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Injections amaigrissantes : Miracle ou danger ?

Chahinaz Gheith , Mercredi, 11 décembre 2024

C’est la nouvelle tendance du marché de la minceur. Le Saxenda, l’Ozempic et le Mounjaro font fureur dans le monde entier et la frénésie a atteint l’Egypte. Des injections qui changent la vie. Mais pas toujours pour le mieux. Focus.

Injections amaigrissantes : Miracle ou danger ?
Une injection miracle pour lutter contre l’obésité.

Saxenda, Ozempic, Mounjaro, Wegovy … Les noms sont sur toutes les lèvres. Ce seraient les nouveaux remèdes miracles pour perdre du poids. Destinés initialement aux patients diabétiques, le sémaglutide, commercialisé sous le nom de Ozempic et de Wegovy, le Saxenda, ainsi que le tirzépatide (Mounjaro) voient désormais leur usage détourné pour leurs effets amaigrissants rapides. Depuis plusieurs mois, la liste des personnes, y compris des célébrités, déclarant avoir testé ces médicaments, administrés par injection sous-cutanée, ne cesse de s’allonger. Autrement dit, les stars qui se piquent à ces médicaments fondent sous nos yeux et avouent le secret de leur perte de poids hyper rapide. Ces injections ont permis à l’acteur Khaled El-Sawi de perdre 20 kilos, Elham Chahine, Leila Eloui et Sabrine qui ont minci à une vitesse fulgurante les ont aussi utilisés. Même l’animatrice Oprah Winfrey, qui parle de son poids fluctuant depuis des décennies, a été attrapée dans les filets de cette tendance et a révélé être une adepte de ces nouveaux médicaments faisant maigrir.

« C’est la piqûre miracle pour mincir sans effort », lance Rana Samir, 36 ans, influenceuse, sur l’une de ses vidéos, visiblement bien plus mince qu’auparavant. Et d’ajouter : « Je ne veux pas raconter des mensonges. Dire que j’ai fait un super régime. J’avoue que je me suis juste injecté le produit pendant six mois ! Une fois par semaine pendant trois mois, puis à une moindre fréquence. Et c’est mon médecin qui me l’a prescrit ». Elle a perdu environ 30 kg, passant d’un état d’obésité à un Indice de Masse Corporelle (IMC) dans la norme. « Aujourd’hui, je ne pense plus du tout à manger et c’est quelque chose que je trouve incroyable », dit cette femme qui souffrait d’obésité depuis plusieurs années et qui a déjà subi une opération de chirurgie bariatrique. Pour elle, le médicament agit surtout sur ses pensées alimentaires. Idem pour Hicham, 57 ans, qui lutte avec des problèmes de poids et l’effet yo-yo depuis des années ; ce nouveau médicament lui a permis de perdre 18 kg et ce, sans perdre le plaisir de manger. « Il n’y a aucune frustration. Ça fait 40 ans que je lutte, 40 ans de yo-yo, de poids qui monte et qui descend avec soit des restrictions, soit de la culpabilisation », affirme-t-il.

Un marché juteux

Sur le marché de la perte de poids, une nouvelle génération de médicaments contre l’obésité a débarqué et a fait fureur sur les réseaux sociaux, suscitant l’engouement de millions de patients. Il s’agit des médicaments destinés aux diabétiques de type 2 et promus par des influenceuses et des stars comme une recette magique pour perdre des kilos. Car, outre son effet antidiabétique puissant, le sémaglutide réduit effectivement le poids de façon significative. Ainsi ces injections sous-cutanées, une fois par semaine, très à la mode, sont censées faire maigrir sans effort, et ce, en permettant de contrôler la glycémie et de stimuler la libération d’insuline, tout en ayant aussi le pouvoir de diminuer l’appétit en ralentissant le fonctionnement de l’estomac. Agissant comme un coupe-faim, ces médicaments sont perçus comme une bonne option pour ceux qui ont du mal à perdre du poids ou pour qui le surpoids entraîne d’autres problèmes de santé. Il est à signaler qu’avec deux tiers de la population en surpoids et un tiers obèse, l’Egypte détient, selon l’OMS, le record mondial de personnes souffrant d’excès pondéral.

De gros risques

Or, derrière la perte de poids fulgurante, ces injections, prises parfois sans prescription médicale, ont des effets secondaires graves, à savoir paralysie complète du système digestif, constipation, nausées, troubles digestifs, fatigue et même des problèmes cardiaques ou rénaux chez certaines personnes ou encore un cancer particulier de la thyroïde. Dans une vidéo publiée sur son compte Instagram, l’actrice Hind Abdel-Halim a expliqué que son dernier problème de santé avait été causé par les injections amaigrissantes qu’elle avait reçues. Bien qu’elle n’ait suivi ce traitement que pendant cinq semaines, il lui a causé un grave problème de santé, entraînant une paralysie temporaire de l’estomac. Elle a précisé qu’elle était incapable de manger ou de boire et qu’elle vivait grâce à des perfusions intraveineuses, en raison de douleurs intenses. « Ces injections ont failli me tuer », a assuré également l’acteur Khaled El-Sawi, qui a partagé son expérience et ses mises en garde concernant les injections amaigrissantes dans l’émission Kalam El-Nas sur MBC. « J’ai perdu 20 kilos et il m’en reste encore 20 à perdre. Mais je veux avertir tout le monde : j’ai essayé ces injections et cela a causé une catastrophe. Après 3 mois, l’une des injections a provoqué l’arrêt de mon système digestif et j’ai dû être hospitalisé pendant quelques jours », explique-t-il, tout en avertissant les gens pour ne pas utiliser ces injections amaigrissantes sans avis médical.

Cependant, Dr Ghada Nabil, diététicienne, estime que le sémaglutide induit une perte pondérale et une baisse de sucre dans le sang, mais par des mécanismes autres que de diminuer le plaisir à manger. Et comme il n’existe aucun médicament sans effets secondaires potentiels, il faut que ceux qui souhaitent utiliser ces injections amaigrissantes soient conscients de leurs effets secondaires tels que des nausées, des douleurs d’estomac, des vomissements et des diarrhées. « Lorsque vous commencez à prendre cette injection, votre corps est presque en état de choc, vous avez des maux de tête, des nausées, de la fatigue. Mais le corps commence à s’y habituer. Il faut être conscient et à l’écoute de son corps », explique-t-elle, tout en ajoutant que les autorités sanitaires, telles que la Food and Drug Administration (FDA) aux Etats-Unis et le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) au Royaume-Uni, estiment que ces piqûres sont sûres et efficaces pour le contrôle chronique du poids chez les adultes obèses souffrant d’au moins une affection liée à l’obésité, l’hypertension ou le diabète de type 2, par exemple. Elle souligne que leur utilisation doit s’accompagner d’un régime hypocalorique et d’une activité physique. « Par exemple, l’Ozempic peut aider à réduire le poids de plus de 15 % s’il est mis en oeuvre parallèlement à des modifications de l’alimentation et du mode de vie », poursuit Dr Ghada, tout en assurant que le recours croissant aux injections amaigrissantes, dont les prix varient entre 4 000 et 30 000 L.E., est en partie motivé par le fait que ces injections sont moins invasives que la chirurgie bariatrique, d’autant qu’elles permettent une perte de poids significative, sans avoir à subir une opération.

L’automédication, encore et toujours

Toutefois, si leur efficacité est scientifiquement prouvée, elles font craindre un mauvais usage de la part de personnes qui souhaiteraient perdre quelques kilos. Le porte-parole du ministère de la Santé, Hossam Abdel-Ghaffar, tire la sonnette d’alarme et revient sur les risques liés à l’utilisation abusive des injections amaigrissantes. « La prise d’injections amaigrissantes comme le saxenda, le Mounjaro et l’Ozempic sans prescription médicale comporte des dangers, étant donné que ces injections ne conviennent pas à tout le monde, surtout aux personnes souffrant de certaines pathologies (problèmes de thyroïde, antécédents de pancréatite, etc.). L’absence de consultation médicale signifie que ces contre-indications et les interactions avec d’autres médicaments peuvent être ignorées, augmentant ainsi les risques pour la santé », explique-t-il, tout en ajoutant qu’il est nécessaire que le parlement adopte une législation qui régisse l’utilisation de ces injections.

Un avis partagé par Dr Mohamed Yasser, diététicien spécialisé dans la chirurgie de l’obésité, qui s’inquiète d’une éventuelle ruée des Egyptiens sur les injections amaigrissantes et insiste sur la nécessité d’une prescription médicale non seulement pour limiter les effets secondaires, mais surtout car les envies alimentaires reviennent après l’arrêt des injections, parfois bien pires qu’avant. Ces médicaments ne sont donc pas une baguette magique pour perdre quelques kilos avant l’été, ils sont destinés à aider les patients souffrant d’obésité en complément d’un suivi médical. « Le poids qui amène le patient chez nous, ce n’est que la pointe de l’iceberg. Nous, en tant que spécialistes de l’obésité, nous devons nous occuper de tout ce que j’appelle les faces cachées de l’obésité avant de prescrire les médicaments qui, eux, vont aider à l’amélioration des changements d’habitude », affirme Dr Yasser. Et de conclure : « C’est quand même fou qu’un médicament pour diabétiques, qui s’administre avec l’aide d’un stylo en plastique, devienne un phénomène viral mondial. En voyant les résultats drastiques de l’avant et de l’après Ozempic, n’importe qui ayant des problèmes de surpoids aurait le goût de l’essayer ».

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