Après plusieurs mois d’attente, le gouvernement égyptien a dévoilé des détails supplémentaires sur son Programme d’introduction en Bourse (IPO), prévu pour début 2025. Le premier ministre a révélé que 10 entreprises étaient concernées, dont quatre affiliées aux Forces armées. « Ces sociétés seront proposées soit en partenariat avec des investisseurs stratégiques, soit par le biais d’offres publiques à la Bourse égyptienne. Les entreprises des Forces armées, quant à elles, seront directement introduites en Bourse », a précisé Mostafa Madbouly lors d’une conférence de presse tenue le 11 décembre. Il a ajouté que les pourcentages de participation seraient détaillés pour chaque entreprise au cours des mois prochains.
L’accélération du programme répond à une recommandation du Fonds Monétaire International (FMI) et coïncide avec la récente visite d’une délégation de l’institution en Egypte, dans le cadre de la quatrième revue du programme de réforme économique. L’Egypte s’est engagée auprès du FMI à renforcer la contribution du secteur privé à l’économie tout en réduisant les investissements publics. Cet engagement s’inscrivait dans un programme de réforme visant à obtenir un prêt de 8 milliards de dollars. « Pour concrétiser cet engagement, le gouvernement a publié le Document de politique de propriété de l’Etat, qui confirme le retrait de l’Etat de 14 secteurs et la réduction des investissements dans 24 activités économiques », a rappelé Madbouly.
Le gouvernement a déjà mis en oeuvre une partie de ce plan entre mars 2022 et juin 2024, générant des recettes de 30 milliards de dollars, selon des données officielles. La liste comprenait de grandes entités, telles que la banque CIB, Abu Qir Fertilizers et Fawry (spécialisée dans la technologie bancaire et les paiements électroniques). United Bank a été la dernière à être introduite en Bourse le mois dernier.
Les entreprises qui seront proposées à la vente en 2025 couvrent une variété de secteurs, notamment les banques, la pharmacie, l’agroalimentaire, l’énergie et les stations-service (voir tableau). La spéculation entourant les quatre sociétés affiliées aux Forces armées a été clarifiée par les déclarations du premier ministre, qui en a également précisé le calendrier. Selon ses annonces, l’opérateur de stations-service Wataniya et le fournisseur d’eau en bouteilles Safi seront introduits sur les marchés financiers d’ici mi-2025. Les deux autres sociétés, Silo Foods (spécialisée dans les produits alimentaires) et Chill Out (distributeur de carburant) seront mis en vente d’ici la fin de 2025.
Dans le secteur des énergies renouvelables, une offre très attendue concerne le parc éolien de Gabal Al-Zeit, d’une capacité de 580 MW. Selon le site économique Enterprise, des négociations sont en cours entre le gouvernement et le géant britannique Actis pour conclure un accord d’ici fin 2024.
Impacts positifs
Ahmed Moaty, expert en marchés financiers et PDG de VI Markets Egypt, estime que la diversité des secteurs représentés dans cette liste constitue un atout majeur. « Cela offre une grande liberté aux investisseurs et montre que le gouvernement a bien fait de leur proposer un large éventail de choix », explique-t-il. En ce qui concerne le calendrier, il considère que celui-ci est judicieux. « Le gouvernement a envoyé deux messages importants. Le premier est destiné aux investisseurs, locaux et étrangers, pour leur montrer sa détermination à se retirer de certains secteurs stratégiques et laisser la place au secteur privé. Le second message s’adresse au FMI, signalant que l’Egypte est sur la bonne voie, ce qui pourrait accélérer la quatrième revue du programme de réforme », analyse-t-il.
De son côté, Amr Al-Alfy, directeur de la recherche chez Thndr Securities Brokerage, se montre plus réservé. Il estime que l’Egypte est en retard sur son programme et qu’il est impératif d’annoncer des calendriers plus précis. Le marché financier et l’économie égyptienne sont plus que jamais prêts à accueillir et à exécuter les deux types d’investissement proposés par le gouvernement : partenariats stratégiques et introductions en Bourse. Toutefois, il est crucial d’accélérer le calendrier afin de renforcer la crédibilité du programme, explique Al-Alfy. « Le pays a besoin d’un mélange équilibré entre les introductions en Bourse et les partenariats avec des investisseurs stratégiques, ces derniers représentant une source importante de revenus en dollar », ajoute-t-il.
Globalement, les experts sont optimistes. Ils estiment que les tensions géopolitiques dans la région n’auront pas d’impact négatif sur l’attractivité du marché égyptien pour les nouveaux investisseurs. Comme l’explique Al-Alfy, l’Egypte, aux côtés de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis, figure parmi les rares pays de la région à ne pas être directement affectés par les conflits. Avis partagé par Moaty, pour qui « les pays arabes et ceux du Golfe montrent un intérêt particulier pour les investissements en Egypte. Cela se reflète dans des projets majeurs tels que le développement de Ras Al-Hikma, ainsi qu’une multitude d’initiatives dans la région économique du Canal de Suez, à Port-Saïd, dans la Capitale administrative ou encore sur la Côte-Nord, qui témoignent d’une dynamique industrielle soutenue ».
L’expert se montre également confiant concernant l’évaluation des entreprises, estimant que celles-ci ne seront pas significativement affectées par la récente dépréciation de la livre égyptienne, qui a dépassé la barre des 50 L.E. pour un dollar et s’approche désormais de 51 L.E. Moaty rappelle que cette dépréciation minimale avait été anticipée par le premier ministre, qui avait prévu un taux de change flexible avec une variation de ±5 %. « Madbouly a bien fait d’offrir une feuille de route aux investisseurs, qu’ils s’intéressent à la Bourse ou aux partenariats stratégiques. Les évaluations se baseront donc sur des fondations solides, en prenant en compte le taux de change le plus élevé, soit +5 % », a-t-il ajouté.
En ce qui concerne l’impact sur la Bourse, Moaty affirme que les nouveaux titres financiers offriront une impulsion à l’indice principal EGX 30, qui a récemment franchi la barre des 30 000 points. « Même lorsque l’indice repasse brièvement en dessous de ce seuil, il rebondit rapidement. Ce phénomène est saisonnier : fin décembre, nous assistons souvent à une tendance accrue de prise de bénéfices. Les particuliers, comme les institutions, gardent alors un oeil sur la nouvelle année et attendent l’arrivée de nouveaux titres financiers pour investir leurs liquidités », analyse-t-il. Il ajoute que « cette fois-ci, pour la première fois, nous avons des entreprises affiliées aux Forces armées, rentables et bien gérées, qui seront disponibles pour l’investissement ».
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