Des couples qui se font et se défont.
Retrouver l’âme soeur reste une éternelle quête humaine. Pour certains, elle est idéaliste et illusoire et pour d’autres, elle est réaliste et authentique. Parle-t-on d’une romance ou d’un besoin social ? Quelle que soit sa vérité, cette quête est bien ancrée en nous. Dans son premier long métrage, Al-Hawa Soltan (l’amour est sultan), la cinéaste Heba Yousri choisit de traiter d’une histoire simple, puisant dans la relation ambiguë entre deux amis d’enfance, Ali (interprété par Ahmed Daoud) et Sara (interprétée par Menna Chalabi) qui découvrent petit à petit que ce qui les lie est beaucoup plus qu’une amitié. Le film, dès sa sortie en salle le mois dernier, a été un grand succès, en Egypte comme en Arabie saoudite.
Le public est-il en quête de romances simples ? Ou a-t-il retrouvé dans les personnages l’image d’une génération confuse, déchirée par plusieurs désirs ? Le film, écrit par Heba Yousri, met en scène, durant toute sa première partie, la relation d’amitié entre Sara et Ali, qui ne se quittaient point et se considéraient comme frère et soeur. Ils ont oublié de s’interroger sur leurs sentiments au fil des ans.
L’autrice a réussi à dessiner deux personnages très représentatifs de la génération née entre 1980 et 1990, élevés par des parents traditionnels, ceux du genre à travailler dans les pays du Golfe pour faire fortune et retourner au pays pour acheter une maison et vivre tranquillement. Les familles de Sara et Ali étaient des voisins et leurs enfants ont grandi ensemble, partageant tant de souvenirs.
Les deux jeunes gens sont très ordinaires et sans grande ambition. Sara est toujours en jean et t-shirt. Elle vit seule dans son appartement d’Héliopolis après la mort de sa mère. Elle se contente de regarder la télévision et d’échanger avec ses collègues en rentrant du travail. Ali, lui, est tout le temps dans son bureau, caché derrière son ordinateur. Il mène lui aussi une vie assez routinière et passe ses moments de loisir avec sa copine de toujours à écouter des chansons pop arabes, en roulant avec sa voiture.
Leurs rencontres font désormais partie de la routine. Deviennent habituelles. Ali est déçu de ne pas avoir de relation amoureuse. Lors d’une conversation sincère, il confesse à Sara que leur rapport empêche l’un et l’autre d’avancer. La séparation devient un passage obligé. Les deux amis cherchent à se trouver des partenaires.
Les dialogues sont très naturels, de vraies conversations de tous les jours. Les personnages empruntent leurs références et leurs blagues à de vieux films et feuilletons égyptiens.
Avec la caméra de Nancy Abdel-Fattah, la réalisatrice réussit à nous promener dans les rues du Caire et du quartier d’Héliopolis qui se distingue de par son architecture spécifique, les immeubles des années 1960 avec leurs grands balcons et leurs vieux ascenseurs. Souvent, les deux amis sirotent un thé sur le balcon ou sillonnent les rues relativement tranquilles.
Menna Chalabi (Sara) et Ahmed Daoud (Ali), confus entre amour et amitié.
Des chansons qui racontent la vie
Tout au long du film, on partage avec les deux personnages leurs chansons favorites, reprenant tous les hits des années 2000-2010. On entend surtout plusieurs tubes du chanteur Bahaa Sultan. Et les deux protagonistes se meuvent en dansant. Les paroles des chansons résument leurs vies, leurs sentiments respectifs ; elles révèlent parfois leurs monologues intérieurs et plein de non-dits.
Le choix de ces chansons sert en particulier à situer les personnages dans un cadre temporel et à refléter leur goût musical, différent de celui de leurs successeurs qui aiment les Mahraganat (chants électro-populaires) et la musique trap.
La chanson phare du film Ana men gheirak (sans toi je suis perdu), interprétée par Bahaa Sultan, résume la perplexité du couple jeune qui découvre au fur et à mesure qu’ils ne peuvent pas vivre l’un sans l’autre. Ils ont essayé de s’engager avec d’autres partenaires, mais ce fut un échec. La chanson a fait des millions de visionnages, quelques jours avant la sortie du film, et fera partie du nouvel album du chanteur.
Lors d’une scène symbolique, Sara et Ali se retrouvent en face-à-face devant la porte de l’ascenseur. Ils s’embrassent et le baiser fiévreux leur fait comprendre leurs vrais sentiments qu’ils essayaient à tout prix de démentir. Après une période de remord, de confusion et de tiraillement, Ali avoue son amour pour Sara et on arrive au happy ending, avec le mariage où tout le monde est content et les deux familles font la fête.
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