamed Achour Mahdi. Et d’ajouter : « Après l’accession à l’indépendance politique, la fin du régime de l’apartheid en Afrique du Sud et l’arrivée au pouvoir de la nouvelle génération des dirigeants africains, le besoin de développer le continent est devenu de plus en plus pressant. La création de l’UA regroupant 55 pays africains a renforcé cette dynamique ». C’est ainsi qu’est né l’Agenda 2063, une vision pour un développement durable de l’Afrique, sous le thème « L’Afrique que nous voulons ». Cet agenda se définit comme un plan d’action destiné à faire de l’Afrique, tout au long des cinquante prochaines années, « un continent intégré, prospère et pacifique, dirigé par ses propres citoyens et représentant une force dynamique sur la scène mondiale ». L’agenda se fixe trois objectifs, chacun divisé en plans décennaux : le renforcement des coopérations intra-africaines, l’achèvement des intégrations régionales et l’industrialisation.

Interconnecter les quatre coins de l’Afrique

Selon le Dr Mohamed Achour Mahdi, le plan décennal 2014-2024 a été marqué par le lancement d’un nombre de mégaprojets économiques visant à interconnecter les quatre coins du continent. Parmi ceux-ci on peut citer l’installation d’un réseau ferroviaire de trains à grande vitesse, la création de l’Université africaine virtuelle et en ligne, la délivrance du passeport africain commun et la libre circulation des citoyens. « Cependant malgré la réussite de certains de ces projets, des défis persistent et exigent une attention particulière », souligne Mahdi. D’après lui, le plan s’aligne d’une manière générale sur les projets de développement nationaux de chaque pays. « Toutefois, il néglige les spécificités de chaque région comme la disparité du développement entre les pays de l’Afrique du Nord et ceux de l’Afrique du Sud. Il en va de même pour l’Afrique subsaharienne et le Sahel ». Un autre défi, comme l’explique Mahdi, réside dans « le manque de compréhension entre les citoyens et les responsables de l’UA sur l’importance de la réalisation d’un tel ou tel projet ». Il souligne également un autre facteur aussi important qui affecte l’intégration continentale : la multiplicité des appartenances des pays du continent à d’autres institutions et organisations dont chacune a ses propres objectifs et son propre agenda « qui peuvent interférer, voire affecter le processus d’intégration continentale ». Par ailleurs, parmi les points négatifs il y a l’inefficacité du partage du budget alloué aux différents projets. Ainsi on remarque que près de 70 % de ce budget sont accordés au volet de la paix, tandis que seuls 30 % sont alloués aux autres volets. D’après cette répartition, on peut donc déduire que « seuls 10 % des objectifs ont été atteints », explique Mahdi, avant de conclure son intervention en affirmant qu’il s’oppose à l’évaluation des accomplissements uniquement en fonction du temps : « Il n’est pas logique d’évaluer la performance uniquement par le facteur temps parce que parfois la restructuration des pays nécessite beaucoup plus de temps que prévu ».

Supprimer les classifications héritées de l’époque coloniale

L’ambassadeur Nader Fath Al-Aleem Sir Al Khatm a tenu à éclaircir les aspects pratiques de l’adaptation de cet agenda. « L’importance de l’adaptation de cet agenda est qu’il émane du concept de panafricanisme. Il s’agit des aspirations des peuples africains vers des idéaux communs : la liberté, la bonne gouvernance et le respect des droits des citoyens », a souligné Fath Al-Aleem. Et d’ajouter : « Il convient également de rappeler que le volet consacré au maintien de la paix a porté ses fruits. En effet, le continent connaît aujourd’hui bien moins de conflits actifs qu’auparavant, où les coups d’Etat étaient fréquents, au point qu’on pouvait dire que quiconque disposait d’armes pouvait s’emparer du pouvoir par la force ». Selon lui, il faut aussi tenir compte du fait que le lancement de la Zone de libre-échange a exigé beaucoup de travail de la part des experts pour harmoniser les systèmes de mesure, notamment en qui concerne les poids qui diffèrent entre les pays de l’Afrique anglophone et celle francophone. Cet énorme effort a abouti au lancement de la Zone de libre-échange qui a développé d’une manière significative le commerce interafricain. Il ne faut pas oublier non plus la possibilité de voyager dans certains pays africains sans visa. Le Rwanda a été le premier pays à garantir la libre circulation des citoyens africains, suivi par les pays de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique de l’Est. « Dans ce contexte, il est important de ne plus se fier aux classifications héritées de l’époque coloniale, telles que l’Afrique du Sahel et l’Afrique subsaharienne, afin de promouvoir une vision panafricaine unifiée », a-t-il souligné. Le chef de la délégation de l’UA auprès de la Ligue arabe poursuit son argumentation en affirmant que l’UA a mis en place une force d’intervention rapide composée de soldats des pays membres. « Maintenant, toute opération de maintien de la paix en Afrique incombe à ces forces et il n’y a pas besoin de demander l’intervention de forces étrangères, notamment celles issues d’anciennes puissances coloniales ». D’ailleurs, actuellement, 10 ans après l’adoption de l’Agenda de développement durable 2063, l’Afrique s’est imposée comme un acteur majeur sur la scène internationale. « Rappelons que c’est l’Afrique du Sud qui a tenté un procès contre Israël et ses crimes commis à Gaza, bien que cette question relève de la cause arabe ». Et d’ajouter que bien que les trois pays concernés par la question du barrage de la Renaissance aient sollicité l’intervention du Conseil de sécurité des Nations-Unies dans l’affaire, celui-ci a, à son tour, transféré l’affaire à l’UA. « On peut donc dire qu’en dépit de certaines lacunes qui existent encore, l’adoption de l’Agenda de développement durable 2063 a réussi dans bon nombre de volets et a aidé l’Afrique à se forger une place importante sur la scène internationale », conclut l’ambassadeur Nader Fath Al-Aleem Sir Al Khatm.

 Les mégaprojets africains

— Le réseau intégré de trains à grande vitesse

— Le passeport africain et la libre circulation des personnes

— Faire taire les armes 2020

— Construction du barrage Grand Inga

— Création d’un marché unique africain de transport aérien

— La mise en place des institutions financières africaines

— La création de l’Université africaine virtuelle et en ligne

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